Contre vents et marées pour Samba, dernière éléphante « de cirque », dont la souffrance se brise sur l’indifférence de l’État
Dépliant à la gloire des cirques, note d’instruction du ministère : les autorités se liguent contre l’éléphante au Cirque d’Europe.
Alors que le Cirque d’Europe réapparaît une deuxième fois en ce mois de novembre 2023, après presque un semestre sans nouvelles de Samba, nous nous inquiétons du virage opéré par le gouvernement concernant la loi contre la maltraitance – déjà lacunaire – qui se confirme encore et encore. Après un dépliant vantant les mérites du spectacle mêlant exploitation et dressage d’animaux de la faune sauvage en danger, une note aux communes impose d’accepter les cirques avec animaux malgré l’imminence de la mise en application de la loi de 2021 (qui devrait leur interdire de se déplacer), et sous-entend que tout contrôle ne viserait qu’à prouver l’absence de souffrance… Exercice pratique à Épinay-sur-Orge.
En juillet, la publication de nos dernières images d’enquête accompagnées de l’annonce de notre plainte à laquelle étaient jointes des attestations de vétérinaires spécialistes des éléphants avait mis le feu aux poudres… Ou plutôt, Max Aucante, le dresseur de Samba, avait pris la poudre d’escampette, avant même le début des représentations annoncées.
Dès lors, nous craignions que la dernière éléphante de cirque en France ne soit envoyée à l’étranger, comme Dumba puis Kamala, et à peu près en même temps Bambi et Rosa ainsi que Nelly et Brigit, et enfin Baby… Avec l’aide ou sous les yeux fermés des autorités. Le calvaire de Samba aurait perduré, et nous n’aurions alors plus eu aucun levier légal pour lui offrir une meilleure vie.
Les autorités attendent-elles un « merci » de la part de Samba et de ses défenseurs…
Aussi, quand le Cirque d’Europe nous a été signalé à Morangis, une ville de banlieue jouxtant l’aéroport d’Orly, ni une ni deux : nous nous y sommes rendus pour confirmer sa présence et l’avons filmée… en proie à la stéréotypie. Nous avions dès lors un peu plus d’espoir, mais le délai était bien trop court pour qu’un contrôle de quelque sorte que ce soit ait lieu.
Capturée, battue, dressée, exploitée… Nous avons retrouvé Samba, entre piste et camion, à deux pas d’un aéroport… ce qui n’a rien de rassurant. Que va devenir la dernière éléphante de cirque que nous défendons depuis plus de 20 ans? #UnSanctuairePourSamba #CirquesSansAnimaux pic.twitter.com/24RsiI5p9B
— One Voice (@onevoiceanimal) November 2, 2023
Hier, un sympathisant nous a prévenus de sa présence à Épinay-sur-Orge, toujours en région parisienne. Et là, une fois de plus, les embûches s’accumulent. La ville a publié un communiqué de presse annonçant qu’un vétérinaire serait là « pour que la souffrance des animaux soit réduite ». La première réaction serait de se réjouir, mais qui peut encore se laisser duper ainsi ?
… ou un « mer** » ?
Une note d’instruction du ministère de la Transition écologique dont nous avons eu connaissance et datant de mi-octobre 2023, « relative à la procédure de contrôle des établissements itinérants détenant des animaux d’espèces non domestiques en vue de les présenter au public »,
vise expressément à faire pression sur les collectivités territoriales qui refuseraient la présence d’un cirque avec animaux dans leur commune.
Les formulations de ce document et du mail l’accompagnant sont totalement biaisées. Il y avait déjà eu un précédent il y a quelques années, entre l’annonce des mesures ministérielles et l’élaboration de la loi contre la maltraitance animale.
Cette mise à jour est délétère : elle préjuge que les contrôles dont elle organise la tenue « garanti[ront] l’absence de maltraitance animale » ! Dans les établissements itinérants, ceux précisément visés.
Après l’adoption de la faible loi de 2021, l’écrasant retour en arrière
Plus rien ne nous étonne de la part de ce ministère dit « de l’Écologie », qui n’a toujours pas écrit ni publié le moindre décret d’application alors que la mise en œuvre de la loi devait avoir lieu lors de son deuxième anniversaire, à la fin du mois. Ni sur les animaux détenus dans les camions-cages, ni pour le reste d’ailleurs (errance féline, delphinariums, etc.). Il ne s’agit même plus d’inertie : on a dépassé ce stade il y a bien longtemps.
Le maroquin de la captivité animale, de son exploitation et de sa disparition dans la nature
Les rares avancées entrevues en 2020-2021 sont réduites à néant. Les certificats de capacité des circassiens sont désormais équivalents à ceux des zoos, et la réglementation de ceux-ci en passe d’être revue au rabais. Nous irons au Conseil d’État pour résister à ce nivellement par le bas.
Pire, un dépliant à la gloire du cirque, rédigé, mis en page et publié avec les deniers publics est distribué par les préfectures.
Nous n’avons de cesse d’interpeller les ministres et les secrétaires d’État qui se succèdent : seul un silence coupable répond à nos courriers… Mais pour Samba et tous les autres, après plus de vingt ans d’un combat acharné, rien ne nous arrêtera.