le lundi 02 octobre 2017 | 24

Jo et Liberté : deux vaches, deux destins

Jo et Liberté : deux vaches, deux destins

Mis à jour le 08 mars 2018

Face à l'abattoir, la même peur. Des cris, des bruits, des râles d'agonie… De cet enfer sans fenêtres, s'échappait l'odeur mêlée du sang et des entrailles. Jo et Liberté, deux vaches, ne voulaient pas y entrer. Jo a trébuché, Liberté s'est enfuie…

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Jo est tombé du camion. Ce n'était encore qu'un veau : il s'est brisé le bassin en tombant sur le sol. On l'a traîné sur une « surface rugueuse ». Il fallait qu'il se relève. Mais comment faire quand on a les tendons arrachés, les muscles déchirés ? Personne ne s'est penché sur lui pour l'aider, le soutenir, lui parler, abréger ses souffrances. Alors Jo est resté sur le béton nu, sous la pluie battante. Pendant près de deux jours. La SPA voisine n'a rien pu y faire. La direction de l'abattoir est restée sourde à son appel. Le petit Jo a finalement été euthanasié lundi matin. La gérante des lieux a été jugée. Nous attendons le délibéré fin juin.

Liberté a eu plus de chance. En juin 2005, cette belle blonde d'Aquitaine, affolée par l'odeur du sang, a sauté les barrières pour s'enfuir de l'abattoir d'Auch, puis a couru droit devant elle, le plus loin possible de ce lieu d'épouvante… Réfugiée dans un jardin, elle espérait un peu de paix. Elle avait faim aussi, et l'herbe était bien verte. Mais ce n'est pas facile pour une vache de se cacher ! Alors, ses bourreaux l'ont trouvée. Ramenée à l'abattoir, le vétérinaire l'a jugée trop stressée : l'adrénaline gâche le goût de la viande. Alors on reporta son abattage au lendemain. Pour One Voice, c'était le début d'un bras de fer. Les négociations furent rudes, la pression intense. Mais en vingt-quatre heures, grâce au soutien des médias — Muriel Arnal fut interviewée en direct par Arthur ! — et du public, mobilisé alors que les réseaux sociaux n'existaient pas encore, Liberté fut sauvée. Durant les dix années qui suivirent, elle vécut heureuse au sein du sanctuaire de l'un des membres de l'association. Elle y est morte paisiblement de vieillesse, au soir d'une vie heureuse.

Le vrai goût de la viande est celui de la peur. Peu importe que le bovin ait été élevé dans un pré, caressé, cajolé, nourri au meilleur grain, ou qu'il ait vécu le cauchemar d'une ferme industrielle : l'issue reste la même. Dès sa naissance, le veau est condamné à la peine de mort à une date précise, déterminée d'après sa race et sa fonction, production de lait, de steak ou de chair d'enfant pâle. Il n'a jamais eu d'autre destin possible que de finir dans le couloir de la mort, au terme d'une vie plus ou moins brève. Lorsqu'une vache s'en échappe, comme Liberté, la loi lui refuse le droit de poursuivre sa vie dans un sanctuaire accueillant. Elle doit mourir, puisqu'elle est née pour ça, qu'elle a été nourrie pour ça et que les sommes investies ne peuvent être perdues.

Aujourd'hui, les consommateurs français sont de plus en plus touchés par les questions de bien-être animal. Certains refusent de se rendre dans un delphinarium, car les dauphins y souffrent. D'autres renoncent à l'huile de palme, car les orangs-outans meurent pour sa production. Sans doute est-il temps pour nous tous d'affronter une autre vérité tout aussi cruelle et bien plus proche de nous : la viande est le cadavre d'une personne animale qui a été assassinée. Ce sont les muscles débités d'une vache aux grands yeux noirs si doux, qui aurait bien aimé elle aussi brouter avec ses amies dans un grand pré où jouent les veaux, et où jamais la mort ne frappe, si ce n'est naturellement. « Tous craignent la mort », disait le Buddha, « tous aspirent au bonheur ». Cela est vrai aussi des vaches !

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Commentaires 24

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Eve | lundi 02 octobre 2017

Les animaux quels qu'ils soient méritent notre respect et non la barbarie dont l'espèce humaine est capable .Soyons unis pour abolir les souffrances animales.

marinou | lundi 02 octobre 2017

Tout cela est vrai et triste. Je ne suis pas vegan, je mange encore certaines viandes parce que j'aime ça mais avec beaucoup plus de réticence qu'avant. Tous ces cas de maltraitance sont horribles et que ces animaux meurent au moins "dignement" s'ils doivent mourir. Mais si plus personne ne mange de viande, croyez-vous qu'il y aura encore des veaux, vaches, cochons, poulets, moutons etc... Si personne n'en mange, personne n'en élèvera et tous ces animaux disparaîtront...

bab | lundi 02 octobre 2017

La photo de jo gisant sur le béton avec les tendons cassés et son regard de détresse et d'agonie me hante encore et m'obsède. Un si jeune animal avec toute l'innocence de la vie qui doit bien malgré lui , affronter la violence de ses tortionnaires avant l'odeur de la mort pour ensuite avec si peu d'années de vie affronter avec toute l'horreur et le traumatisme que cela engendre sa propre mort. Vraiment ces images sont insoutenables et d'un autre temps.En plus pour peu que ces pauvres bêtes soient issues d'élevage industriel. Il est plus qu' urgent que les hautes autorités de justice fassent cesser à tout jamais ces horreurs. ET UN GRAND AMEN POUR NOTRE PAUVRE JO. Moi aussi jamais je ne pourrais oublier ce regard noyé dans la détresse. AMEN POUR JO.

Joyce | lundi 02 octobre 2017

On tue inutilement. Et il y a des tonnes de viande jetées venant d entrepôts sans aller dans les supermarchés où là aussi on jette de la viande, des yaourts, du fromage.
Il faut que cela cesse.
Ces tueries inutiles, ce gâchis alimentaire.