La mort de Jo
Jo a passé un week-end à souffrir. Abandonné sous la pluie, le bassin fracturé, sans eau ni nourriture. Il devait être abattu de toute façon, paraît-il.
Jo a passé un week-end à souffrir. Abandonné sous la pluie battante, le bassin fracturé, sans eau ni nourriture. Il devait être abattu de toute façon, paraît-il. One Voice s’est portée partie civile.
Si le refuge SPA de Vannes n’avait pas partagé un mur avec l’abattoir incriminé, la mort de Jo — One Voice a tenu à lui donner un nom — serait sans doute passée inaperçue. Pourtant, grâce à la vigilance de l’une de ses bénévoles, nul ne pourra ignorer le mépris scandaleux dont ce veau a été l’objet. Mais combien d’autres à travers la France subissent un sort équivalent, voire pire, faute de témoin ?
Jo est tombé. Il s’est fracturé le bassin en descendant du camion qui l’amenait à l’abattoir. Il ne venait pas de bien loin : filière courte, bio, vente en caissettes aux particuliers, loin des grands réseaux de distribution. L’illusion d’une vie parfaite… Mais personne n’a réussi à le relever. On pourrait croire, alors, que ses souffrances ont été abrégées. Mais non. Le week-end, on n’abrège pas les souffrances. Parce que Jo est tombé un samedi soir, il devra attendre près de deux jours. Deux jours ! Sous la pluie d’octobre, dans le froid, incapable de bouger sur un sol rugueux, sans litière, sans eau, sans nourriture, sans même une bâche pour le protéger un peu…
Jo a souffert malgré les sollicitations adressées à la gérante de l’abattoir par le personnel de la SPA et son vétérinaire qui était prêt à intervenir si on l’y autorisait. Elle leur aurait finalement demandé de s’occuper plutôt de leurs affaires. Pourquoi ? Pour économiser des frais vétérinaires ? Pour laisser un animal ainsi, il faut avoir une bonne raison, non?
Jo ne souffre plus. Il a été anesthésié le lundi matin avant d’être abattu. Sa chair ne sera pas vendue. La gérante de l’abattoir est accusée de mauvais traitements. One Voice s’est portée civile, elle espère que le calvaire de Jo sera reconnu et sévèrement puni…
À la suite des récents scandales concernant les abattoirs, le ministre de l’Agriculture a annoncé que les maltraitances ne seraient bientôt plus considérées comme de simples infractions (que l’on punit d’une amende), mais comme des délits pénaux (qui sont jugés devant un tribunal). Pour One Voice, cette mesure est totalement inadaptée. Son objectif est clairement de rassurer les consommateurs pour qu’ils continuent à manger de la viande en toute tranquillité. Pendant ce temps, les abattoirs resteront ce qu’ils sont intrinsèquement : des lieux d’une insondable cruauté.
L’enquête de One Voice, réalisée dans vingt-cinq abattoirs, choisis au hasard, a révélé partout la même barbarie. Mais peut-on vraiment attendre humanité, éthique et compassion dans un lieu de mort ? La société occidentale n’assume pas son rôle de tueur, elle le dissimule, l’industrialise. Or finalement, de quoi dépend l’abattage ? De la consommation…
24 juin 2016 : à la demande de notre avocate le ministère public a requalifié l’infraction en contravention de mauvais traitements. L’abattoir de Vannes a ainsi été condamné à 800€ d’amende pour mauvais traitements et 600€ d’amende pour défaut de soins. Il a fait appel de cette décision.
15 mai 2017 : la cour d’appel de Rennes a confirmé la culpabilité de l’abattoir pour mauvais traitements et durcit les sanctions. Le montant des amendes a été porté à 2000€ par infraction et à 1000€ de dommages et intérêts pour les associations.
23 octobre 2017 : suite à l’exécution de la peine, One Voice a décidé de reverser l’intégralité des sommes perçues aux titre de dommages et intérêts à la SPA de Vannes et de prendre à sa charge l’intégralité des frais de procédure.
Derrière les portes des abattoirs de France
Rapport sur les coulisses des abattoirs de France