Chirkane, le rebelle sacrifié

Chirkane, le rebelle sacrifié

Chirkane, le rebelle sacrifié
06.12.2019
Maine-et-Loire
Chirkane, le rebelle sacrifié
Cirques

Chirkane n’en pouvait plus des atrocités du cirque. Il s’est rebellé, a dit stop à ce calvaire, à son dresseur. Aussitôt, nous avons proposé de le transférer avec son frère Elyo sur leurs terres africaines. Face au mur de silence, à l’opacité, pendant près de trois ans, nous nous sommes mobilisés pour savoir ce qui lui était arrivé. Nous venons d’apprendre que Chirkane a été tué. Nous nous indignons face à son «euthanasie». Lion coupable de s’être montré trop libre dans un monde où l’assujettissement est le maître-mot.

Il est des lieux où l’on « aime » les animaux sauvages, à tel point qu’on les contraint à vivre parmi nous. Mais attention, on les veut « sauvages » comme nous l’entendons nous, c’est-à-dire captifs, domptés, serviles. Et gare à celui qui ne se soumet pas entièrement. Chirkane, le lion « de cirque », l’a payé de sa vie.

Coupable d’être lion

C’est la terrible nouvelle que nous venons d’apprendre dans une lettre de la préfecture du Maine-et-Loire, datée du 21 novembre 2019. Ainsi, Chirkane a été tué, à la suite d’un écart de conduite le 7 mai 2017. Ce jour-là, à bout, ne supportant plus ses conditions de détention et les séances de violence, il a refusé d’exécuter un ordre et donné instinctivement un coup de patte. Bien qu’il ne s’agît pas d’une attaque meurtrière, le grand prédateur a été jugé coupable. Au moment même où il a exprimé sa lassitude, où il s’est comporté comme un lion libre, il a signé son arrêt de mort !

Le mur du silence

Depuis l’accident, nous redoutions la perspective de cette fin tragique et avons multiplié les démarches pour que Chirkane nous soit confié. Mais nous nous sommes régulièrement heurtés à des murs, pour lui et son frère Elyo. Nous avons demandé à la préfecture du Maine-et-Loire le retrait d’Elyo et que l’on nous indique où se trouvait Chirkane. En guise de réponse, le préfet nous a dit avoir alerté la directrice des services vétérinaires. Puis, silence radio…

Des mois de bataille et d’espoir

De notre côté, parallèlement à notre combat pour Elyo qui a abouti à son placement dans un zoo-refuge, nous avons continué de frapper à toutes les portes au sujet de Chirkane, dont celle de la CADA (Commission d’accès aux documents administratifs) et du ministère de la Transition écologique et solidaire. Nous avions fini par saisir ce dernier pour savoir enfin où il se trouvait. Un mois plus tard, une réponse évasive nous informait que « l’exploitant » ne détenait plus de lions et qu’un animal était désormais équipé d’un transpondeur… S’agissait-il de Chirkane? L’espoir était encore permis… Celui-ci a continué de nous animer jusqu’à la réception du funeste courrier du préfet en ce début de semaine, officialisant « l’euthanasie » de Chirkane. A priori, le pauvre a été tué dès 2018 et probablement devant Elyo, son frère, son compagnon de cage…

Le combat continue

Joint à cette annonce, un arrêté fait état que l’ancien exploitant de Chirkane s’est vu refuser le renouvellement de son agrément de capacitaire. Si, bien sûr, nous nous réjouissons d’avoir sauvé Elyo et que le circassien ait perdu son autorisation d’accueillir d’autres félins, nous ressentons une profonde tristesse pour Chirkane, grand fauve livré en pâture à la folie humaine et dont la mort aurait pu être évitée. L’annonce de son abattage renforce également nos inquiétudes concernant Sultan, autre lion aux mains des circassiens, dont nous avons perdu la trace depuis début 2018. Nous craignons le pire mais nous n’aurons de cesse de nous battre afin qu’éclate au grand jour la vérité sur la façon dont les cirques et les autorités, qui sont en charge de protéger les animaux, traitent ceux-ci.

Micha, Glasha, Bony, Mina…: les preuves accablantes de l’inertie de la préfecture du Loir-et-Cher

Micha, Glasha, Bony, Mina…: les preuves accablantes de l’inertie de la préfecture du Loir-et-Cher

Micha, Glasha, Bony, Mina…: les preuves accablantes de l’inertie de la préfecture du Loir-et-Cher
28.11.2019
Loir-et-Cher Micha, Glasha, Bony, Mina…: les preuves accablantes de l’inertie de la préfecture du Loir-et-Cher
Cirques

Dans le dossier mis à notre disposition par le tribunal administratif d’Orléans, les preuves sont accablantes contre les Poliakov, mais aussi contre les autorités qui ont année après année souligné les dysfonctionnements sans jamais prendre les mesures qu’imposait la loi. Quand elles ont fini par agir une fois publiées nos révélations sur les conditions délétères de détention des animaux, c’est uniquement sous la contrainte de la Ministre et sous l’opprobre généralisé.

Pour le bien-être des animaux, il ne suffit pas d’ordonner des visites!

En résumé, à chaque inspection, les non-conformités se répètent mais rien ne vient sanctionner les Poliakov. Depuis leur autorisation d’ouverture, et le premier contrôle en 2010, quand ils ne possèdent pas les papiers en règle de leur quinzaine d’animaux, il leur est simplement ordonné d’en faire la demande. Ces animaux pourraient être issus de filières illégales, ou même volés à des particuliers, aucune enquête n’est diligentée.

La volière ayant mis douze ans à voir le jour, les oiseaux ont donc dû vivre dans des cages minuscules remplies de fientes et de nourriture, plongés dans l’obscurité au fond d’une remorque. Encore une fois, l’administration n’a pas agi comme il aurait fallu. La « tanière » des ours et leur enclos mettent une décennie à être construits – partiellement – et ne sont pas entretenus correctement… À nouveau, malgré les mises en demeure qui s’entassent sur les étagères de la préfecture, aucune n’est suivie d’effet.
À la lecture des documents du dossier, le suivi des animaux est impossible puisqu’ils ne sont pas déclarés, disparaissent (une biche, un singe), leur santé laisse à désirer (des chevaux et poneys non parés aux sabots bien trop longs, une jument couverte d’abcès, le dromadaire qui meurt sans autopsie dans un climat de maltraitance…), rien ne se passe. Les années défilent sans la moindre sanction. Et la souffrance continue.

Ces ours ont une vie misérable

Les ours vivaient dans un camion-cage compartimenté depuis au moins 2004, année de notre première enquête. A l’époque, les Poliakov louaient leurs services à des cirques. Mais ce n’est qu’en 2011 que l’administration leur donne quatre mois pour terminer les cellules dans un bâtiment avec enclos, car ils sont en infraction avec leur autorisation d’ouverture de 2007. En attendant, les ours survivent dans 4 m2 chacun.

En 2017, l’installation est construite et en ordre, et la santé des ours, déclarée satisfaisante…  Mais après nos plaintes, en septembre 2019, changement de ton dans les rapports: les cellules nécessitent une dératisation, les fenêtres n’ont jamais été terminées, les auges sont non conformes. En novembre 2019, alors que Micha vient de mourir, les experts vétérinaires attestent enfin ce que dénonçaient nos experts qu’ «on observe la présence d’eau croupie nauséabonde dans la gamelle de la femelle Glasha », que les dents de Bony et Glasha suscitent des douleurs chroniques et qu’elle a développé une tumeur si grosse qu’elle forme une boule près de son œil.

Le certificat vétérinaire de trop

Début septembre, ignorant que des images avaient été tournées quelques jours auparavant, et alors que Micha n’aurait jamais dû ni être dressé ni déplacé (ses papiers étaient en règle pour la catégorie « zoo », pas « spectacle itinérant ») un vétérinaire certifiait que l’ours  était en bonne santé cardio-pulmonaire et que son poids était correct, le seul point à revoir selon lui étant la longueur de ses griffes. Il donne donc son autorisation pour que Micha soit produit en public.
On sait à présent que l’ours était battu, envahi de tumeurs omniprésentes et ce jusque dans le cerveau, que du cartilage lui obstruait les narines, qu’il avait le larynx déformé par la chaîne par laquelle le tenaient ses geôliers, qu’il pesait les deux tiers du poids d’un ours en bonne santé et que des asticots le rongeaient de l’intérieur jusque dans les pattes… étrange certificat. Mais celui-ci ne concerne pas la préfecture… jusqu’à ce qu’elle l’utilise pour se dédouaner.

Mina, 6 ans dans une cage de 50 cm2 dans le noir

Les papiers de Mina, la petite guenon magot n’ont jamais été en règle depuis au moins décembre 2010. D’où vient-elle? Y a-t-il la moindre preuve qu’elle appartienne aux Poliakov ? Pourtant jamais elle ne sera retirée. Un autre singe disparaît, sans conséquence.
En 2011 l’inspecteur écrit que Mina est détenue dans le camion des ours, dans une cage de 50 cm sur 50 cm, dans le noir, dans des conditions « inacceptables », et il est demandé de lui construire un lieu de vie dans les quatre mois qui suivent. Quand en 2017 enfin, elle dispose d’un espace d’une taille adéquate, il est vide d’enrichissement, demandé par les autorités seulement après nos dépôts de plainte de septembre 2019. De même les orties et déchets laissés au sol ne sont relevés que dans les derniers rapports…

En septembre le ton s’est durci, mais en novembre c’est à nouveau le temps des passe-droits

En ce mois de novembre 2019, alors que la mort de Micha nous a déchiré le cœur, et que des contrôles sont enfin diligentés, on observe à nouveau que les Poliakov bénéficient d’une étrange bienveillance des autorités : de nombreux points ont été levés hors délai quand les inspecteurs étaient sur place, ou non respectés car ils n’avaient « pas pris connaissance de l’ensemble des termes de l’arrêté »… On croit rêver en lisant cela.
La saleté et des déchets gisent encore dans l’enclos de Mina, ils seront retirés devant l’inspectrice. Elle n’a toujours pas de papiers en règle tout étant cependant exploitée pour des films ou des reportages. Et la préfecture leur laisse encore quelques jours pour régulariser!
Les papiers des perroquets ne sont pas non plus conformes, ils n’ont pas les bons. Le rapport laisse entendre que les démarches n’ont pas été effectuées correctement. Depuis 2007. Qui dans notre société bénéficie de délais pareils pour se mettre en règle?

On est en droit de se demander pourquoi des animaux sauvages captifs ne sont pas mieux protégés par les autorités qui en sont garantes. Cela ne suffit pas d’ordonner des contrôles. Il faut sanctionner les infractions. Le retrait de Micha, puis l’arrêté de retrait de Bony et Glasha sont la preuve que ce n’est pas impossible à ordonner. Encore faut-il le vouloir. Nous demandons des comptes à la préfecture du Loir-et-Cher ce jeudi 28 novembre 2019 à 14 h au tribunal administratif d’Orléans.

Bony et Glasha sortis des griffes de leurs dresseurs, provisoirement…

Bony et Glasha sortis des griffes de leurs dresseurs, provisoirement…

Bony et Glasha sortis des griffes de leurs dresseurs, provisoirement…
25.11.2019
Loir-et-Cher
Bony et Glasha sortis des griffes de leurs dresseurs, provisoirement…
Cirques

Trois jours avant l’audience au tribunal administratif d’Orléans devant lequel nous l’avons assignée, la préfecture du Loir-et-Cher décide du placement provisoire de Bony et Glasha. C’est un soulagement pour ces deux ours dont l’état de santé très préoccupant est enfin reconnu. Mais ils restent la propriété des Poliakov, et pas un mot sur les autres animaux.

Le préfet justifie sa décision de placement suite à l’expertise vétérinaire que nous avions exigée dans notre recours. Le constat alarmant atteste ce que nous clamons depuis plus de deux mois: Glasha et Bony souffrent terriblement et en permanence. Nos experts avaient vu juste. La grosseur près de l’oeil de Glasha est une tumeur cancéreuse, et Bony, comme elle, souffre de douleurs dentaires chroniques. Nous ne sommes pas dupes, les dents des ours n’ont pas « disparu » du jour au lendemain, tout comme les tumeurs ne sont pas mystérieusement apparues chez Micha, en peu de temps. Les autorités savaient, puisque des contrôles réguliers ont eu lieu au fil des ans, et ont laissé les Poliakov continuer d’exploiter ces pauvres ours dans des conditions abominables.

Le placement n’est pas définitif

Il ne s’agit même pas d’un placement définitif ni d’une interdiction d’exploiter des animaux. Au contraire, si Bony et Glasha retrouvent la santé, et si les Poliakov montrent qu’ils peuvent subvenir financièrement à leur suivi vétérinaire et à leur survie minimale, alors ils pourront retourner dans leurs geôles infâmes. Ils pourront même remplacer les ours si cela leur chante, puisque ni leur certificat de capacité ni leur autorisation d’ouverture ne leur sont retirés. Nous n’allons pas en rester là!

Recours pour faute contre le préfet

Face à nos images incontestables et aux avis de nos experts indépendants, et après l’action de la ministre de l’Ecologie, les autorités ont choisi de faire le minimum. Nous maintenons donc nos demandes, car si les dresseurs ont fait preuve de leur défaillance à assurer la protection des animaux, le préfet aussi: c’est lui le garant de leur protection. Nous venons donc de déposer un nouveau recours contre le préfet pour faute, et demandons 50000€ de dommages et intérêts.

Nous n’abandonnerons pas les autres animaux

Les autres animaux ne doivent en aucun cas rester aux mains des Poliakov dont nous attendons la condamnation pour actes de cruauté dans la partie pénale du dossier. Un dromadaire est mort il y a quelques semaines, et il est impossible d’obtenir une autopsie, alors qu’on se trouve dans un contexte de mauvais traitements graves. Le corps a été envoyé immédiatement à l’équarrissage avec l’assentiment des autorités. Et personne ne mentionne la petite singe Mina, ni les chevaux, poneys et perroquets qui survivent à peine sur la propriété dans des conditions non moins dramatiques. Nous nous battrons jusqu’au bout pour eux.