Wikie, la petite boule de colère

Wikie, la petite boule de colère

Delphinariums
07.05.2018
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Wikie a commencé sa vie séparée de sa mère, fut inséminée de force et accoucha à 8 ans, alors que les orques libres n’enfantent qu’aux alentours de 15 ans. Elle se transforma en boule de colère, agressant les humains. Les décès de ses proches semblent l’avoir éteinte. De guerre lasse, elle répète dorénavant comme un dictaphone les mots que des scientifiques s’amusent à lui apprendre.

Wikie est née au Marineland d’Antibes le 1er juin 2001. Elle fut la première à naître dans le nouveau bassin des orques, de Sharkane et de Kim 2, deux ans à peine après Inouk. Elle passa les dix-huit premiers mois de sa vie confinée dans un bassin latéral à celui de Sharkane si perturbée par sa capture au large de l’Islande.

A 8 ans, la gentille petite Wikie devint une furie. Elle agressa sa dresseuse et l’entraîna sous l’eau, lors d’un incident qui aurait pu être mortel.

Elle se révolta encore à plusieurs reprises mais la fin des «waterworks», ces figures exécutées dans l’eau par l’orque et son dresseur, ne lui a plus permis de passer sa rage sur les humains.

Cette année-là, en 2009, Wikie venait de se faire inséminer.

Ses dresseurs l’avaient fait s’étendre sur le dos en la maintenant immobile. Ils lui avaient ensuite plongé un large tube de caoutchouc dans le vagin, au travers du col de l’utérus. Une caméra miniature y était attachée. Ensuite, le sperme décongelé fut injecté directement dans l’utérus. Ils pénétrèrent même avec la caméra dans la corne utérine pour s’assurer qu’une ovulation était en cours. Le processus est douloureux et rarement couronné de succès. Il faut le répéter. C’était nouveau, et Wikie fut la première orque en Europe à tomber enceinte par cette voie et à pouvoir garder l’enfant.

« Cela prend des mois pour dresser une orque à accepter de manière calme une insémination artificielle » expliquait gaiement Jon Kershaw à la presse « Une dose de 2 millions de spermatozoïdes est généralement injectée dans le vagin de la femelle pour la mettre enceinte. Dans le cas de Wikie, pas moins de 4 doses ont du être injectées dans ses ovaires ».

Pas facile, en effet, de rester calme pendant ces séances humiliantes, et moins encore de voir sortir de son corps un enfant dont elle n’a jamais vu le père ! D’autant que Wikie était bien jeune à l’époque, 8 ans à peine, alors que les orques libres enfantent rarement avant 14 ou 15 ans, à raison d’un enfant tous les 3 à 5 ans. Wikie, elle, a donné naissance à Keijo moins de deux ans plus tard, avec son demi-frère ou son frère, on ne sait pas trop. En tous cas, avec l’un des deux. Et chez les orques libres, c’est quelque chose qui ne se fait pas: l’inceste est prohibé. Mais la promiscuité et le manque de partenaires poussent les orques captives aux comportements les plus aberrants.

Alors oui, elle est en colère, Wikie, même si elle n’attaque plus ses dresseurs et soigneurs.

L’agonie interminable de Freya, sa mère d’adoption, l’inondation de 2015 engloutissant le grand bassin d’une eau boueuse aux reflets de pétrole et enfin, le décès brutal, toujours inexpliqué, de Valentin à 19 ans, tout cela semble l’avoir éteinte.

Aussi est-ce sans doute pour la distraire qu’un «chercheur» est venu lui apprendre à répéter des mots anglais, comme John Lilly l’avait fait avec Peter le dauphin en 1965. On fit grand cas dans la presse de cette expérience qui n’a pourtant rien d’exceptionnel, face aux cultures sociales, aux dialectes et aux techniques de chasse hautement sophistiquées dont sont dotées les orques libres.

Mais de cela, on ne parle pas. L’orque doit rester dans l’imaginaire collectif un animal un peu stupide, répétant les sons sans les comprendre comme un dictaphone. L’intelligence des cétacés est le premier secret des delphinariums. Et leur souffrance, le second.

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