Lettre du 10 avril 2020 à Elisabeth Borne
Dans le prolongement de notre lettre du 16 mars 2020 et de notre récent échange, nous restons très inquiets du sort des animaux détenus dans les établissements itinérants.
Madame Elisabeth Borne
Ministre de la Transition Écologique et Solidaire
246 boulevard Saint-Germain
75007 Paris
Madame la Ministre,
Dans le prolongement de notre lettre du 16 mars 2020 et de notre récent échange avec votre conseillère, nous restons très inquiets du sort des animaux détenus dans les établissements itinérants en raison d’une part de l’arrêt total d’activité de ces entreprises, mais également de l’absence d’infrastructures conformes et adaptées aux besoins comportementaux des animaux.
Les établissements itinérants, de par leur confinement, doivent pouvoir offrir à leurs animaux des soins et des installations qui répondent aux exigences de cette sédentarité qui leur est imposée.
Les animaux ont besoin d’une alimentation spécifique en quantité pour certains, mais également de soins et de surveillance vétérinaires adaptés.
Par ailleurs, des installations intérieures et extérieures doivent impérativement leur être aménagées et les remorques de transport doivent être interdites.
C’est la raison pour laquelle nous vous demandons de bien vouloir vous assurer que tous les établissements itinérants détenant des animaux d’espèces non domestiques disposent bien de quartiers d’hiver, et de faire procéder à une inspection de ces sites afin de s’assurer de leurs conditions de détention.
Pour les cirques qui ne possèdent pas de tels lieux comme M. Mario Masson avec ses tigres, ou M. Gilbert Bauer avec son éléphante Baby, ou qui seraient, par exemple, illégalement installés sur des propriétés privées ou communales, il est urgent de procéder au retrait des animaux détenus dans les remorques.
À défaut de procéder à la saisie conservatoire des animaux détenus dans les remorques, il conviendrait d’autoriser les seuls capacitaires et transporteurs des cirques à rejoindre leurs quartiers d’hiver sous réserve que ces lieux soient adaptés à la détention des animaux concernés.
Au-delà de ces mesures urgentes et ponctuelles, cette crise sanitaire et ses graves répercussions sur les établissements recevant un large public appellent plus que jamais l’adoption d’une nouvelle réglementation en matière de détention des animaux dans les structures itinérantes.
Ce que nous dénoncions dans le cadre des travaux de la commission « Cirques avec animaux » se révèle avec plus d’acuité : les animaux appartenant à des espèces non domestiques n’ont rien à faire dans de telles structures qui sont totalement inadaptées à leurs besoins élémentaires.
Nous avons encore reçu de nombreuses évaluations de différents spécialistes qui condamnent ce mode de détention. Le Dr Schaftenaar a ainsi évalué cinq éléphantes d’Asie et d’Afrique détenues dans des cirques. Il dénonce fermement les conditions de vie des pachydermes ainsi que les numéros contre nature auxquels ils doivent se prêter et qui sont sources de blessures et de souffrances.
Les constats sont identiques pour les experts en félidés et en primates.
Il ne faut pas écarter non plus les risques que représentent ces déplacements d’animaux sauvages en matière de salubrité, sans aucune période d’isolement, dans un contexte sanitaire souvent dégradé avec des raccordements sauvages effectués sur les bornes d’incendie, des évacuations de déjections ou de sous-produits animaux non conformes et des interactions pourtant prohibées avec le public.
C’est également compter sans les reproductions non raisonnées des félidés, notamment hors programme européen, alimentant un juteux et mortifère trafic d’animaux, et qui aboutissent à des hybridations et à une surpopulation d’animaux hypothéquant leur placement futur.
Ainsi, les mesures d’interdiction de détention de certaines espèces d’animaux doivent être adoptées sans délai.
Dans cette perspective, un état des lieux exhaustif est nécessaire : le nombre précis d’animaux, leur genre et leur âge ne sont aujourd’hui pas connus en dépit de l’obligation de déclaration au fichier I-fap. Il en va de même des établissements eux-mêmes, des capacitaires, des remorques d’animaux et enfin des quartiers d’hiver.
Ces éléments que nous avons réclamés à maintes reprises lors des travaux de la commission n’ont pas été communiqués, or ils sont nécessaires pour construire un plan de démantèlement de cette activité.
Restant à votre disposition, nous vous remercions de l’attention portée à ce courrier, et vous prions de croire, Madame la Ministre, en l’assurance de notre parfaite considération.
Muriel Arnal
Présidente de One Voice