Jo et Liberté : deux vaches, deux destins

Jo et Liberté : deux vaches, deux destins

Autre campagne de l'association
02.10.2017
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Face à l’abattoir, la même peur : cris, râles d’agonie… Jo et Liberté, les deux vaches ne voulaient pas y entrer. Jo a trébuché, Liberté s’est enfuie…

Face à l’abattoir, la même peur. Des cris, des bruits, des râles d’agonie… De cet enfer sans fenêtres, s’échappait l’odeur mêlée du sang et des entrailles. Jo et Liberté, deux vaches, ne voulaient pas y entrer. Jo a trébuché, Liberté s’est enfuie…

Jo est tombé du camion. Ce n’était encore qu’un veau : il s’est brisé le bassin en tombant sur le sol. On l’a traîné sur une « surface rugueuse ». Il fallait qu’il se relève. Mais comment faire quand on a les tendons arrachés, les muscles déchirés ? Personne ne s’est penché sur lui pour l’aider, le soutenir, lui parler, abréger ses souffrances. Alors Jo est resté sur le béton nu, sous la pluie battante. Pendant près de deux jours. La SPA voisine n’a rien pu y faire. La direction de l’abattoir est restée sourde à son appel. Le petit Jo a finalement été euthanasié lundi matin. La gérante des lieux a été jugée. Nous attendons le délibéré fin juin.

Liberté a eu plus de chance. En juin 2005, cette belle blonde d’Aquitaine, affolée par l’odeur du sang, a sauté les barrières pour s’enfuir de l’abattoir d’Auch, puis a couru droit devant elle, le plus loin possible de ce lieu d’épouvante… Réfugiée dans un jardin, elle espérait un peu de paix. Elle avait faim aussi, et l’herbe était bien verte. Mais ce n’est pas facile pour une vache de se cacher ! Alors, ses bourreaux l’ont trouvée. Ramenée à l’abattoir, le vétérinaire l’a jugée trop stressée : l’adrénaline gâche le goût de la viande. Alors on reporta son abattage au lendemain. Pour One Voice, c’était le début d’un bras de fer. Les négociations furent rudes, la pression intense. Mais en vingt-quatre heures, grâce au soutien des médias — Muriel Arnal fut interviewée en direct par Arthur ! — et du public, mobilisé alors que les réseaux sociaux n’existaient pas encore, Liberté fut sauvée. Durant les dix années qui suivirent, elle vécut heureuse au sein du sanctuaire de l’un des membres de l’association. Elle y est morte paisiblement de vieillesse, au soir d’une vie heureuse.

Le vrai goût de la viande est celui de la peur. Peu importe que le bovin ait été élevé dans un pré, caressé, cajolé, nourri au meilleur grain, ou qu’il ait vécu le cauchemar d’une ferme industrielle : l’issue reste la même. Dès sa naissance, le veau est condamné à la peine de mort à une date précise, déterminée d’après sa race et sa fonction, production de lait, de steak ou de chair d’enfant pâle. Il n’a jamais eu d’autre destin possible que de finir dans le couloir de la mort, au terme d’une vie plus ou moins brève. Lorsqu’une vache s’en échappe, comme Liberté, la loi lui refuse le droit de poursuivre sa vie dans un sanctuaire accueillant. Elle doit mourir, puisqu’elle est née pour ça, qu’elle a été nourrie pour ça et que les sommes investies ne peuvent être perdues.

Aujourd’hui, les consommateurs français sont de plus en plus touchés par les questions de bien-être animal. Certains refusent de se rendre dans un delphinarium, car les dauphins y souffrent. D’autres renoncent à l’huile de palme, car les orangs-outans meurent pour sa production. Sans doute est-il temps pour nous tous d’affronter une autre vérité tout aussi cruelle et bien plus proche de nous : la viande est le cadavre d’une personne animale qui a été assassinée. Ce sont les muscles débités d’une vache aux grands yeux noirs si doux, qui aurait bien aimé elle aussi brouter avec ses amies dans un grand pré où jouent les veaux, et où jamais la mort ne frappe, si ce n’est naturellement. « Tous craignent la mort », disait le Buddha, « tous aspirent au bonheur ». Cela est vrai aussi des vaches !

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