Un vison très loin de sa rivière

Un vison très loin de sa rivière

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05.01.2016
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Des visons sont exploités en France pour leur fourrure de luxe. Enfermés dans des cages minuscules, ils vivent un enfer de la naissance jusqu'à leur mort brutale.

Des visons sont exploités en France pour leur fourrure de luxe. Enfermés dans des cages minuscules, ils vivent un enfer de la naissance jusqu’à leur mort brutale.

One Voice s’oppose résolument à l’industrie de la fourrure, qui torture chiens, chats, renards, chinchillas et autres victimes de la mode (voir
l’historique de ses l’historique de ses actions). L’exemple des visons nous montre à quel point la vie dans ces élevages diffère cruellement de l’environnement naturel. Il est grand temps que la France interdise ces fermes à fourrure, à l’exemple des Pays-Bas, du Royaume-Uni ou du Danemark.

Les visons sont des êtres très indépendants : le mâle vit retiré sur son territoire de trois ou quatre kilomètres le long d’un cours d’eau, qu’il ne quitte qu’au printemps pour rendre hommage à ses voisines. Celles-ci accueillent deux ou trois autres prétendants en leur domaine, mais c’est toutes seules qu’elles élèvent leur demi-douzaine de bébés annuels. Et nul combat n’oppose les mâles reproducteurs, venus parfois de fort loin.

Le reste du temps, notre vison solitaire aime se balader sur ses terres humides, berge boueuse, bord de lac ou bras endormi d’un ruisseau. Un petit monde où il trottine en silence, de jour comme de nuit, faufilant son long corps souple à travers une forêt de roseaux ou plongeant dans l’eau sombre d’un étang. Ici, il attrape une grenouille, là, un petit oiseau en vol. Sous la surface, ses longues vibrisses lui indiquent les mouvements de l’écrevisse et lorsqu’il remonte sur la rive, la musaraigne n’échappe pas à son flair acéré, ni à son ouïe fine. Il agit à sa manière, en toute autonomie. Il n’a besoin de personne. L’estomac plein, il retourne se reposer dans son nid sous une souche, un terrier volé au ragondin.
Ce n’est pas une vie bien longue que celle du vison, quelque six ou sept ans seulement, mais c’est une vie tranquille et parfaite à ses yeux, toute faite de pêches, de chasses et d’aventures.

Lorsqu’il naît, le jeune vison d’élevage n’a pas cette chance. Il a vite fait le tour de sa geôle. C’est une cage rectangulaire de 70 cm de long, 40 de large et 45 de haut, tout en grillage métallique, y compris son plancher. Les pattes semi-palmées des petits s’écorchent à ce support à claires-voies et passent au travers. Un peu d’eau coule d’un vieux tuyau, de la viande est jetée une fois par jour, qui inclut parfois de la chair de visons morts, et sous les cages, des montagnes d’excréments s’accumulent dans une puanteur insensée. S’il s’accroche aux parois de fil de fer, le petit vison peut voir partout alentour, dans le hangar immense, des centaines de cages comme la sienne s’alignant à perte de vue.

Vivre entassé avec les autres est déjà un cauchemar pour le vison solitaire, mais l’absence d’eau où nager ne l’est pas moins. Alors tous les détenus trouvent refuge dans le délire. Tous reproduisent sans fin la même séquence de sauts et de mouvements, le même pas de danse vide de sens dans les cages minuscules. Certains se terrent dans les coins, la queue tranchée à vif, le dos sanglant, l’œil arraché ou pire encore. D’autres enfin ne bougent plus du tout au milieu des vivants, cadavres dont la chair cannibalisée se couvre de mouches bleues. La violence brute règne ici, le bruit constant, les cris, la peur, la mort.

Vers huit mois, quand le vison parvient à atteindre sa taille adulte et que l’hiver le revêt d’une belle fourrure, des hommes aux gants épais viennent le saisir avec une pince. On le jette avec d’autres dans une grande caisse à roulettes poussée entre les cages dans la travée centrale. Lorsque le couvercle se referme, du gaz de moteur asphyxie les visons qui bondissent en tous sens contre la vitre d’observation. La mort est parfois lente à venir pour ces animaux capables de rester sous l’eau un quart d’heure sans respirer. Certains éleveurs brisent la nuque du petit animal ou lui injectent un produit létal.

75 générations de visons suppliciés n’ont pourtant pas suffi à transformer ce mustélidé sauvage en animal domestique. Autrefois chassé par les trappeurs, le vison d’Amérique est élevé en ferme depuis 1872. Il n’est arrivé en Europe qu’en 1926. Partout, de petits éleveurs se sont lancés dans le commerce prometteur de la fourrure de luxe. La guerre les a ruinés et des milliers de visons ont été relâchés dans la nature. Si certains meurent de stress pendant l’opération, la plupart s’adaptent vite à la vie sauvage.

Aujourd’hui encore, nombre de visons parviennent encore à s’échapper des élevages et à grossir les rangs d’une population invasive. On les vend aussi comme animaux de compagnie. Très souvent, les gens les relâchent car il n’est pas si facile de garder un prédateur semi-aquatique dans son salon.
L’arrivée massive de ces animaux d’élevage ne manque pas d’empiéter sur l’espace du vison d’Europe. Ce dernier, plus petit, plus nocturne, n’est pas exploité par l’industrie de la fourrure, mais c’est à cause d’elle qu’il est gravement menacé.

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