le vendredi 19 août 2016 | 1

Le monde selon les orangs-outans

Le monde selon les orangs-outans

Mis à jour le 28 avril 2019

L'histoire de Jambu est une histoire vraie. C'est celle d'un peuple sauvage qui s'éteint sous nos yeux, riche d'une culture et d'une sagesse que nous perdrons à jamais si nous n'agissons pas. C'est l'histoire des derniers orangs-outans de Bornéo, chassés de leurs forêts par les exploitants de palmiers à huile et qui s'entassent dans des réserves.

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Le nid 

Au travers du rideau d'orchidées en guirlande, l'orang-outan scrute anxieusement l'horizon de la forêt de Gunung Tarak. Il se tient à vingt mètres du sol, achevant de construire son nid sur la fourche d'une branche maîtresse. Sa mère lui a longuement montré comment tisser les lianes et tapisser sa couche de brindilles et de mousse pour la rendre douillette. Il y même adjoint un toit de branchages, en prévision de la pluie qui vient. Des humains l'ont nommé Jambu. C'est un mâle encore jeune, dont le visage lisse aux yeux rêveurs révèle toute la douceur propre aux gens de son peuple.

L'incendie

Jambu a eu beaucoup de chance. Six mois plus tôt, un incendie criminel a détruit tout son univers. Sa mère a péri dans les flammes, avec sa jeune soeur et bien d'autres encore. Alors, pendant des jours, Jambu a erré. Il a marché dans les cendres brûlantes, butant sur les corps carbonisés des siens, cherchant en vain de grands arbres où grimper, mais rien, plus rien.

Au loin, des camions se pressaient déjà autour des ruines fumantes de la forêt, tandis que des planteurs amenaient les premiers palmiers à huile, ces arbres aux troncs sans ramures et aux fruits immangeables.

Alors, Jambu a fui aussi loin qu'il a pu. Il a marché à s'en blesser les pieds, si semblables à des mains et si peu faites pour fouler le sol, jusqu'à ce qu'il découvre un soir un grand verger de ramboutans. Toute la nuit, il a mangé mais quand il est revenu la nuit suivante, les paysans l'ont reçu à coups de fusil. Treize impacts de plombs ont pénétré sa peau. Qu'avait-il fait de mal ? Il avait tellement faim et ces fruits rouges velus étaient si bons ! Il y en avait d'ailleurs bien assez pour tout le monde. Mais non. Ils l'ont chassé. Alors, Jambu s'est réfugié au sommet d'un kempas.

Les humains

Des humains sont venus et ils lui ont tiré dessus, comme les fermiers. Mais quand il s'est réveillé, on l'a soigné et nourri dans un lieu clos très étrange. Il y avait des humains partout, des grands et des petits. Ils faisaient beaucoup de sons et de gestes, ils manipulaient plein d'objets bizarres mais c'était bien des singes comme lui, d'une espèce différente ! Ces humains-là étaient gentils et pas seulement avec Jambu. Depuis l'enclos où il reprenait des forces, il pouvait voir plein de petits orphelins. On les soignait et on les nourrissait, eux aussi, et même, on les maternait quand ils étaient bébés.

Gunung Tarak

Le temps a passé et puis un jour, on l'a emmené dans une petite caisse pour le libérer dans une autre forêt. Il s'est jeté sur le premier tronc, il a grimpé jusqu'au sommet et a découvert un nouveau territoire. 

Les arbres y sont hauts et serrés, les fruits abondants, les écorces savoureuses et le paysage magnifique qu'il contemple depuis son nid. Des lianes s'enroulent autour des troncs moussus qui s'élèvent jusqu'au ciel, des branches énormes relient chaque géant l'un à l'autre, comme des routes sous la canopée que les orangs-outans empruntent avec lenteur. Ce sont là trois femelles avec leurs petits, qui font équipe ensemble. 

Il les regarde passer tranquilles, se déplaçant de branche en branche avec des mouvements réfléchis, en se servant de leurs mains et de leurs pieds pour assurer leur prise. Autour d'eux, des singes nasiques plus légers bondissent d'arbre en arbre. Un calao rhinocéros au bec orange les salue en cornant.

Il y a du monde, ici, pense Jambu. Trop peut-être. Il a aussi aperçu des jeunes mâles ce matin, il devra les affronter bientôt, l'un après l'autre, en combat loyal. En attendant, c'est un ancien patriarche qui leur sert de guide à tous. Il est très vieux et il est né ici.

Le matin, son rugissement puissant amplifié par son goitre leur donne toutes sortes d'informations. Il annonce où sont les fruits du jour bien mûris, les gros durians, les figues et même le miel quand il y a en a. Jambu écoute et il apprend le cycle des floraisons. Il construit la carte complète de la forêt dans sa tête, il observe bien tout autour de lui, il retrouve les plantes qui guérissent et les écorces tendres que sa mère lui avait montrées. Il est heureux.

La fumée

Mais des images de flammes font tourner dans sa tête des questions qu'un orang-outan ne devrait pas poser. Il voit que les choses s'aggravent, que le vrai monde rétrécit chaque jour un peu plus, que son peuple est décimé, qu'il y a des réfugiés partout. Certains d'entre eux imitent même les humains, ils font la lessive, scient des planches, se servent d'un marteau ou conduisent un canot. Ils ont vécu longtemps chez les hommes !

Ce soir encore, avant que le soleil ne se couche sur la jungle brumeuse, Jambu scrute l'horizon. L'averse se met à tomber sur son cocon de lianes fleuries. Petit à petit, sa peur s'apaise. Aucune fumée ne s'est élevée à l'horizon aujourd'hui, aucun incendie, aucune menace. Il se retourne et se roule en boule. Et il s'endort en paix jusqu'à demain…

One Voice demande la reconnaissance du statut de personne animale pour les orangs-outans, il y a urgence!

Yvon Godefroid
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Commentaires 1

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Alex282 | mercredi 07 juin 2017

Magnifique commentaire, il ne peut laisser indifférent sur la situation !!