Les orangs-outans
Les orangs-outans (Pongo sp.) ont des capacités intellectuelles impressionnantes. Leurs relations sociales sont intenses et riches en émotions.
Deux sous espèces d’orang-outan occupent encore une partie des îles indonésiennes de Sumatra (Pongo abelii) et de Bornéo (Pongo pygmaeus). L’orang-outan, littéralement « homme de la forêt » en malais, possède un patrimoine génétique à 97% identique à celui de l’homme. A l’instar des gorilles, des chimpanzés et des bonobos, les orangs outans font partie des grands-singes. Ces primates, aux capacités intellectuelles impressionnantes, évoluent dans un environnement complexe. Leurs relations sociales sont intenses et riches en émotions qu’ils expriment avec une humanité souvent déconcertante aux yeux des humains.
Les orangs-outans possèdent des cultures
En 2003, un groupe de chercheurs, dont le Dr Carel van Schaik et la Dre Biruté Mary Galdikas, ont décrit vingt-quatre comportements présents dans certaines populations d’orangs-outans mais absents chez d’autres.
Ces « coutumes » sont apprises auprès des autres individus locaux et transmises au fil des générations. Ainsi, dans certaines parties de Bornéo, les orangs-outans utilisent des poignées de feuilles comme serviettes pour essuyer leur menton, tandis que d’autres orangs-outans, dans certaines régions de Sumatra, se servent des mêmes feuilles en guise de gants pour enlever les fruits des branches épineuses, ou comme coussin dans les arbres inconfortables.
À Bornéo, comme à Sumatra, les orangs-outans envoient un baiser sifflant, en aspirant l’air avec leurs lèvres resserrées. Mais seuls les primates qui vivent à Bornéo ont découvert qu’ils pouvaient amplifier le son obtenu en plaçant leurs mains autour de leur bouche. Avant d’aller se coucher, certains émettent un sifflement en soufflant de l’air entre leurs lèvres pressées, comme pour se dire bonsoir. D’autres utilisent des brindilles pour attraper des insectes dans les troncs d’arbres ou pour ôter les graines des fruits.
Ces habitudes, qui ne se retrouvent qu’au sein de certaines populations, ne dépendent pas uniquement de l’environnement des animaux, et les similitudes sont plus importantes entre les populations proches les unes des autres. Elles constituent la preuve d’une transmission sociale des comportements, déjà mise en évidence chez les chimpanzés.
Les observations ont également montré des indices de l’utilisation de symboles, et une étude plus approfondie pourrait en révéler des preuves plus claires.
Van Schaik estime que l’instabilité politique et la destruction de l’habitat des orangs-outans pourraient empêcher de telles études :
« Certaines personnes nous ont demandé : « N’avez-vous pas appris assez en étudiant ces animaux pendant trente ans ? » Or il est évident, d’après ces constatations, que nous n’avons pas assez appris. Certaines des régions où ces études ont été menées sont déjà détruites par l’exploitation forestière illégale. Et même si, d’une certaine manière, nous pouvions restaurer la forêt et les animaux, c’est comme avec les cultures humaines, une fois qu’une culture est partie, elle est partie. »
Schaik, C.P. (2003).
Orangutan Cultures and the Evolution of Material Culture. Science, 299(5603), 102-105. DOI: 10.1126/science.1078004
Les orangs-outans se servent d’outils
Les orangs-outans font usage d’outils en plusieurs circonstances et selon leurs coutumes locales :
- en utilisant des feuilles en guise de gants ou de serviettes de protection ;
- en utilisant des bâtons pour fouiller dans les trous des arbres et en extraire les insectes. Ou encore, en les utilisant pour extraire les graines des fruits et gratter les piquants ;
- en utilisant des branches feuillues pour chasser les insectes ou recueillir de l’eau ;
- en pratiquant le hic-riding, une sorte de sport dans lequel les animaux chevauchent des arbres morts qui s’effondrent et saisissent les lianes juste avant qu’ils ne s’écrasent au sol ;
- en utilisant leurs mains ou une sorte de cornet de feuilles pour amplifier les sons qu’ils émettent ;
- en construisant des toits pour protéger leur nid quand le soleil est trop fort et, en cas de pluie, en bâtissant deux nids l’un au-dessus de l’autre, celui du dessous servant de chambre à coucher ;
- en utilisant de longues tiges de bois pour sonder le fond des rivières et juger si elles peuvent être traversées.
Au contact des humains, dans les refuges par exemple, ou en zoo, les orangs-outans développent spontanément des capacités d’imitation proprement prodigieuses : naviguer sur un canot, scier du bois, allumer du feu, faire la lessive, pêcher au harpon, etc., sans aucun dressage.
Schaik, C.P., Fox, E.A., Sitompul, A.F. (1996).
Manufacture and use of tools in wild Sumatran orangutans. Naturwissenschaften, 83(4), 186-188. DOI: 10.1007/BF01143062
En 2007, des chercheurs allemands de l’institut Max Planck ont réussi à prouver que les orangs-outans pouvaient résoudre des problèmes en élaborant une stratégie complexe. Face à un tube étroit contenant une cacahuète inaccessible, il faudra en moyenne 9 minutes aux 5 singes testés pour récupérer la friandise. La solution était d’aller aspirer de l’eau de leur abreuvoir et de la recracher dans le tube pour faire remonter l’arachide.
https://gaiasphere.fr/201508311060-intelligence-des-orangs-outans-la-preuve-par-l-eau/
Les orangs-outans sont des artistes
Certaines compétences culturelles en matière de tissage des fibres semblent s’être perpétuées au sein d’une population d’orangs-outans de la Ménagerie du Jardin des Plantes : « Watana est une mathématicienne préconceptuelle, spécialisée dans la géométrie spatiale des nœuds et des anneaux. Elle est née en 1995 à Anvers, a séjourné à Stuttgart et habite aujourd’hui Paris, du côté du Jardin des Plantes. Très exactement à la Ménagerie. Il faut la voir utiliser rouleaux de papier, cartons, morceaux de bois, tissus, ficelles, cordes, lacets… Elle noue et renoue, fait des boucles, les repasse les unes autour des autres, fabrique des colliers à deux rangées, attache des fils de couleur à des supports fixes et avec eux trace des formes d’un point à l’autre de l’espace. Après, elle défait tout. C’est un singe de l’espèce des orangs-outans. »
Wattana vit désormais dans un zoo allemand, où plus aucun fil de couleur ne lui est fourni.
http://next.liberation.fr/livres/2012/05/23/l-avis-des-betes_820872
https://www.youtube.com/watch?v=RLkYNiEizcQ
Les orangs-outans communiquent entre eux
Une étude a confirmé que les orangs-outans sauvages (et en captivité) se servent de la pantomime pour se faire comprendre. Ils créent ainsi une série de gestes complexes qui peuvent exprimer des contenus structurés. Certains gestes servent à entamer des interactions, à demander ou à partager des objets, à s’adresser à quelqu’un, à lui demander d’arrêter l’action en cours ou de revenir en arrière. L’articulation des mouvements est rapide. Lorsque le message n’est que partiellement compris, ils répètent leur charade gestuelle et la répètent encore en l’accentuant, comme s’ils parlaient plus fort.
Enfin, lorsque le message n’est pas du tout passé, les orangs outans utilisent une nouvelle gestuelle, complètement différente ; tout comme s’ils repartaient sur de nouvelles bases pour faire passer l’information.
Ils peuvent aussi lancer des appels sonores puissants, qui traversent sur des kilomètres la forêt tropicale, ainsi que des sons plus calmes, tels que les baisers sifflés quand ils sont perturbés, et les « grumph » quand ils ont peur. Ils utilisent aussi des signes visuels, tels que le pointage du doigt, l’agitation de la main ou le fait de frapper sur des objets pour les désigner.
Orangutan Pantomime :
http://rsbl.royalsocietypublishing.org/content/early/2010/08/05/rsbl.2010.0564.full
Orangutans Modify Their Gestural Signaling According to Their Audience’s Comprehension
http://www.cell.com/current-biology/fulltext/S0960-9822(07)01640-5
Les orangs-outans rient !
Certaines des formes de communication chez les orangs-outans sont extrêmement semblables à celles des humains. Par exemple, ils peuvent rire exactement comme nous, humains. Cela peut se produire quand ils jouent et quand ils se chatouillent les uns les autres. Plus étonnant, certaines situations les font rire comme des enfants : quelqu’un qui bute et tombe par terre, par exemple, est pour eux le summum de l’humour. Ce sont des animaux très ludiques, et ce comportement est souvent observé entre une mère et sa progéniture.
http://www.orangutan-world.com/orangutan-communication/
Les orangs-outans communiquent avec l’humain
Gary L. Shapiro a été l’un des chercheurs d’avant-garde dans le domaine de l’apprentissage par les orangs-outans du langage des signes. Ses travaux de recherche ont commencé en 1973 au zoo de la ville de Fresno, où il a étudié pendant dix-huit mois les capacités symboliques d’un orang-outan nommé Aazk. Ce dernier s’est montré en mesure d’apprendre à organiser des symboles de façon significative sur une planche afin de construire des phrases (Thompson, 2010).
Quelques années plus tard, Shapiro a voyagé à Bornéo pour mener des études plus étendues sur la communication gestuelle des orangs-outans sauvages. L’un des étudiants les plus brillants de Shapiro était une orang-outan juvénile nommée Princesse. Celle-ci avait développé un attachement très fort pour Shapiro, qui remplissait pour elle un rôle parental. Shapiro lui-même tendait à considérer Princesse comme sa fille, car il l’éleva lui-même, en l’absence d’une mère orang-outan. Princesse vivait chez Shapiro dans un environnement domestique, où elle disposait d’une liberté considérable. Elle apprit une variété de l’AMESLAN et put acquérir trente-sept signes au cours des dix-neuf mois de formation, d’une manière comparable à celle de Washoe, le chimpanzé, et du gorille Koko.
Chantek (Miles, 1994 ; PBS, 2014) réside actuellement dans un habitat pour orangs-outans au zoo d’Atlanta. En 1978, ce jeune orphelin âgé de neuf mois a été élevé par l’anthropologue Lyn Miles à l’Université du Tennessee à Chatanooga. Elle lui enseigna le langage des signes comme à un enfant sourd, dans un environnement complètement humain. Au cours des huit années passées à l’université, Chantek a été en mesure de produire plus de cent cinquante signes et d’en reconnaître beaucoup plus. Il a également développé une compréhension importante de l’anglais parlé. Lorsqu’un mot lui manquait, il combinait des signes qu’il connaissait pour en créer de nouveaux. Ainsi, il nommait le ketchup du « dentifrice-tomate » et un cheeseburger « viande-pain-fromage ». Lorsqu’on lui demandait qui il était, il se décrivait lui-même comme une « personne orang-outan ». En revanche, lorsqu’on l’interroge sur ses codétenus du zoo d’Atlanta où il se trouve actuellement, il les décrit comme des « chiens oranges », auxquels il ne s’identifie pas.
http://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/ajp.1350030111/abstract
Les orangs-outans doivent tout à leur mère
Après ceux des humains, ce sont les enfants orangs-outans qui restent le plus longtemps en contact étroit avec leur mère. Ils sont complètement dépendants d’elle pendant les deux premières années de leur vie, tant pour la nourriture que pour les déplacements. On voit la mère nourrir son enfant au sein, abritée sous des branches feuillues pour se protéger de la pluie et du soleil, ou parfois même drapée de grandes feuilles comme un poncho.
Un enfant peut téter sa mère jusqu’à cinq ans, voire huit ans ! Ils commencent à s’éloigner de leur mère lorsqu’elle ne peut plus les porter. Mais les adolescents restent auprès d’elle jusqu’à dix ans, puis la quittent pour la compagnie d’autres jeunes immatures. Certains deviendront des patriarches au large disque facial et, pour les autres, des subadultes permanents jusqu’à ce qu’une place de chef se libère. Les femelles reviennent souvent visiter leur mère jusqu’à ce qu’elle ait seize ans voire plus.
Une association aussi étroite et prolongée entre une mère et sa progéniture est rare chez les mammifères. On pense que les orangs-outans ont une enfance très longue car ils doivent apprendre une quantité de choses pour survivre dans la canopée tropicale. En outre, les mères leur apprennent à se déplacer dans les arbres, à faire des nids, à sélectionner leur aliments et aussi à se protéger des prédateurs tels que les léopards et les pythons de Bornéo, ou les tigres à Sumatra.
http://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/ajp.20525/abstract