

Toujours plus de 2 000 000 d’animaux expérimentés: One Voice analyse les données 2023
Les mauvaises habitudes ont la vie dure : une fois de plus, la publication des chiffres de l’expérimentation animale se sera fait attendre. Il aura fallu patienter jusqu’au 14 avril 2025 pour que le ministère nous transmette les classeurs relatifs à l’année 2023, avant une mise en ligne officielle deux jours plus tard…
Le constat reste, hélas, inchangé: le seuil des 2 millions d’animaux utilisés est une nouvelle fois franchi. Si une baisse de 81 304 individus est observée en 2023, elle est si faible qu’il n’y a guère de quoi se réjouir.
Derrière cette apparente stabilité se cachent des réalités bien plus préoccupantes: opacité persistante, réutilisations non justifiées, souffrances évitables… À la veille de la Journée Mondiale des animaux dans les laboratoires avec près d’une vingtaine d’actions de sensibilisation de l’association partout en France, One Voice décrypte les chiffres.
Une barre symbolique qui ne faiblit pas
Depuis plus d’une décennie, le nombre d’animaux utilisés chaque année dans les laboratoires français stagne autour de 2 millions.
En 2023, 2 046 754 individus ont ainsi été soumis à des expériences.
La recherche fondamentale reste le principal domaine concerné, avec 629 007 utilisations, suivie du maintien des lignées génétiquement modifiées (491 778), des tests réglementaires (449 740), de la recherche appliquée (390 046), des activités de préservation (50 445) et de la formation (35 738).
Nous présentons les chiffres des primates dans un focus spécifique.
Explosion du nombre d’animaux pour les lignées génétiquement modifiées
Un chiffre s’impose à l’attention : celui du maintien des lignées génétiquement modifiées, qui a plus que doublé en un an, passant de 225 435 en 2022 à 491 778 en 2023. Cela représente désormais 24% du total des animaux utilisés. Cette hausse spectaculaire montre non seulement l’ampleur de cette pratique, mais aussi la lente prise en compte de la réalité dans les données officielles.
Cette augmentation découle de l’application d’un nouveau guide européen imposant la déclaration de pratiques auparavant non comptabilisées dans notre pays (différence notable avec nos voisins que nous avions déjà dénoncée), tels les prélèvements de queue ou de patte. Prévue depuis 2021, la mise en œuvre française a été tardive.
Cette correction statistique révèle une réalité ignorée pendant des années : des centaines de milliers d’animaux subissaient ces pratiques dans l’ombre. La France accuse un lourd retard sur ce point, car la « décision d’exécution » de la Commission européenne, qui impose la déclaration, remonte à 2020 et aurait dû être mise en œuvre dès 2021.
Les souris en première ligne
Parmi les animaux utilisés, 1 387 275 sont des souris, soit largement plus de la moitié :
- 138 848 ont subi des procédures classées sévères
- 525 189, des expériences dites modérées
Certaines de ces pratiques « modérées » incluent l’implantation de dispositifs intracrâniens ou l’induction de cancers, ce qui soulève des questions sur le classement des niveaux de souffrance, la plupart du temps sous-évalués.
Les souris représentent aussi la majorité des animaux utilisés pour le maintien des lignées génétiquement modifiées (470 114 sur 491 778, soit 95,5 %), aux côtés des chiens, rats et poissons-zèbres.
Chiens : une hausse inquiétante et des zones d’ombre
Le nombre de chiens utilisés est passé de 3 961 à 4 107 en 2023.
- Seuls 1 788 proviennent d’élevages agréés de l’UE
- 819 sont nés hors UE, sans traçabilité claire
- 1 487 ont été réutilisés, sans aucune donnée disponible
Nos enquêtes sur les élevages français, notamment à Mézilles (Yonne) et Gannat (Allier), révèlent des conditions de vie indignes, même sur le territoire national.
Par ailleurs, 2 555 chiens ont été utilisés dans des tests de toxicité ou la production de médicaments.
Lapins : souffrances persistantes malgré des alternatives reconnues
Les lapins constituent la deuxième espèce la plus utilisée dans l’expérimentation, représentant environ 9% des animaux.
En 2023 :
- 5 161 ont subi le test de pyrogénicité, destiné à détecter la présence de bactéries via une injection douloureuse.
- 70 ont été exposés au test de Draize, où des substances irritantes sont déposées sur les yeux.
Ces tests sont extrêmement douloureux et désuets, d’autant que des méthodes alternatives sont reconnues depuis des années (et que le Conseil de l’Europe soutient l’arrêt du test de pyrogénicité).
Le Monocyte Activation Test (MAT) permet par exemple de mesurer la réaction inflammatoire via des cellules humaines en culture, sans recours animal. Validée par l’EMA depuis 2010, cette méthode reste sous-utilisée.
Moins de souffrances sévères, vraiment ?
En apparence, un progrès : les procédures classées sévères passent de 244 710 en 2022 à 191 046 en 2023, soit 9 % du total.
Mais en combinant les procédures modérées et sévères, on dépasse toujours le million d’animaux concernés (1 006 458).
Le classement « modéré » semble devenir un fourre-tout, risquant de masquer la gravité réelle de certaines pratiques.
One Voice continue de demander les résumés non techniques des projets validés, pour permettre une vérification indépendante et transparente.
Derrière une stabilité numérique trompeuse et alors même que la tendance devrait être à la baisse pour remplir les critères de la directive européenne, les chiffres 2023 confirment des tendances préoccupantes :
- Hausse du recours aux chiens
- Explosion du nombre d’animaux pour les lignées modifiées
- Maintien de tests obsolètes et douloureux malgré les alternatives fiables et sans animaux
La France reste en retard sur la transparence et la transition vers des méthodes plus éthiques, alors que trois quarts des Français sont pour la fin de l’expérimentation animale (One Voice/Ipsos, avril 2023).
Le combat continue. One Voice appelle à un changement de cap immédiat vers une science sans cruauté. Soutenez-nous en signant nos pétitions !