Retour sur les trois audiences Poliakov à Orléans

Retour sur les trois audiences Poliakov à Orléans

Cirques
29.04.2021
Loiret
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Lors de la triple audience administrative à Orléans à propos des animaux détenus par les Poliakov, la rapporteure publique a requis le rejet des trois affaires. Autrement dit, elle a demandé que le tribunal rejette notre demande de retrait des animaux restants chez les dresseurs et de leurs autorisations d’ouverture, ainsi que les dommages concernant le fait que les autorités aient tant tardé à agir dans l’intérêt des animaux. Mais elle a aussi rejeté la demande formulée par les Poliakov de récupérer Bony et Glasha. La décision finale est revenue à la présidente, qui l’a formulée le 29 avril 2021 : rejet des trois affaires.

Le 15 avril dernier, le tribunal administratif d’Orléans a étudié trois affaires concernant les animaux détenus par les Poliakov.

  • Nous avions demandé le retrait du certificat de capacité des dresseurs, le retrait de l’autorisation d’ouverture de leur établissement, ainsi que le retrait des animaux restant sur place : Mina la guenon magot, les perroquets rares, les chevaux et les ânes.
  • Dans la seconde affaire qui nous opposait à la préfecture du Loir-et-Cher, nous demandions des dommages et intérêts pour le préjudice, concernant le fait que les animaux n’aient pas été secourus par la préfecture qui en a la responsabilité, avant notre enquête sur place et notre alerte. Ces deux requêtes ont été rejetées… en attendant le 12 mai prochain.
  • Enfin, nous intervenions volontairement en tant que partie civile dans l’affaire qui opposait les Poliakov à la préfecture, car nous voulions insister sur le fait que les Poliakov-Bruneau ne devaient pas pouvoir un jour récupérer Bony et Glasha, chose qu’ils demandaient. Dans cette affaire, la demande des Poliakov a été rejetée, nous avons donc ici obtenu gain de cause.

Les points sur les i de notre avocate

Aux remarques acerbes formulées par les deux autres parties sur les vidéos produites au dossier, qualifiées d’« illégales » (même si la préfecture a reconnu le « travail de lanceur d’alerte de l’association »), notre avocate a répondu en insistant sur le fait que précisément, One Voice était contrainte d’en passer par là pour montrer la réalité des conditions de détention et de santé des animaux détenus chez les Poliakov. Pourtant, n’est-ce pas le rôle de la préfecture de les protéger et d’agir en amont ?

Notre avocate a souligné les incohérences entre tous les documents, rapports, inspections et commissions vétérinaires ordonnés par la préfecture depuis au moins les treize dernières années : les uns alertant sur les problèmes, défaillances et irrégularités, d’autres semblant dire que tout allait bien. Tragique exemple de cette situation ubuesque : à nos images de Micha les pattes infestées d’asticots et victime de graves difficultés à respirer, répondait la vidéo d’AVES le montrant, quelques jours plus tard, à 400 kilomètres des geôles. Un vétérinaire avait, entre les deux, autorisé les Poliakov à le mettre dans le camion et à le faire se tenir en équilibre sur un ballon ! Pour lui, Micha était en parfaite santé.

La préfecture a avancé au tribunal qu’une saisie judiciaire était en place concernant Mina et quatre oiseaux… Nous avons dû rectifier cette erreur. La saisie étant administrative, supervisée par la préfecture, les animaux sont restés sur place, aux mains des dresseurs. Nous avions demandé une saisie judiciaire qui aurait permis aux animaux de sortir enfin de cet endroit.

Cerise sur le gâteau, la préfecture n’a pu effectuer de contrôle depuis fin 2019 auprès de ces animaux, les dresseurs s’y étant opposés. Les services de l’État n’ont pas fait appel aux textes de loi qui leur auraient permis cet accès, pourtant très utilisés pour le contrôle des animaux. En effet, la préfecture a argué qu’ils devaient être en bonne santé puisque les lieux de détention étaient désormais aux normes, et vu le dernier contrôle ayant eu lieu en novembre 2019 à la suite de la diffusion de nos images… C’est certain, la santé ne peut se dégrader en dix-sept mois.

«Si l’association n’avait pas envoyé des enquêteurs grimper sur les toits de cet établissement et dans les geôles, où on a vu l’état réel des ours, ce qui a effectivement embrasé les réseaux sociaux et permis à Mme Borne [alors ministre de l’Écologie] d’intervenir directement, que se serait-il passé ? C’est Mme Borne qui fait passer un message clair au préfet en lui disant : « Maintenant, il faut intervenir pour ces ours », ce n’est pas l’initiative du préfet ! Si l’association One Voice n’avait pas produit deux cents heures de vidéo, si elle n’avait pas multiplié ses démarches, ces trois ours seraient toujours là-bas et ils seraient probablement tous morts. »L’avocate de One Voice à l’audience du 15/04/21 lors de sa prise de parole

Enfin, au-delà même du bien-être animal qui à nos yeux est essentiel, ces animaux sont un patrimoine remarquable issu d’espèces protégées. Les dresseurs ont répété à l’envi être attachés à eux. Mais quel est cet attachement qui les a poussés à maintenir les ours dans des geôles insalubres, Mina dans une cage de 50 cm2, les oiseaux dans un cabanon sombre ? Personne ne les a obligés à être en charge d’animaux !

Une préfecture sur la défensive, aux arguments qui ne portent pas

Surprise ! À l’audience, la préfecture annonce avoir suspendu l’autorisation d’ouverture de l’établissement des Poliakov jusqu’au mois de juin, en attendant la décision du tribunal judiciaire qui se réunira en mai à Blois. Depuis le temps que nous demandions cette suspension…

Sur les contrôles et mises en demeure, tout juste admet-elle avoir « peut-être tardé » à agir.

Enfin, le fait que les animaux restants soient encore sur place sous la garde des Poliakov ne lui pose pas de problème. « Nous n’avons pas de raison de croire qu’ils pourraient être malades, dans la mesure où ils sont dans des installations désormais conformes, et d’autre part le dernier rapport de la visite de novembre 2019 ne fait pas état d’animaux malades autres que les ours. » Pour la préfecture, « il n’y a pas lieu de faire plus à ce stade » (sic).

Un rôle trouble…

Une remarque sur laquelle la préfecture comme l’avocat des Poliakov se sont accordés, sans toutefois en faire un argument ou en tirer de conclusion définitive, est le rôle de l’ancienne vétérinaire des Poliakov, ayant attesté par le passé de la bonne santé des ours, et qui une fois devenue la vétérinaire de l’association La Tanière, a déploré l’état de santé délétère de Micha.

L’avocat des dresseurs a dépeint un couple « exsangue » et « totalement à bout », et rappelé que Micha avait été amené à La Tanière « volontairement » par M. Poliakov, sans préciser cependant qu’il y aurait été contraint quelques jours plus tard s’il ne lui prodiguait pas de soins…

Pour lui,

«Le rapport d’autopsie est extrêmement clair, l’ours a été opéré à la Tanière, il est mort des suites de l’opération, pas d’une faute médicale. Tout simplement parce qu’on s’est aperçu que cet ours avait un cancer du larynx. Ce n’est pas la faute des Poliakov non plus. Et c’est lors de son extubation, lors de l’opération, qu’il est mort. Donc ce n’est ni la faute des Poliakov, ni dans l’absolu la faute de la Tanière. Donc on vient aujourd’hui nous expliquer qu’il est mort de mauvais traitements, c’est faux.»L’avocat des Poliakov le 15/04/21 lors de sa prise de parole à l’audience

Ces trois « bien tristes affaires », comme a conclu la présidente le jour de l’audience, laissent un goût d’inachevé dans la bouche. Nous nous réjouissons que les Poliakov ne puissent récupérer Bony et Glasha/Franca. Mais pour l’autorisation d’ouverture de l’établissement des dresseurs, suspendu par la préfecture et le sort des autres animaux, nous sommes impatients d’être au 12 mai prochain à Blois, pour la plainte pour actes de cruauté et maltraitance.

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