Pour une réforme urgente des comités d’éthique en expérimentation animale

Pour une réforme urgente des comités d’éthique en expérimentation animale

Expérimentation animale
20.07.2022
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Au lieu de remédier aux problèmes de surface, nous demandons une réforme de fond, pour une réelle indépendance dans l’évaluation des projets d’expérimentation animale.

Alors qu’on nous répète depuis des années que le passage par les comités d’éthique est une garantie de respect de la réglementation, le Comité national de réflexion éthique sur l’expérimentation animale (CNREEA) a récemment jugé que ces comités n’ont pas assez de moyens pour fonctionner correctement. Ses recommandations, qui restent intéressantes, ne vont pas assez loin. One Voice a écrit au président du CNREEA pour demander une réforme plus ambitieuse.

Le 8 avril dernier, le CNREEA a rendu un avis concernant les conditions d’agrément des comités d’éthique en expérimentation animale (CEEA). Une très bonne chose, quand on sait que les 130 CEEA français n’ont jamais été agréés depuis 2013 et que leur fonctionnement ne permet pas de respecter les impératifs d’impartialité et de transparence prévus par la réglementation. On s’étonnerait presque que le ministère de la Recherche les utilise encore aujourd’hui comme alibi pour justifier l’autorisation de projets impliquant des chocs électriques et de la nage forcée.

Malheureusement, l’avis du CNREEA reste frileux sur des points aussi importants que la composition des comités, l’augmentation de la participation des personnes non impliquées dans l’expérimentation animale et l’indépendance des comités vis-à-vis des établissements dont ils évaluent les projets. One Voice a donc adressé une lettre ouverte à Pierre Mormède, président du CNREEA pour appeler à une réforme plus ambitieuse des comités d’éthique.

L’avis sur les CEEA

Les recommandations du CNREEA sur les comités d’éthique concernent majoritairement les moyens financiers et logistiques : formation des membres et « lettre de mission » leur permettant de réaliser ces évaluations sur leur temps de travail, augmentation du nombre de membres et participation régulière aux évaluations, mais aussi moyens matériels et logistiques nécessaires au fonctionnement de base.

Jusque-là, les propositions nous semblent tout à fait sensées et bienvenues, et il semble à propos d’en remercier le CNREEA. La limite majeure de ses recommandations tient plutôt à ce qui n’y est pas abordé, à savoir la composition des comités et le fonctionnement des évaluations elles-mêmes.

Les limites des CEEA

Les comités d’éthique en expérimentation animale (CEEA) apparaissent clairement déficients quand on les compare avec leur équivalent pour les recherches impliquant des personnes humaines : les Comités de protection des personnes (CPP).

Les CEEA ont une composition minimum de cinq personnes, dont quatre sont impliquées directement dans l’expérimentation animale, tandis que la cinquième n’a pas à justifier de la moindre compétence. Les CPP sont composés de vingt-huit personnes, dont la moitié représente des associations de patients et des spécialités telles que la sociologie et le droit, mais aussi l’éthique – une spécialité tout à fait absente des comités « d’éthique » en expérimentation animale.

De plus, un dossier devant passer par un CPP est soumis de manière aléatoire à l’un des 38 CPP de France, ce qui garantit une certaine impartialité dans les jugements effectués. Au contraire, un dossier devant passer par un CEEA est soumis au comité rattaché à l’établissement qui présente le projet – ce qui fait qu’il y a actuellement environ 130 CEEA en France, un nombre dix fois supérieur à la moyenne européenne, ce qui est loin de garantir l’indépendance et l’harmonisation du fonctionnement des comités.

L’urgence de la réforme

Si l’avis du CNREEA est appliqué en l’état, les comités d’éthique en expérimentation animale entameront un changement de fonctionnement impliquant des investissements non négligeables. On pourrait alors difficilement aller vers des réformes plus ambitieuses avant plusieurs années.

D’où notre demande d’envisager dès aujourd’hui une réforme inspirée par le modèle des CPP. Une demande qui n’est pas isolée, puisqu’elle fait également partie du programme du Parti Animaliste et des propositions de la campagne Engagement Animaux 2022, à laquelle nous avons participé.

Cela impliquerait un changement plus important, mais permettrait au moins d’atteindre l’objectif fixé par la réglementation européenne et par la Charte sur l’éthique de l’expérimentation animale : l’impartialité et l’indépendance des comités d’éthique, pour aller vers un meilleur contrôle de l’expérimentation animale en attendant son abolition.

Pour en savoir plus : un peu d’histoire

Alors que le CNREEA n’a laissé aucune trace au cours de ses dix premières années d’existence (2005-2014) en dehors d’une charte nationale sur « l’éthique » de l’expérimentation animale, l’arrivée de la directive européenne en 2013 semble avoir motivé quelques travaux (recensés sur le site du ministère de la Recherche). En particulier, l’activité semble plus soutenue depuis 2019 avec la nomination des nouveaux membres, présidés par Pierre Mormède : le bilan d’activité 2020 mentionne quatre réunions dans l’année (au lieu de deux les années précédentes), plusieurs avis rendus en 2021 et d’autres avis en cours d’élaboration. La prochaine nomination aura lieu en 2024 – nous nous battrons pour que One Voice ait sa place dans ce futur comité.

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