Poules en cages : lors de l’audience devant le Conseil d’État, la rapporteure publique donne raison aux ONG
Neuf organisations de protection animale demandaient au Conseil d’Etat l’annulation partielle du décret du 15 décembre 2021 portant sur le réaménagement de bâtiments d’élevage de poules pondeuses en cages.
Neuf organisations de protection animale demandaient au Conseil d’Etat l’annulation partielle du décret du 15 décembre 2021 portant sur le réaménagement de bâtiments d’élevage de poules pondeuses en cages. Ce vendredi après-midi, lors de la séance publique, la rapporteure a appelé la juridiction administrative suprême à suivre la requête des ONG en annulant ce décret qui “revient à pérenniser l’élevage en cage”. Elle a ajouté que “retenir une interprétation restrictive du réaménagement ne rendrait pas nécessairement service aux intérêts économiques de la filière” alors que “la suppression des cages paraît inéluctable”.
Un engagement gênant pour le gouvernement…
En 2017, durant sa campagne présidentielle, Emmanuel Macron prend « l‘engagement d‘interdire d‘ici 2022 de vendre des œufs pondus par des poules élevées en batterie ». À Rungis, à l’occasion de son discours en tant que Président, il réitère son engagement et promet que « les œufs vendus aux consommateurs ne seraient issus que d’élevages en plein air d’ici 2022 ».
En 2018, la loi Egalim voit quasiment tous les amendements visant à interdire ce système d’élevage balayés. Seule reste l’interdiction des bâtiments nouveaux ou réaménagés de poules en cages. Cette maigre avancée reste de surcroît en suspens puisque le ministère de l’Agriculture, qui a d’abord tardé à prendre un décret d’application et ne s’est exécuté qu’après y avoir été contraint par le Conseil d’Etat, a publié en décembre 2021 un texte qui diminue la portée de l’interdiction et que les ONG ont donc décidé d’attaquer.
Et pour cause : nous avons découvert que le gouvernement s’était engagé auprès de la filière à limiter la notion de réaménagement aux seuls bâtiments réaménagés qui augmenteraient leur capacité de production, méprisant et déformant de façon scandaleuse les termes de la loi. Le Ministre de l’Agriculture de l’époque, Stéphane Travert, avait en effet fait cette promesse aux lobbys de l’industrie, dans un courrier que CIWF a réussi à obtenir devant le tribunal administratif … après deux ans de procédure !
Les 9 ONG qui ne se laissaient pas faire
Le décret litigieux indique que « constitue un réaménagement de bâtiment :
- 1° Les travaux ou aménagements d’un bâtiment existant pour le destiner à l’élevage de poules pondeuses en cage ;
- 2° Les travaux ou aménagements d’un bâtiment existant conduisant à augmenter le nombre de poules pondeuses pouvant y être élevées en cage. »
Le 10 février 2022, 9 ONG françaises, issues de la coalition qui a mené au succès historique de l’initiative citoyenne européenne « Pour une ère sans cage », déposent une requête commune devant le Conseil d’État et demandent l’annulation de ces alinéas.
Pour les ONG requérantes, il s’agit d’une restriction illégale de la notion de réaménagement, puisqu’un exploitant d’un bâtiment déjà utilisé pour l’élevage de poules pondeuses en cage peut y entreprendre tous travaux et aménagements, aussi conséquents soient-ils, et échapper à l’interdiction de réaménagement de l’article L. 214-11 du code rural et de la pêche maritime, à la simple condition de continuer à détenir le même effectif de poules pondeuses.
Elles estiment que le texte de la loiEgalim est très clair : un réaménagement n’est pas un agrandissement. Sinon, un bâtiment d’élevage en cages existant pourrait être entièrement rénové à l’identique et les cages repartir en production pour une durée de 20 ans !
Espoir dans l’arrêt à venir du Conseil d’État
Aujourd’hui, le 10 novembre 2023, lors de l’audience, la rapporteure publique a défendu devant le Conseil d’État l’annulation partielle du décret, comme demandé par les ONG. Elle a estimé que ”le décret méconnaît l’objectif poursuivi par la loi”. En citant les débats parlementaires et les positions exprimées par le Ministre et le Président de la République, elle a considéré que “la loi visait à mettre fin à l’élevage en cage pour répondre à l’attente sociétale tout en laissant le temps aux éleveurs de s’adapter à ces changements”. Pour la rapporteure publique, “le cap était clairement fixé par la loi, et le décret y contrevient en permettant les réinvestissements” alors que “l’article L214-11 vise précisément à aménager une transition progressive afin d’éviter de plein fouet une mesure brutale d’interdiction.” Elle conclut à l’annulation du décret qui “revient à pérenniser l’élevage en cage”. Au surplus, elle a indiqué que “retenir une interprétation restrictive du réaménagement ne rendrait pas nécessairement service aux intérêts économiques de la filière” alors que “la suppression des cages paraît inéluctable.”.
Le Conseil d’État doit trancher. Il rendra son arrêt d’ici quelques semaines.
Agathe Gignoux, responsable des affaires juridiques de CIWF France a déclaré : « Les ONG fondent leurs espoirs sur l’arrêt qui sera rendu par le Conseil d’État après l’audience de ce jour, afin que soient sanctionnées les manœuvres par lesquelles le Gouvernement a tenté de faire obstruction à une avancée attendue par les citoyens et obtenue au Parlement. On attendrait du Gouvernement qu’il accompagne les transitions plutôt que de pérenniser des systèmes qui mènent l’élevage français dans l’impasse».
Pour Frédéric Freund, directeur de l’OABA : « l’avis de la rapporteure publique est un cinglant revers pour le ministère de l’Agriculture qui s’obstine, depuis plusieurs années, à ignorer les remarques constructives des ONG de protection animale lorsque des textes réglementaires leur sont présentés pour avis, lors des réunions du CNOPSAV (Conseil national d’orientation de la politique sanitaire animale et végétale).«