Les loups, proies de l’État français
Le peuple loup est méprisé de toutes parts. Y compris par l’institution gouvernementale supposée assurer sa protection : le ministère de l’Écologie !
En politique, si l’on veut se montrer crédible, il faut avoir le souci de la cohérence. Difficile pour un ministère de l’Écologie d’assumer la persécution d’une espèce protégée. Alors, pour ne pas avoir à se brûler les doigts sur les dossiers sensibles, il délègue leur gestion, il renforce les compétences d’un préfet, comme on refile une patate chaude. Mais lorsqu’une association comme la nôtre s’en offusque, il est contraint de montrer son vrai visage et de reconnaître sa position… Oui, en France, le massacre des loups se pratique avec l’assentiment des représentants du gouvernement censés prendre leur défense !
Depuis que la population des loups a péniblement atteint le seuil des 500 individus, notre pays semble non seulement se moquer de plus en plus de sa protection, mais œuvrer pour la décimer.
Des discours aux actes, le grand écart
Officiellement toutefois, le gouvernement tient un discours qui se veut dans l’air du temps. Il affirme se sentir concerné par le déclin de la biodiversité et la préservation de la faune. Il prétend encourager la cohabitation entre les loups et les humains… Mais c’est à coups de fusil qu’il règle la question ! Car en réalité, c’est bien en légitimant les massacres à grande échelle des canidés sauvages que les dirigeants se mettent éleveurs et chasseurs dans la poche.
C’est pas moi, c’est l’autre
Pour éviter d’avoir trop de sang d’une espèce — de surcroît protégée — sur les mains, et être pris en flagrant délit de contradiction, le pouvoir central a trouvé la parade… Par l’arrêté du 12 septembre 2018, il a désigné un préfet coordonnateur du plan national d’actions sur le loup. Jusqu’au 31 décembre 2023, c’est le préfet de la région Auvergne-Rhône-Alpes qui, à ce titre, « anime et coordonne l’action des préfets de tous les départements concernés par le plan national d’actions sur le loup pour la mise en œuvre dudit plan ». Entre autres prérogatives, le magistrat s’est vu doté de compétences inhabituelles. Il peut « préciser » les conditions d’application des arrêtés des ministres chargés de l’écologie et de l’agriculture. Plus prosaïquement, il est habilité à prendre des dérogations aux mesures de protection des espèces de faune et de flore sauvages. Et décider, en l’occurrence, d’augmenter joyeusement le taux de « prélèvement » des loups, dans la « limite » des 2 % de l’effectif moyen de leur population estimée annuellement. Mais pourquoi s’interrompre en si bon chemin ? Au-delà de ce seuil, les tirs dits de « défense simple », approuvés par les préfets des départements, restent encore possibles ! Un loup dans les parages ? Les chasseurs sont appelés à la rescousse ! Reconnaissons que cette délégation du « permis de tuer », cette dilution des responsabilités à toutes les échelles de l’appareil étatique, ouvrent la porte aux pires dérives… Sans que personne — et c’est là toute la perversité du système — soit directement incriminable.
Recours au Conseil d’État
Dès novembre 2018, par un recours gracieux, nous avons appelé le Premier ministre à annuler son arrêté du 12 septembre. Notre demande étant restée lettre morte, nous avons saisi le Conseil d’État en mars 2019. Pour l’heure, ce dernier n’a pas encore tranché. Mais nous savons d’ores et déjà que le ministère de la Transition écologique et solidaire n’est pas de notre côté. Ni donc de celui des loups. En date du 7 octobre, il a adressé un courrier au président du Conseil pour le prier de rejeter notre requête. Ainsi, même l’institution supposée être en charge officielle de la protection de la nature dans notre pays, préfère se soumettre aux diktats des éleveurs et des chasseurs ! Plutôt que d’instaurer des solutions alternatives et éthiques aux problématiques pastorales, plutôt que de redonner leur place pleine et entière à des êtres merveilleux et sentients dont nous avons déjà persécuté les ancêtres, elle laisse les lobbies s’emparer du sujet, faire pression sur les élus locaux (et par ricochet sur les représentants de l’État) pour répandre des calomnies !
Fanatisme et obscurantisme
Le retour des loups en France a fait ressurgir des peurs profondément archaïques. Même si, Dieu et diable ne sont plus autant conviés au débat qu’à l’époque médiévale, les grands prédateurs se retrouvent comme autrefois traqués de toutes parts, victimes de terribles préjugés nés de la simple ignorance ou savamment entretenus par ceux qui veulent leur peau. Traités comme des « monstres », du « gibier » ou juste comme des concurrents encombrants, ils tombent les uns après les autres. Et leur peuple, à peine ressuscité de ses cendres, agonise de nouveau sur la terre où pourtant leurs aïeux et les nôtres ont su cohabiter en paix, dans un lointain passé… C’était il y a fort longtemps, au cours de la Préhistoire. Bien avant qu’Homo sapiens, sous l’influence de croyances frénétiques, se prenne un beau jour pour le roi de la « Création » et voie soudain dans les yeux de Canis lupus, son frère d’hier, le regard du « Malin ». Voulons-nous une fois encore nous éloigner du chemin de la sagesse ? Souhaitons-nous vraiment exterminer tout ce qui nous rappelle nos origines sauvages et notre propre animalité ? Le gouvernement français pourra toujours arguer que 500 individus suffisent pour rendre une espèce viable, nous savons, ainsi que les scientifiques, qu’il n’en est rien. D’ailleurs, la Cour de justice de l’Union européenne vient d’étendre le principe de précaution aux espèces protégées. Le doute doit donc leur profiter ! Mais surtout, comme à toutes les autres, le droit d’exister.
En attendant cette audience
En attendant d’être au Conseil d’Etat pour les défendre, nous serons en ce mois de novembre 2019:
- Le 14/11/2019 au tribunal administratif de Lyon pour le recours au fond face au préfet de la Région Auvergne-Rhône-Alpes qui s’était arrogé, l’an dernier, le droit d’augmenter de trois loups le plafond d’abattage annuel,
- Le 19/11/2019 à la cour d’appel de Lyon face au préfet de Savoie qui a fait appel de la décision du tribunal administratif de Grenoble d’avoir déclaré illégal son arrêté du 10 septembre 2015. Ce jugement avait permis de sauver trois loups sur les 6 prévus.