Le cri des cormorans ? Urgence à y répondre !
Agissons contre le projet d'arrêté prévoyant la « destruction » massive de grands cormorans pour favoriser des élevages piscicoles!
One Voice appelle à agir : une consultation publique est lancée, autour d’un arrêté ministériel ouvrant la porte à une tuerie massive de grands cormorans (150 000 oiseaux sur trois ans). Motif ? La prédation naturelle que cette espèce protégée exerce en France sur des élevages piscicoles et sur certains poissons de rivière. Hallucinant !
Tous s’accordent à reconnaître que des tirs de « destruction » ne peuvent réguler une population d’oiseaux nicheurs, surtout au niveau précis qu’est celui du département. Mais nous en sommes là : par décision préfectorale, les grands cormorans, oiseaux pourtant protégés par la loi et par une directive européenne, sont déclarés chassables par quotas départementaux parce qu’ils nuisent aux élevages piscicoles, très extensifs, voire à certaines espèces de poissons d’eaux libres, également protégés et surtout convoités par les sociétés de pêche.
L’État et ses agents locaux, les préfets, répondent ici avec diligence aux vœux d’une filière économique qui n’y va pas de main morte : pas moins de la moitié des grands cormorans hivernant en France est concernée par les tirs de destruction envisagés dans 88 départements métropolitains. 50 000 oiseaux par an…
Arrêté meurtrier et injustifié
Un arrêté-cadre similaire a déjà été pris en 2016 pour trois ans, dans les mêmes proportions, et à l’époque n’a pas pu être contrecarré par la mobilisation citoyenne. Cette nouvelle consultation publique, ouverte jusqu’au 31 juillet (vite, donnez votre avis en utilisant les arguments cités dans cet article !), est l’occasion de dire non, et d’affirmer que la solution ne réside pas dans des tirs de « destruction ». Qui plus est cruels, car ces oiseaux protégés sont tirés avec des cartouches légères, réglementées : touchés, ils agoniseront souvent des heures durant !
Le Conseil national de la protection de la nature a cette fois donné à l’unanimité un avis défavorable au renouvellement d’une mesure qui ne réjouit que quelques acteurs économiques, et bien sûr les pêcheurs et les chasseurs. Tous ces arguments n’ont pas fait reculer le ministère :
- les tirs sont inefficaces pour contrôler des populations hivernantes au niveau de chaque département ;
- il n’est pas démontré que ces tirs puissent faire baisser les niveaux de prédation exercée par ces oiseaux piscivores, notamment en eaux libres où la sauvegarde de poissons protégés dépend de plusieurs autres facteurs (prédation par d’autres animaux, y compris des poissons de type silure, qualité des eaux, etc.) ; de plus, les cormorans se nourrissent essentiellement de proies abondantes tels les cyprinidés voire d’espèces exotiques (poissons-chats, perches-soleil) ;
- les grands cormorans (Phalacrocorax carbo sinensis) ciblés par l’arrêté sont très semblables à une autre sous-espèce de cormorans (Phalacrocorax carbo carbo), dont les populations sont en France peu stables. Il sera délicat pour les chasseurs d’identifier s’ils abattent les « bons » oiseaux ;
- la justification exacte des demandes de tirs en eaux libres n’est pas apportée, pas plus que les pisciculteurs d’étang ne produisent de statistiques économiques départementales sur l’impact de la prédation des grands cormorans hivernant en France.
Comme en d’autres cas, on ne répondrait ici que par la destruction pour protéger une activité économique exercée en milieu naturel et qu’un oiseau ne peut pas comprendre. Certes, concurrencée par d’autres pays qui bizarrement ne connaissent pas le même problème, la pisciculture française vit des jours difficiles. Elle peine à trouver sa rentabilité et quand il est déclaré impossible d’équiper en systèmes d’effarouchement ou de protection (de type filets) des hectares entiers d’étangs, les boucs émissaires sont vite désignés, tous ces animaux déclarés nuisibles car leur survie dépend des proies offertes. La réglementation impose pourtant de rechercher des solutions alternatives avant de dégainer les fusils contre la faune…
Protégez vos élevages, pliez vos gaules !
En février dernier, un pisciculteur des Deux-Sèvres a assigné l’État en justice pour le préjudice subi par son exploitation depuis l’arrivée des cormorans sur la propriété. L’homme, qui ne peut investir les 500.000 euros estimés pour protéger efficacement son étang, a tout de même obtenu 800 € d’indemnisation par hectare et par an sur la période allant de 2010 à 2015, soit une somme totale de 160.000 €. « Étant situé en zone naturelle d’intérêt écologique, faunistique et floristique, je ne peux même pas détruire les nids » déplore-t-il, se réservant le droit d’intenter une nouvelle procédure judiciaire pour la période 2016-2020, si l’État, soit nos impôts, ne trouve pas de solution à son problème.
Or abattre ces oiseaux n’est pas une solution. Exercer une surveillance plus régulière, protéger les étangs… Certes cela coûte cher, comme travailler différemment avec des eaux de meilleure qualité, contrôlant les effluents de l’agriculture. Mais n’est-ce pas là le travail de professionnels, améliorant et traçant leur production ? Non, au lieu de cela, et malgré les aides y compris européennes accessibles, on préfère incriminer les « nuisibles », tous ces animaux à qui l’on n’accorde plus le droit de vivre.
Le grand cormoran est l’arbre qui cache la forêt : bien d’autres animaux mangeurs de poissons sont concernés (hérons, butors, martins-pêcheurs, cigognes, loutres, visons…). Faut-il tous les tuer préventivement au nom de la sacro-sainte activité économique ? Se questionne-t-on également sur les raisons qui poussent les cormorans à coloniser étangs et rivières de France en quittant leur habitat type (les grands estuaires, les côtes maritimes ou le lit des grands fleuves d’Europe) ? Des tirs massifs y changeront-ils quoi que ce soit ?
Enfin, si l’on s’interroge vraiment sur l’équilibre des populations naturelles dans nos étangs et nos rivières, à la relation proies-prédateurs, pourquoi ne pose-t-on pas plutôt la question de la place de la pêche humaine dans des milieux dits si menacés ?
Les pêcheurs sont visiblement mobilisés pour cette consultation. Le nombre de commentaires exigeant l’éradication de ces oiseaux qui les privent, eux, de proies est impressionnant. Il faut faire passer le mot dans ces derniers jours pour s’opposer massivement à cette tuerie. Agissez !
Quoi qu’il en soit, si la mobilisation ne réussit pas à stopper le massacre écologique qui se prépare, nous attaquerons l’arrêté ministériel en justice, pour rendre leurs droits à ces grands oiseaux, rappelons-le protégés. De telles dérogations à leur protection sont injustifiables !