La seconde vie de Maya

La seconde vie de Maya

Cirques
07.11.2018
Italie
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Libérée du cirque grâce à la mobilisation citoyenne, Maya a entamé une nouvelle vie, en Italie, sous notre regard attentif et celui de nos partenaires locaux. Car elle reste détenue, fragile… et toujours dans nos cœurs.

Libérée des chaînes du cirque! Finis les camions-cage, les aires de parking répétées à l’infini, les douleurs muettes mais bien réelles endurées par son corps fatigué. Tout en actant sa libération, l’État français n’a pas entendu notre association qui avait organisé son placement en semi-liberté dans un sanctuaire situé en France. Le cirque qui détenait Maya a pu choisir librement ce qui sera sans doute sa dernière demeure, un zoo italien, proche des réseaux circassiens et qui lui-même organise des spectacles avec animaux.

La victoire aurait donc pu être plus belle encore. Maya, héroïne d’un long combat pour la liberté, aurait été paisible en son sanctuaire limousin, entourée de l’amour de tous ceux qui l’ont soutenue, une icône en somme… mais une icône bien gênante alors que tant d’autres animaux restent exploités derrières des grilles itinérantes, durement dressés à contre-emploi d’une vie sauvage, encagés, soumis, brisés.

Si nous sommes bien sûr heureux pour elle, nous avons décidé de suivre Maya, pour nous assurer de son confort, refuser l’oubli, la distance. Maya vit désormais au Safari Park de Pombia, près de Novare (Piémont). Sur 45 hectares, l’établissement propose un concept de « safari », avec un lacis de routes goudronnées d’où les visiteurs peuvent en circulant en voiture approcher de animaux de la savane en semi-liberté ou l’enclos de certains autres. C’est le cas pour Maya.

Nos enquêteurs ont pu l’observer et constater qu’elle allait mieux. Arrivée éreintée au début de l’été, dénutrie, percluse d’arthrose et souffrant d’une infection au postérieur droit, Maya a désormais plus d’allant. Nourrie de foin frais, elle peut circuler dans son « domaine », un terrain pentu de 5 000 m2, agrémenté d’un toit pour la protéger du soleil (mais le climat du Lac Majeur, tout proche, n’est pas celui de l’Asie!), un bassin de béton qui lui donne accès à l’eau. Maya joue avec la terre qu’elle prend au sol de sa trompe et s’en asperge le dos avec ravissement. De la terre, plus de bitume!

Nous avons observé qu’une sorte de parcours de grosses pierres levées réduit l’espace disponible, sans beaucoup d’enrichissement, et surtout que l’accès aux stalles (un hangar de 220 m2), où Maya pourrait se reposer à l’abri des regards, est fermé dans la journée.

Le Safari Park de Pombia s’est félicité sur Internet de l’arrivée de Maya, son unique éléphante, qui accrédite l’utilité de son association « SOS Elefanti Onlus », revendiquant une activité de sauvegarde des éléphants d’Asie. Les tickets d’entrée sont ainsi clairement censés aider à financer ce programme… sur lequel il est impossible d’obtenir des informations concrètes. Claudio Aimone, son directeur scientifique, n’a jamais répondu à nos demandes de renseignements, pas plus sur la raison motivant à barrer l’accès aux stalles en journée, une pratique courante dans les zoos, quoi que peu conforme avec les exigences du bien-être des animaux.

Alors, vigilants, épaulés par nos partenaires italiens de la LAV, nous allons agir pour être éclairés sur les choix encadrant la seconde vie de Maya. Nous avons sollicité un éminent expert vétérinaire, le Docteur Willem Schaftenaar, conseiller de l’association européenne des parcs zoologiques, qui a visionné les vidéos récemment tournées au Safari Park par nos équipes. C’est également le cas du Pr Donald Broom, de l’Université de Cambridge, qui a trouvé les conditions bonnes, sans commune comparaison avec celles qu’a connues Maya pendant des décennies dans le cirque. Les opinions de ces deux experts ont été jointes au courrier que nous avons adressé au ministre italien de l’Environnement, afin que, là-bas comme ici, on soit informé en plus haut lieu que le destin de ces bagnards du cirque est devenu une cause commune, et non le seul fait d’exploitants.

Maya souffre des séquelles d’une vie volée, éreintée par les transports répétés et les expositions en lieux et modes inadaptés. Alors qu’elle pourrait retrouver goût à des gestes qui lui étaient interdits depuis des dizaines d’années de vie de cirque, voilà qu’il lui faut à l’évidence se réadapter, mais surtout être entourée de soins appropriés, y compris dans son alimentation, ses exercices physiques. Un enclos très enrichi, un tas de sable où se reposer, une vraie possibilité de tranquillité à l’abri des regards semblent, de l’avis des spécialistes, importants pour reconstituer Maya, l’apaiser les maux physiques et mentaux (stéréotypie) qui lui pèsent après une vie si dure. Tout cela a été relayé au ministre d’un pays ayant officiellement banni les animaux sauvages et domestiques des cirques. Espoir? En Italie, comme ici, il nous faut surveiller, interroger, débattre voire combattre…

Goûtons néanmoins et sans modération cet épisode plus heureux, qui n’effacera pas une vie de misère, celle de tant d’éléphants, grands félins et autres animaux sauvages n’ayant rien à faire sur les routes et derrière les grilles des cirques avec animaux. Le Professeur Broom et le Docteur Schaftenaar expliquent tous deux qu’une stéréotypie installée est extrêmement difficile voire impossible à faire partir. Alors même si le transfert dans ce parc n’était pas l’idéal, cela aura permis d’améliorer de façon très nette ses conditions de détention et plus encore de supprimer le traumatisme lié à l’itinérance: transports incessants et changements de lieu. Notre courrier fait ainsi suite à notre étroite surveillance de Maya.

One Voice reste auprès de Maya, ne la laissera pas seule et vous donnera de ses nouvelles dès que possible. Car remarquable est sa nature : brisée par 40 années de détention, elle montre aujourd’hui des signes évidents, simples, d’une joie nouvelle. Un vrai bien-être après tant de souffrance, c’est le moins qu’on lui doive…

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