La chasse, une arme de pollution massive
Chaque année, des milliers de tonnes de plomb sont déversées dans la nature en France. En cause : la chasse, ce loisir mortel… et polluant.
Il y a quelques mois, la Fédération nationale des chasseurs (FNC) a été condamnée pour avoir présenté ses adhérents comme les « premiers écologistes de France » (ce à quoi les Français n’ont jamais cru !). Et on comprend pourquoi : ce passe-temps conduit non seulement à la mort de plus de 25 millions d’animaux chaque année, mais, cerise sur le gâteau, il pollue les sols par l’abandon de 6000 à 8000 tonnes de plomb. Ces munitions laissées dans la nature sont un danger immédiat pour l’environnement, les animaux et les humains, dont les conséquences dramatiques sont déjà visibles. Dans l’Ain, One Voice a obtenu de la préfecture que la grenaille de plomb soit remplacée par des munitions d’acier dans un ball-trap organisé dans une zone humide le week-end dernier. Mais les contrôles étant rares, nous n’avons pas d’illusions sur le déroulement inchangé de celui-ci, sachant que cette festivité polluante annuelle a lieu depuis plus de vingt ans sur le même terrain.
De la chasse au ball-trap : petit guide des activités polluantes, par les chasseurs de France
Parfois – oserons-nous dire souvent ? -, les chasseurs ratent leurs cibles. Des milliers de plombs imprègnent alors les sols et les cours d’eau, rendant ceux-ci potentiellement infertiles et toxiques, notamment pour nous, humains. Lorsque des animaux s’en nourrissent, c’est la mort quasi assurée : un canard qui ingère quatre billes de ce métal lourd a 99 % de chances de mourir dans les vingt jours qui suivent. D’autres fois, des animaux sont touchés sans être tués. Ils devront vivre avec de la grenaille plein le corps causant maladies et infections – corps qui sera ensuite ingéré par leurs prédateurs naturels, comme les lynx, pourtant protégés. D’animal en animal, ce métal lourd, véritable poison, gagne du terrain.
Et ça ne s’arrête pas là : en dehors de la saison, il faut bien s’occuper ! Alors il reste une activité : le ball-trap. Tirer sur un plateau en argile, c’est sans doute moins amusant que tirer sur un animal. Mais c’est « mieux que rien ». Cette activité très lucrative conduit à elle seule à la dispersion de 1500 tonnes de plomb dans la nature chaque année.
Un événement dans l’Ain, délétère pour l’environnement depuis deux décennies
Dans l’Ain, la société de chasse de Douvres organise depuis au moins vingt ans un ball-trap annuel à proximité immédiate d’un cours d’eau. Autant dire que, depuis toutes ces années, le sol et les nappes phréatiques sont criblés de ce métal lourd… C’est d’ailleurs dans cette région qu’en 2014, l’analyse du cadavre d’un lynx avait révélé qu’il souffrait de saturnisme, car dans son corps se trouvaient plus de 120 grenailles. Alertés que l’événement allait se tenir le week-end du 1er juillet, nous avons immédiatement contacté la préfecture, qui nous a indiqué avoir obtenu des chasseurs qu’ils n’utilisent que des munitions d’acier. Difficile à croire, quand on sait que les fusils utilisés pour le ball-trap ne sont pas adaptés à ce type de cartouches.
Au-delà de la pollution, cet événement n’aurait jamais dû avoir lieu. En effet, la préfète de l’Ain a elle-même interdit le port et le transport d’armes dans le département entre le 30 juin et le 3 juillet en raison de l’actualité nationale. Malgré cela, ces tireurs du dimanche ont pu s’adonner à leur loisir sans aucun dérangement !
Qui sait, peut-être les chasseurs ont-ils réussi à la convaincre qu’il était absolument indispensable de « réguler » les plateaux d’argile…
Mobilisation générale contre les ravages de la chasse sur la nature
Certes, depuis février 2023, l’emploi de ces cartouches est interdit à proximité immédiate des zones humides. Mais cette mesure est largement insuffisante. Avec le Bureau européen de l’environnement, coalition dont One Voice est membre, nous demandons à la Commission européenne d’aller plus loin dans les restrictions du plomb dans les munitions et les accessoires de pêche. Car les poissons sont tout aussi importants que les mammifères. Il en va de la survie de millions d’animaux et de la protection de la santé humaine !
Comme d’habitude, les chasseurs feront tout pour ne pas avoir à se soumettre à la réglementation. En janvier 2023, les agents de la police de l’environnement n’avaient semble-t-il reçu aucune consigne sur la mise en œuvre des contrôles[1]. La loi ? Un détail, quand il s’agit de faire plaisir à une petite minorité qui veut tuer toujours plus d’animaux. Et ils ne s’arrêtent pas là ! Willy Schraen (le président de la FNC) est allé jusqu’à exiger une compensation financière de l’État pour que ses adhérents puissent remplacer leurs fusils aux frais du contribuable. L’indécence n’a donc pas de limite.
Alors que les effets de la pollution massive des sols se font déjà sentir sur la biodiversité et la santé humaine, il est grand temps d’agir. Plus que jamais, il s’agit de porter, d’une seule voix, les intérêts des animaux, des humains et de la nature. Debouts, vaillants et avec nos partenaires, nous continuerons à œuvrer pour la protection de la vie sur terre, pour celle des lanceurs d’alerte et des défenseurs de l’environnement, trop souvent pris pour cibles. Pour eux, pour nous, rien ne nous arrêtera. Le 12 juillet prochain au Parlement européen, nous appelons les eurodéputés à adopter la loi européenne sur la restauration de la nature.
[1] Source: site chassons.com, article « Plomb interdit à la chasse: Vers un possible report? » du 4 janvier 2023: “En effet, pour l’heure, aucun agent de l’office français de la biodiversité (OFB) n’a reçu de consignes claires sur la mise en œuvre des contrôles sur l’emploi des munitions dont ils auront la charge.”