La bile d’ours : la fin d’une torture séculaire au Vietnam
Pour le pire malheur des ours du Vietnam, leur bile était vendue à prix d’or comme soi-disant remède. Le ministère de la santé chinois vante ses prétendus effets contre le Covid-19. Notre enquête de 2003 en est plus que jamais d’actualité.
Depuis la survenue de la pandémie de Covid-19, en Asie comme partout ailleurs, la population, face à la mort et à la maladie, cherche des traitements en urgence. Guidée par la peur, mauvaise conseillère, les pensées magiques peuvent prendre le pas sur la raison. Parmi les nombreux « remèdes » qui n’en sont pas, la bile d’ours est l’un des ingrédients vendus à prix d’or, pour le pire malheur des ours. Dès 2003, nous avions enquêté au Vietnam et rapporté des images qui exposaient cette torture aux yeux de tous, pour y mettre fin. La pratique y est devenue illégale en plusieurs étapes au fil du temps. Espérons que cette fois sera la bonne. Nous continuerons à défendre les ours partout où perdurera cette abomination.
Les vertus curatives de la bile d’ours sont, pour l’essentiel, un mythe. On pourrait en boire des litres que les multiples maladies et performances sexuelles n’en seraient pas plus soignées ou améliorées qu’avec un placebo (et pour son utilité prouvée, des alternatives à base de plantes ou synthétiques existent). En Chine, cette exploitation s’entend à l’échelle industrielle. Le Vietnam en était le second plus gros producteur.
La torture par l’industrie pharmaceutique, associée à la disparition des ours
Ces ours sauvages endémiques du Vietnam étant les plus prisés, c’est auprès d’eux que nous avons donc mené l’enquête en 2003, car ils étaient également de ce fait, en cours de disparition ! Les ours sauvages des espèces Ursus Thibetanus et Ursus Malayanus ne se reproduisant pas en captivité, les éleveurs achetaient donc les oursons à des braconniers qui tuaient souvent les mères pour capturer les petits. Mais la demande est telle sur l’ensemble du continent asiatique, qu’elle concerne, notamment en Chine, de nombreuses autres races d’ours, plus faciles à élever, et dont la bile est vendue moins cher. Ce sont ceux-là qui restent enfermés des années.
Nos enquêteurs avaient reçu à l’hôtel la visite inopinée de militaires, car il était illégal de photographier les ours, et les élevages étaient pour beaucoup d’entre eux sous l’autorité de l’État. La même année, accompagnés du dessinateur de presse Jean Cabu, autre parrain de l’association, nous avions également été reçus à l’ambassade par les représentants du gouvernement vietnamien pour leur faire part de notre vive préoccupation quant aux souffrances des ours et au braconnage intensif… Conscients du problème, les autorités avaient très bien accueilli nos demandes. Nous avions alors compris qu’à la différence de la Chine, l’exploitation des ours au Vietnam allait prendre fin. Les mentalités sont toutefois longues à changer, d’autant plus lorsque persistent des traditions séculaires. Pour sensibiliser encore davantage la population, nous avions organisé de nombreux rassemblements.
Extraire la bile d’un ours vivant : une torture qui finit toujours par la mort
En 2003 au Vietnam, cela concernait des milliers d’ours sauvages captifs à travers le pays, dont plusieurs centaines près d’Hanoï, dans des centaines de fermes à bile. L’horreur de la captivité commence par des cages de 8 m2, le plus souvent dans des bâtiments au fond d’un jardin contenant cinq à quatorze ours. À peine atteignent-ils leur premier anniversaire, que la torture peut à proprement parler commencer.
Les méthodes d’extraction sont extrêmement douloureuses, et faites sur les ours drogués, partiellement endormis. Leur abdomen est percé à plusieurs reprises pour l’installation du matériel : une aiguille de 20 cm directement enfoncée dans la vésicule biliaire, bien souvent sans stérilisation ni désinfection. Les prélèvements ont lieu quatre fois par an, et les ours ne survivent pas au-delà de cette année d’enfer.
Parfois, quand l’ours est endormi, on lui coupe une patte pour faire de la soupe, sans le tuer, comme nous l’avons documenté. Dans tous les cas, les animaux finissent à la boucherie, leur chair étant également très convoitée.
La fin de l’exploitation des « ours à bile » au Vietnam ?
Pendant des années, cette pratique a diminué, au point que de nombreux élevages ont fermé leurs portes. Les sanctuaires asiatiques ont accueilli des « ours à bile » qui n’avaient jamais connu que l’enfer sur terre.
Le Vietnam ayant décidé de mettre un point final à cette activité dans l’ensemble du pays à l’échéance de 2022, nous nous réjouissons pour les ours, tout en restant vigilants quant à l’application de cette décision. L’association Animals Asia a signé un accord avec le gouvernement pour la fin des fermes à bile et le sauvetage d’un maximum des 600 ours encore exploités.
Un risque de reprise de l’activité lié au coronavirus !
En Chine, des industriels sans scrupules, soutenus par le ministère de la Santé, vantent, une fois de plus, les vertus alléguées de la bile d’ours, pour combattre cette fois-ci le SARS-CoV-2, responsable de la pandémie actuelle. Nous dénonçons de toutes nos forces cette publicité mensongère, et son impact mortifère sur les ours libres et captifs, où qu’ils soient en Asie.