Expérimentation : bravo les chiffres, rien ne change !

Expérimentation : bravo les chiffres, rien ne change !

Expérimentation animale
14.05.2019
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Suite à la grande mobilisation de One Voice, les statistiques sur l'expérimentation sont enfin publiés, mais toujours autant d'animaux sacrifiés.

Ce n’est pas faute d’avoir réclamé que l’État respecte la loi. En mai 2019, l’enquête statistique sur les procédures expérimentales achevées en 2017 vient enfin de paraître. Toujours autant de victimes, aucun progrès, mais quelques perles.

One
Voice n’a pas chômé pour que l’État se conforme enfin aux
règles européennes qui exigent des États membres des statistiques
annuelles sur l’expérimentation animale : plainte auprès du
ministère concerné, manifestation devant le Parlement européen et
plusieurs actions afin de dénoncer
l’absence de données publiées. Fin avril 2019, les chiffres
officiels restaient ceux antérieurs à 2016, un suivi scientifique
rassurant.

Avoir
fait campagne a porté ses fruits ! Les fameux chiffres ont été
publiés le 30 avril par le ministère de l’Enseignement supérieur,
de la Recherche et de l’Innovation, assortis d’une notice explicative, très cosmétique, recelant quelques surprises…

Toutes
espèces confondues : 1 914 174 victimes en 2017 contre 1 918
481 en 2016. L’État
se félicite d’une diminution de 0,2%
,
d’autant plus significative selon lui, que davantage
d’établissements de recherche ont répondu à l’enquête (+
8,2%), suggérant une baisse du nombre moyen d’utilisations
d’animaux par établissement. Mais on se demande alors quelle base
statistique a cette enquête annuelle (le nombre réel de répondants
n’étant pas communiqué)… Certains labos ont pu ou pourraient ne
pas répondre ? Quelle précision scientifique dans ces
chiffres que nous attendions avec espoir ? La photo est
floue, mais on nous assure qu’elle est jolie !

Acharnement expérimental

Il
est aussi souligné que 40 000 animaux (+ 12%) sont plusieurs fois
réutilisés dans différentes expériences. Dans de tels cas, il
faut qu’un vétérinaire valide que l’animal a « pleinement
recouvré son état de santé et de bien-être général ».
Chose facile quand on connaît les niveaux de bien-être offerts
par les cages des animaleries de recherche et les différents
traumatismes endurés par les animaux. « Bien-être »
devient ici un terme obscène…

Mieux !
Ces réutilisations réglementées* sont présentées comme un moyen
de réduire le nombre d’individus engagés dans des procédures
expérimentales. Des sévices répétés et une plus longue captivité
prolongée, cela correspond-t-il vraiment à des procédures plus
« raffinées » ? La torture prolongée et répétée de
ces animaux réutilisés, finalement la pire, est tout le contraire
de l’objectif poursuivi par la directive européenne. Pourtant
l’État, se basant sur on ne sait quel texte, affirme ici respecter
les volontés de Bruxelles. Soyons sérieux : s’il s’agit de
minimiser douleurs et souffrances, ce ne peut être le cas quand les
mêmes animaux sont expérimentés plusieurs fois de suite. 

Des vessies pour des lanternes…

On
nous dit enfin que « dans l’objectif de rationaliser l’utilisation
des animaux en science, la
France continue à promouvoir très activement le principe de
Remplacement, Réduction et Raffinement
».
Si l’on appliquait effectivement ce fameux principe des 3R –
remplacer (par d’autres méthodes), réduire (le nombre
d’utilisations), raffiner (moins de douleurs infligées) –, ne
devrait-on pas voir baisser les volumes de l’expérimentation
animale, mais aussi la proportion des expériences les plus
cruelles ? Or ce n’est pas le cas, chiffres à l’appui :
nous avons donc les 3R, mais pas la chanson !

Sortir du flou !

«
Après trois années de statistiques recueillies selon le format
imposé par la directive 2010/63/UE, des tendances commencent à
apparaître », nous dit le ministère (à confirmer en 2020 au
regard des chiffres de 2018). Mais au fait, quelles tendances ?
Aucune n’émerge – les écarts entre années ne sont même pas
calculés ! –, exceptée une tenace stabilité des chiffres.
Si tant de prétendus efforts sont déployés dans les instituts de
recherche et les comités d’éthique qui les chapeautent (mais en
émanent), pourquoi les chiffres ne baissent-ils pas ?

L’explication
tiendrait au fait que la plupart des projets autorisés le sont sur
plusieurs années (cinq au maximum). Il faudrait donc attendre
quelques années de plus avant de voir en France poindre quelques
résultats positifs dans la politique européenne visant à réduire
les victimes de l’expérimentation animale ?

Plutôt
que de se gargariser d’appliquer des règles éthiques, sans que le
nombre de victimes ni leurs niveaux de souffrance ne diminuent,
n’est-il pas temps de stimuler la recherche de méthodes
alternatives, sans cruauté sur animaux, et de les imposer dès
qu’elles permettent de sauver des vies ?
Prétendre bien et
mieux faire quand les chiffres sont immuables, n’est-ce pas se
moquer du monde ?

Seule
satisfaction : c’en est fini du régime transitoire instauré par
décret en France, entre 2013 et 2018, pour les projets lancés sous
l’ancienne directive 86/609/CEE. Les chercheurs ont eu le temps de
s’approprier la notion de procédure expérimentale définissant
seuils et degrés de sévérité dont sont victimes les animaux. Ce
qui n’a rien changé pour ces derniers.

(*
Article R. 214-113 du Code rural et de la pêche maritime)

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