Expérimentation animale : que choisir quand on nous ment ?

Expérimentation animale : que choisir quand on nous ment ?

Expérimentation animale
04.05.2022
Toutes les actualités

Pour son « décryptage » sur l’expérimentation animale, l’UFC-Que Choisir a choisi la complaisance envers les laboratoires. Une mise au point s’impose.

Le 28 avril, quelques jours après la Journée Mondiale des Animaux utilisés dans les Laboratoires, l’UFC-Que Choisir a publié un « décryptage » sur l’expérimentation animale, intitulé « Ça bouge dans les labos ». Mais entre des approximations inacceptables et une complaisance très voyante envers les laboratoires, la copie est à revoir. On fait le point.

« On n’en finirait pas de citer les situations où ce modèle est irremplaçable ». Alors que l’article commençait plutôt bien avec l’interview d’un chercheur qui travaille sur des organoïdes pour réaliser des recherches biomédicales de pointe, le « décryptage » de l’UFC-Que Choisir montre vite ses limites. Aucune mention des captures de primates à l’étranger pour alimenter les élevages qui approvisionnent les laboratoires français, ni de l’opacité générale de l’administration sur ces questions. One Voice a pourtant été contactée pour cet article, et a fourni des réponses et des données précises et sourcées.

Toujours le même refrain

Alors que le grand public ne sait généralement pas ce que sont les « 3R »[1], les chantres de l’expérimentation animale ont réussi à imposer leur vision auprès des journalistes et jusque dans la réglementation, dont ils se targuent aujourd’hui qu’elle repose sur ce principe « éthique » qui consisterait à utiliser le moins d’animaux possible, dans les meilleures conditions possibles, et uniquement lorsqu’il n’y a pas d’alternative.

Il suffit pourtant de regarder l’évolution des chiffres ces dernières années pour constater que la « réduction » n’est guère probante. Et il y a de quoi rire jaune quand l’UFC-Que Choisir dit avoir vu à l’Institut de psychiatrie et neurosciences de Paris des rongeurs « aussi bien soignés que possible », soulignant la présence de coton et de bois dans leurs cages et le fait que « la loi impose des règles » sur les dimensions de ces cages. Si elle s’était intéressée aux détails de cette réglementation, elle aurait peut-être pu expliquer au public en quoi une boîte en plastique à peine plus grande qu’une feuille A4, enfermant jusqu’à quatre rats qui y passeront leur vie, constitue un traitement aussi bon que possible pour ces animaux.

Mais non, « seules les pratiques de mise à mort font tiquer » — pas parce qu’elles seraient délétères pour les animaux en tant qu’individus (pourquoi cela les gênerait-il d’être tués, après tout ?), mais parce que cela n’est « pas forcément anodin pour la personne qui fait le geste ». Encore et toujours, l’être humain passe avant les autres animaux. On peut se douter que si la journaliste avait pu voir les mises à mort par gazage, cela non plus ne lui aurait pas semblé anodin.

Les limites du « Remplacement »

Quant au « remplacement » par des méthodes non animales mentionné en début d’article avec les organoïdes[2], on peut effectivement se réjouir des petites avancées et recommander (comme le fait l’UFC-Que Choisir) « un budget important accordé aux méthodes substitutives ». Mais il reste le problème de fond, qui révèle toute l’hypocrisie des 3R quand ils servent à justifier des mots comme « irremplaçable » ou « nécessaire ».

En effet, si on ne peut pas trouver les mêmes résultats avec une autre méthode, le Remplacement passe à la trappe. Personne n’a la charge d’évaluer la possibilité de rediriger l’argent prévu pour ces recherches vers des campagnes de prévention, des recherches épidémiologiques ou cliniques[3], de meilleurs remboursements de soins connus ou des accompagnements socioéconomiques des personnes à risque.

Sans prétendre qu’il soit possible de modéliser sur ordinateur ou dans des cultures de cellules des troubles comportementaux ou cognitifs complexes, on peut se demander ce qui cherche à être remplacé : veut-on savoir ce qui motive les rats à s’injecter des doses de cocaïne, ou veut-on chercher à comprendre et à aider les personnes souffrant d’addiction ? Veut-on voir comment des rongeurs reconnaissent leurs congénères dans diverses situations, ou veut-on aider les personnes atteintes de troubles dégénératifs de la mémoire ?

Malheureusement, si l’argent a été prévu pour la recherche expérimentale, alors il restera dans la recherche expérimentale, même s’il serait mieux dépensé ailleurs.

Pourquoi autant d’erreurs dans les médias ?

Au-delà même de ces aspects techniques ou éthiques et du mépris implicite des intérêts des animaux, on s’explique difficilement comment des médias continuent de répéter des erreurs depuis longtemps expliquées par nos soins.

Quand le ministère de l’Agriculture énonce lui-même des contre-vérités sur son site web concernant les résultats des inspections, on comprend mieux le problème et il nous faut à nouveau restituer la vérité : non, les contrôles par les services vétérinaires n’aboutissent pas, « dans plus de 80 % des cas, à un satisfecit ». Tout simplement parce que les établissements qui obtiennent les notes A et B lors des contrôles présentent la plupart du temps au moins quelques non-conformités mineures ou moyennes, dont certaines sont pénalisables d’après l’article R. 215-10 du Code rural.

Dans d’autres cas, ce sont les journalistes qui font preuve d’une complaisance difficilement compréhensible envers les services publics : comment expliquer dans cet article de l’UFC-Que Choisir que la proportion d’inspections inopinées en 2019 en France (25 %) soit comparée à la moyenne européenne de 2013 à 2017 (40 %), période au cours de laquelle la France est passée de 6 à 17 % d’inspections inopinées ?

Enfin, les sujets sont parfois trop complexes, ou les informations trop cachées pour être trouvées sans les demander spécifiquement aux spécialistes. Quand l’UFC-Que Choisir affirme qu’on « ignore » si l’exigence par l’Agence européenne des produits chimiques de tests sur des animaux pour des ingrédients cosmétiques « restera l’exception », c’est en fait la journaliste qui ignore qu’un article publié en 2021 a déjà répondu à cette question. Sur les 419 ingrédients exclusivement cosmétiques enregistrés par cette agence, 63 ont impliqué des tests sur des animaux vivants depuis les interdictions de 2009 et 2013. Et il ne faut pas oublier les milliers d’ingrédients multi-usages qui sont testés dans d’autres cadres, ou la commercialisation internationale, qui justifient largement l’existence des certifications « cruelty free » et de l’Initiative Citoyenne Européenne « Save Cruelty Free Cosmetics » (que nous vous invitons à signer pour atteindre le million de signatures d’ici le mois d’août).

Un début de solution…

On le savait déjà : l’expérimentation animale reçoit encore un traitement bien trop superficiel dans les médias, qui répètent les affirmations des uns et des autres sans jamais donner lieu à des débats en profondeur sur des points précis.

Il faut bien reconnaître que même en consultant les différentes parties d’un débat, même en tentant de réunir le plus d’informations possibles et de croiser les sources, rédiger un article de quelques paragraphes sans perdre la substance du débat ni risquer les contresens est un travail difficile. Et encore une fois, bien que One Voice ait été interrogée pour l’article de l’UFC-Que Choisir, cela n’a manifestement pas suffi.

On peut imaginer que la relecture des articles par les différentes personnes interrogées permettrait de vérifier que les éléments les plus importants ont bien été compris et pris en compte. Cela donnerait aussi la possibilité à chacune de ces personnes de répondre aux propos et aux idées des autres. Il s’agirait là d’un travail nettement plus long et difficile, mais on peut logiquement penser que le résultat en serait bien meilleur, que de nombreux biais seraient évités et que le public n’en serait que mieux informé.

Si vous voulez creuser le sujet de l’expérimentation animale ou mettre en place des débats, n’hésitez pas à nous contacter.

[1] « Remplacer » (par des méthodes sans animaux), « Réduire » (le nombre d’animaux utilisés, en particulier grâce à des méthodes statistiques), « Raffiner » (les conditions de détention des animaux en donnant à ceux-ci de quoi s’occuper, et les procédures expérimentales en utilisant des analgésiques et des méthodes moins invasives).

[2] Les organoïdes sont des modèles miniatures d’organes humains réalisés grâce à des cultures de cellules en trois dimensions pour reproduire les fonctions des organes, ce qui en fait l’une des voies les plus fertiles pour le remplacement de l’expérimentation animale.

[3] L’épidémiologie est un outil de base de la recherche en santé publique, qui consiste à étudier la répartition des problèmes de santé dans la population et à utiliser des modélisations statistiques pour mieux comprendre comment trouver des solutions préventives ou curatives à ces problèmes. La recherche clinique regroupe les études scientifiques impliquant des personnes humaines volontaires, ayant donné leur consentement libre et éclairé pour des recherches encadrées par des règles bioéthiques garantissant notamment le respect de l’intégrité de chaque personne.

Partager l'article