Des chiffres qui tuent…

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Expérimentation animale
17.02.2020
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Les statistiques européennes sur l’expérimentation animale annoncent plus de 22 millions de victimes animales dans les laboratoires européens ! Nous nous insurgeons.

Les statistiques européennes sur l’expérimentation animale ont été officialisées le 5 février par un rapport de la Commission1 , la dernière du genre, aux élus du Parlement européen. Six documents, des milliers de pages, et un vaste micmac dont les animaux sortent perdants. Que d’écrans de fumée pour masquer plus de 22 millions de victimes animales dans les laboratoires européens !

Les chiffres officiels de Bruxelles, compilant les données des 28 États membres en 2017, nous disent moins de 10 millions de victimes dans les laboratoires européens, 9,58 millions précisément.  

Nous le disons tout net : il s’agit-là d’une vision tronquée, cosmétique, et qui ne prend pas en compte l’ensemble des animaux utilisés de façon directe ou indirecte à des fins scientifiques ! La barre symbolique des 10 millions (ils étaient 11,5 millions en 2013) d’animaux utilisés dans diverses procédures a été artificiellement obtenue, car on a extrait de ce total tous les animaux génétiquement modifiés, présentés séparément, et tous les animaux réutilisés plusieurs fois. Mais pas seulement…
 

On ne tient pas non plus compte des expériences réalisées sur des formes fœtales alors que la Directive européenne les inclut dans son périmètre2. On écarte également les animaux tués pour prélever des organes et tissus, pourtant largement employés dans les recherches in vitro. Tous ressentent pourtant angoisse et douleur, et restent des victimes à part entière, non ?  

Et surtout on oublie un chiffre terrible, relevé par les scientifiques de l’ECEAE, la coalition européenne que One Voice représente en France : quelques 12,6 millions d’animaux élevés dans les laboratoires de l’Union meurent ou sont euthanasiés sans même avoir été « expérimentés », car trop vieux, malades ou simplement inutiles.
 

Comment jouer avec les données…

À force de retraitements statistiques et de changements de périmètre, aujourd’hui en Europe comme hier en France, les comparaisons sont impossibles, la réalité est masquée.

Un règlement européen3 introduit en juin 2019 a ainsi changé les normes de collecte des statistiques nationales. Résultat : c’est au mieux fin 2022 que nous disposerons de chiffres consolidés au nouveau format européen. Ils seront incomparables à ceux des années antérieures et peut-être d’ici là un nouveau périmètre viendra-t-il brouiller les chiffres anciens avec les actuels, et les futurs. Ce jeu de bonneteau sur les chiffres peut continuer à l’envi afin de rendre les pratiques illisibles pour le citoyen…

Les animaux souffrent plus !

D’autres mauvaises nouvelles ? Certes ! La proportion des animaux réutilisés dans plusieurs expériences consécutives, le pire cauchemar, reste stable (2 %). On voit aussi grimper le niveau des souffrances infligées dans les laboratoires : les procédures dites sans réveil ou avec douleur sévère, niveau le plus élevé, ont augmenté de 3 % entre 2016 et 2017. 17 % des animaux expérimentés dans les laboratoires européens sont soumis à ces procédures aux dommages irréversibles. C’est énorme, 429 000 animaux rien qu’en France en 2017 !
 

Les animaux restent donc la chair à canon de recherches « fondamentales » ou appliquée à des troubles ou diagnostics destinés aux humains (alors que 90% des résultats obtenus par expérimentation animale ne sont, in fine, pas transposables à notre médecine), ou pour des tests sur la toxicité de produits commerciaux qui engagent des méthodes létales dans plus d’un cas sur trois.

En France, 3e pays le plus tueur d’Europe, de peu derrière le Royaume-Uni et l’Allemagne, 126 comités d’éthique veillent au grain et font passer le message d’un respect accru des animaux. La preuve : Bruxelles relève pourtant qu’en 2017, aucun des 3 708 projets de recherche soumis en France aux comités d’éthiques n’a été refusé. De quoi douter de la vigilance de ces comités, qui fonctionnent souvent à huit-clos sans respect des règles de représentation des membres de la société civiles à leurs débats. 

Insupportable supercherie !

Le bien-être animal étant une valeur consacrée par l’article 13 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, l’Europe clame en objectif final « le remplacement total des procédures appliquées à des animaux vivants à des fins scientifiques ou éducatives », mais précise : « quand ce sera possible sur un plan scientifique ». Dans le même temps, la Commission a fait fondre le budget de l’unique organisme européen chargé de promouvoir des méthodes alternatives4…  Alors ne nous étonnons pas si les chiffres sont décevants, et surtout si la méthode employée révèle une façade en carton-pâte, derrière laquelle les pires horreurs perdurent pour le profit d’un système assassin.

Face à une vaste opération de désinformation, et parce que nous connaissons la souffrance à l’œuvre dans les structures de recherche ou chez leurs fournisseurs, comme l’élevage de chiens de Mézilles, One Voice reste d’autant plus mobilisée sur ce dossier noir de l’expérimentation animale !

https://ec.europa.eu/info/sites/info/files/com-2020-16-f1-en-main-part-1.pdf

2 Directive 2010/63/EU 
Règlement (EU) 2019/10102, OJ L 170, 25.6.2019, p. 115–127
4 L’EURL ECVAM avait un budget de 8 millions d’euros en 2016, de 6,5 millions en 2017…

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