Les pies bavardes

Les pies bavardes

02.07.2017
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Les capacités cognitives la pie eurasienne (pica pica) sont étudiées depuis une vingtaine d’année et apparaissent particulièrement développées.

Le comportement des oiseaux a toujours intéressé les scientifiques mais l’étude de leurs capacités cognitives est relativement récente. Chez la pie eurasienne (pica pica), ces compétences sont étudiées depuis une vingtaine d’année et apparaissent particulièrement développées.

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Les pies bavardes

Fiche sentience sur les pies bavardes / la pie bavarde

L’intelligence des pies

Même si le cerveau des oiseaux a évolué de façon très différente de celui des mammifères depuis plus de 300 million d’années, il utilise les mêmes mécanismes et la même connectivité qu’eux. Une étude de 2004 suggère que l’intelligence des corvidés, famille à laquelle appartient la pie, équivaut à celle des grands-singes (chimpanzés, orangs-outans et gorilles) en matière de cognition sociale, de raisonnement causal, de flexibilité mentale, d’imagination et de prospection (1). Les pies sont capables de comprendre leur environnement social et physique.

La conscience de soi chez les pies

La pie est la seule espèce d’oiseau capable de se reconnaître dans un miroir. Lorsqu’une marque est peinte sur sa poitrine, la pie montre un comportement spontané dirigé vers cette marque. Elle rejoint le club très sélect des animaux ayant une conscience d’eux même, parmi les grands-singes et quelques rares mammifères et prouve que le néocortex des mammifères n’est pas un prérequis pour la reconnaissance de soi (2).

Des études comparatives suggèrent que certaines espèces d’oiseaux ont développé des compétences mentales similaires à celles trouvées chez les humains et les grands-singes. Ce fait est prouvé par des exploits cognitifs tels que l’utilisation de l’outil, la mémoire épisodique et la possibilité d’utiliser sa propre expérience pour prédire le comportement de ses congénères.

La vie sociale des pies : le couple comme pivot

Chez les pies, l’unité sociale de base est le couple. Ce partenariat dure une vie entière jusqu’à la mort de l’un des deux compagnons. Le mâle et la femelle élèvent ensemble leurs petits et défendent leur nid, qui reste le même d’année en année. Une fois adultes, ils restent près de leurs parents quelques années et les aident à élever les nouvelles portées annuelles. Comme les pies sont très sédentaires, la famille peut rester ensemble pendant des générations.

La relation est établie et renforcée par le lissage mutuel des plumes et le partage de la nourriture. Le couple se soutient lors de combats contre des tiers. Il peut aussi s’intégrer dans une communauté sédentaire plus importante composée d’autres couples et de jeunes célibataires qui se rassemblent la nuit en vastes dortoirs. Cette vie sociale élargie permet des attaques concertées en groupe contre les prédateurs tels que le chat, le renard ou les rapaces.

Les pies se reconnaissent entre elles grâce à leurs vocalisations individuelles, véritables « signature ». C’est par ce moyen que les individus fortement liés, tels que les couples monogames, les frères et sœurs ou les parents et leurs enfants, apprennent à se reconnaître.

La mémoire épisodique chez la pie

Les pies sont des oiseaux très ingénieux. Elles suivent les prédateurs avec l’espoir de ramasser les restes, vont chercher les insectes sur le dos des vaches, des moutons et des sangliers ou volent la nourriture stockée par d’autres oiseaux. Leur régime alimentaire varié comprend insectes, petits mammifères, petits oiseaux sauvages, oisillons, œufs, mais aussi graines, fruits et noix. Elles se nourrissent fréquemment des petits animaux tués sur les routes, mais elles peuvent aussi se rassembler autour des carcasses de plus grands animaux. Leur odorat est extrêmement développé en ce sens – une caractéristique assez rare chez les oiseaux. Les aliments peuvent être stockés dans des arbres, des buissons ou des trous peu profonds que les pies creusent dans le sol. Elles sont capables de les retrouver notamment grâce à leur mémoire épisodique ; le processus par lequel elles se souviennent des évènements vécus avec leur contexte.

Les invertébrés morts que la pie a dissimulés deviennent rapidement immangeables, contrairement aux noix. L’oiseau doit donc tenir compte de la nature de l’objet qu’il cache pour le récupérer au moment convenable. Certains corvidés, tels que les pies ou les geais, cachent ce type d’aliments régulièrement, en tenant compte de son caractère périssable dans le temps, tout autant que de sa localisation. Mais ce n’est pas le seul problème à régler : les pies s’observant entre elles, elles multiplient les fausses cachettes pour ne pas se faire dérober leurs proies ! Les pies disposent donc non seulement d’une mémoire épisodique mais aussi d’une « notion de l’avenir » à l’esprit (à savoir la planification du moment de la récupération) lorsqu’elles cachent leurs aliments et qu’elles agissent pour qu’on ne les voit pas faire.

Grâce à ces observations, les scientifiques ont pu confirmer que les pies possédaient une véritable notion de « permanence de l’objet ». Elles ont en effet pleinement conscience de l’existence d’objets et ont surtout conscience qu’ils continuent d’exister même si elles ne les perçoivent pas via leurs cinq sens…

On sait que les pies aiment aussi rapporter des objets pour décorer leur nid. Une étude récente a cependant prouvé qu’elles ne choisissent pas nécessairement les objets brillants tels que les bijoux, mettant à bas la légende de la pie voleuse (6).

Le langage des pies

Les pies sont capables d’imiter la voix humaine, mais aussi l’appel d’un autre oiseau ou même le bruit d’un tracteur. Elles disposent également de toute une gamme d’appels spécifiques à certaines situations, comme par exemple l’irruption d’un rapace dans le ciel ou d’un renard au sol. Les autres espèces d’oiseaux tiennent également compte de ce cri d’alarme.
Des appels spécifiques pour l’attaque en groupe (mobbing) ou l’alerte ont été enregistrés en fonction du contexte. Ces cris ont été analysés pour déterminer si les appels utilisés communiquaient la nature du danger, l’identité du prédateur et les actions résultant de la présence du prédateur (par exemple, fuite ou attaque). Les résultats appuient l’idée que les pies varient la longueur des syllabes de leurs appels pour donner aux destinataires des informations sur la nature du danger et la manière appropriée d’y répondre. Des cris ont été diffusés pour déterminer si une forme d’appel suscite une réaction plus intense de la part des destinataires qu’une autre. Il a été constaté que les pies ont répondu à des appels avec plus de syllabes en s’approchant du haut-parleur, alors qu’elles s’en éloignaient quand l’appel comptait davantage de syllabes courtes (7). 

Les couples de pies partagent aussi des vocalisations qui peu à peu convergent vers la même structure d’appel. Ce partage vocal est particulièrement frappant au sein des groupes de pies australiennes, qui développent un type de vocalisations particulier à ce groupe, à la manière d’un dialecte (4).

Le deuil et le chagrin chez les pies

Le Dr Bekoff, de l’Université du Colorado, a pu observer quatre pies qui se tenaient à côté du cadavre de l’un de leurs congénères. « La première pie approche le corps et le picore délicatement, tout comme un éléphant le ferait avec sa trompe sur le cadavre d’un autre éléphant. Puis elle recule et une autre pie vient prendre sa place pour picorer à son tour », raconte-t-il. « Ensuite, l’une des pies s’est envolée, a ramené un peu d’herbe et l’a déposée sur le cadavre. Une seconde pie a fait de même. Toutes les quatre se sont tenues immobiles, attentives pendant quelques secondes, avant de partir une par une » (3).

RÉFÉRENCES:

1. L’intelligence de la pie

http://rstb.royalsocietypublishing.org/content/361…

2. Le test du miroir chez la pie

http://journals.plos.org/plosbiology/article?id=10…/journal.pbio.0060202#pbio-0060202-g002

3. Rituel de deuil chez la pie 
http://www.dailymail.co.uk/sciencetech/article-122…

4. La vie sociale des pies 
http://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/j.1474-…

5. Development of object permanence in food-storing magpies (Pica pica).

http://dx.doi.org/10.1037/0735-7036.114.2.148

6. La légende de la pie voleuse 
 https://www.sciencenews.org/blog/wild-things/magpi…

7. Predators, risks and context for mobbing and alarm calls in magpies 
 http://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S…

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