Les éléphants

Les éléphants

02.07.2017
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L’éléphant, d’Afrique (genre Loxodonta) ou d’Asie (Elephas maximus), est le plus gros des mammifères terrestres. Animal à la vie sociale complexe, son intelligence aiguë et une grande sensibilité font de lui un être exceptionnel.

L’éléphant, d’Afrique (genre Loxodonta) ou d’Asie (Elephas maximus), est le plus gros des mammifères terrestres. Animal à la vie sociale complexe, son intelligence aiguë et une grande sensibilité font de lui un être exceptionnel.

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Les éléphants

Fiche sentience sur les éléphants / l’éléphant

Cerveau et intelligence

D’un poids de 5 kg, le cerveau des pachydermes est plus grand que celui de n’importe quel autre animal terrestre ayant jamais existé… Mais c’est le poids du cerveau à la naissance qui détermine la capacité à apprendre.

Le cerveau d’un éléphant nouveau-né est à environ 35 % de son poids adulte, ce qui annonce une période de développement prolongée durant laquelle l’empreinte de l’environnement social et environnemental agira significativement sur la microstructure neuronale. Chez le nouveau-né humain, ce chiffre est de 28 %, contre 54 % chez le jeune chimpanzé et 90 % chez le veau. L’hippocampe occupe environ 0,7 % des structures centrales du cerveau de l’éléphant, contre 0,5 % chez l’humain et 0,1 % chez le dauphin de Risso. Cette zone du cerveau est essentielle à l’émotion et à l’apprentissage. Elle joue un rôle majeur dans les capacités de rationalisation. Elle est liée à la mémoire, notamment spatiale, dont on sait qu’elle est extraordinairement développée chez les éléphants.(1)

De plus, à l’image des cétacés, des humains et des autres grands singes, le cerveau des éléphants contient des neurones von Economo, responsables de l’empathie et de la vie sociale.(2)

Vie sociale

Jeannin, en 1947, est le premier scientifique à souligner que trois tendances dominent la vie psychique des éléphants : ils sont intelligents, sociables et portés plus que les autres mammifères à des sentiments familiaux.(3)

Une famille d’éléphants est dirigée par une matriarche, l’éléphante la plus âgée et la plus expérimentée du troupeau. La société matriarcale s’articule autour de ses filles, de ses demi-soeurs et de leurs enfants.

L’unité familiale de base compte de six à douze membres. Un ou deux mâles adultes peuvent être de passage ou rester en périphérie du groupe. C’est ce contact étroit et ces échanges constants qui permettent au reste des éléphants d’acquérir les connaissances qui leur sont nécessaires.

Les jeunes éléphants mâles grandissent au sein de la société des femelles. Ils participent aux nombreux événements sociaux qui affectent leur famille, bien qu’avec un moindre intérêt que leurs soeurs du même âge.

Les adolescents quittent leur famille natale entre 9 et 18 ans – un processus long et difficile qui peut prendre de un à quatre ans. Ils doivent alors apprendre une série de nouvelles règles fondées sur le rang et la force de chacun des autres mâles des environs. Le passage de l’univers douillet de la famille maternelle à cette société plus dure se fait donc progressivement, sur une période de huit ans ou plus.

Les mâles adultes devenus indépendants se déplacent en petits groupes d’amis, cependant moins liés que les femelles. Pendant les périodes sexuellement actives, ils se déplacent d’un groupe familial à l’autre à la recherche de femelles réceptives. Les interactions avec les membres de leur propre famille sont douces et courtoises, mais rarement plus. Une fois qu’un mâle a localisé une femelle réceptive et qu’il a pu écarter ses rivaux, il restera à ses côtés deux ou trois jours avant d’en chercher une autre.

Même lorsque les familles se scindent et se séparent, elles gardent des contacts étroits. Cela inclut notamment le fait de voyager ensemble sur de longues distances. Ces groupes liés ont été nommés « bond groups » par Joyce Poole et Cynthia Moss. Ces bond groups forment eux-mêmes des unités plus vastes nommées « clans ».

Après un certain laps de temps déterminé par des influences environnementales et sociales, une partie du groupe se séparera pour former une nouvelle famille. La cause peut en être des tensions au sein du groupe entre deux individus, ou bien des ressources en diminution. Lorsqu’une matriarche meurt, c’est le plus souvent l’une de ses descendantes parmi les plus âgées et les plus expérimentées qui guidera le groupe.(4)

Empathie et solidarité

Les soins maternels chez les éléphants sont exceptionnellement intenses. Le jeune est l’objet de toutes les attentions. Mais la compassion ne lui est pas réservée ; tous les autres membres de la harde en bénéficient. Ainsi, on a pu observer un troupeau d’éléphants africains qui marchait plus lentement pour ne pas laisser derrière lui l’un de ses membres à la jambe cassée et mal ressoudée. Et un autre parce qu’une femelle en deuil portait son enfant mort. Un éléphant adulte a également été vu essayant avec persévérance de sortir un bébé rhinocéros coincé dans la boue.

Dans les années 1970, aux États-Unis, une éléphante d’Asie du nom de Bandula parvenait toujours à se libérer de ses chaînes, quel que soit le système utilisé. Elle aidait ensuite les autres éléphants à s’échapper et, ensemble, ils prenaient la fuite en faisant attention à ce que personne ne les voie.

Il existe un grand nombre de témoignages similaires. Ils nous révèlent une créature qui pleure, se réjouit ou se met en rage, laissant présumer l’étendue de la capacité émotionnelle de l’éléphant.(5)

Usage d’outils

Les éléphants utilisent les branches comme outils, notamment pour construire des barrages sur les rivières et faire ainsi monter le niveau d’eau afin de faciliter leur baignade. On les a aussi vus creuser un trou au bord d’un étang d’eau croupie afin d’obtenir une eau plus pure. En Asie, on a pu observer des éléphants captifs remplir de boue la cloche que leur soigneur leur avait mise autour du cou afin de pouvoir aller manger les bananes de la plantation voisine en toute discrétion, sans que le son de la cloche signale leur activité.

On en a vu également creuser des puits pour boire de l’eau, puis arracher l’écorce d’un arbre, la mâcher pour en faire une sorte de bouchon, refermer le trou avec cette boule ligneuse puis recouvrir le tout avec du sable pour éviter l’évaporation. Ainsi pouvaient-ils revenir plus tard pour se désaltérer. Les éléphants se servent couramment de branches en guise de chasse-mouches ou de gratte-dos. Certains ont été observés en train de poser de grosses pierres sur une clôture électrique afin de la faire s’effondrer et de couper l’électricité pour pouvoir passer.(6)

Résolutions de problèmes

L’effet « eurêka », c’est-à-dire la découverte soudaine d’une solution à un problème, est une expérience humaine courante. La résolution spontanée de problèmes sans phase antérieure d’essais et d’erreurs a été appelée « perspicacité » chez les humains et d’autres animaux.

Trois éléphants d’Asie (Elephas maximus) ont été soumis à un test afin de voir s’ils utiliseraient des bâtons ou d’autres objets pour obtenir des aliments placés en hauteur, hors de leur portée. Sans préalable, un premier éléphant d’Asie mâle âgé de 7 ans a spontanément résolu le problème en déplaçant un grand cube en plastique, sur lequel il est monté pour atteindre la nourriture. Lors de tests supplémentaires, il a fait preuve de souplesse comportementale en utilisant cette technique pour atteindre d’autres objets et en déplaçant le cube pour s’en servir comme outil. En l’absence du cube, il a généralisé cette technique d’utilisation d’outil à d’autres objets similaires. Lorsqu’on lui a donné des objets plus petits, il les a empilés pour tenter d’atteindre la nourriture. Le comportement global de l’éléphant était cohérent avec la définition de la perspicacité.

Des expériences antérieures avaient pourtant conclu à un échec. Elles imposaient aux éléphants de tenir directement le bâton, ce qui interférait avec le rôle olfactif de la trompe, biaisant les résultats.(7)

Conscience de soi

Un miroir de 2,5 m a été placé dans l’enceinte des pachydermes au zoo du Bronx à New York. On a ensuite observé les réactions de trois éléphants face à lui. La première question était de savoir s’ils salueraient leur reflet comme s’ils rencontraient une autre personne, ou s’ils ne commettraient pas cette erreur et utiliseraient le miroir pour s’inspecter eux-mêmes.

« Des éléphants avaient déjà subi le test du miroir, mais les études précédentes utilisaient des miroirs relativement petits maintenus à l’écart des éléphants », a déclaré le Dr Plotnik. « Cette étude est la première à tester les animaux devant un énorme miroir qu’ils pouvaient toucher, contre lequel ils pouvaient se frotter et qu’ils pouvaient contourner pour en voir l’autre côté. »

Inspecter le miroir et essayer de regarder derrière – comme l’ont fait les éléphants du Bronx – est un autre indicateur de la conscience de soi. L’un des trois éléphants, du nom de Happy, a également passé avec succès le test de la « marque » peinte sur un endroit de son corps et qu’il ne peut voir que dans le miroir en la touchant de sa trompe tout en se regardant.(8)

Deuil et rituels funéraires

Les scientifiques qui étudient les éléphants ont observé d’innombrables cas d’éléphants tentant de ramener à la vie des membres de leur famille morts ou agonisants. La biologiste kenyane Joyce Poole, qui étudie les éléphants d’Afrique depuis 1976, déclare que l’attitude de ces animaux face à la mort de l’un des leurs « ne laisse que très peu de place au doute quant à leurs émotions profondes et leur compréhension de la mort. » 

Lorsque l’un des leurs décède, tout le groupe familial entoure et veille son corps, que l’on recouvre de feuillages et de branches brisées. Chacun vient doucement effleurer le mort de sa trompe et la troupe ne quitte le corps qu’à regret le lendemain.

Les observations montrent que les éléphants, comme les humains, se sentent concernés par des individus en détresse ou décédés. Ils portent assistance à leurs malades en essayant de les nourrir et montrent un intérêt particulier pour les cadavres de leur propre espèce, qu’ils leur soient ou non apparentés.(9)

Le langage et les éléphants

Une vie sociale aussi développée suppose un langage véritable passant par le toucher, l’odorat et la gestuelle, mais surtout par des sons.

Les sons

On pense aussitôt au barrissement lancé par la trompe, mais la plupart des sons produits par les éléphants proviennent de leur gorge et sont si bas qu’il nous est impossible de les entendre. En revanche, nous pouvons les enregistrer et les rendre audibles à nos oreilles. Ces infrasons sont tels que leurs vibrations transmises par la terre peuvent être entendues par d’autres éléphants au-delà de 5 kilomètres. Ils peuvent
ainsi s’avertir les uns les autres à longue distance d’un danger éventuel, ou bien faire savoir où se trouve de l’eau. En communiquant de cette façon, il est également possible pour une femelle de trouver un étalon, ou bien pour deux mâles en musth, de se tenir à l’écart de la route l’un de l’autre. Ils peuvent également appeler à l’aide ou simplement rester en contact.

Les éléphants dans un troupeau bavardent constamment. Une chercheuse américaine, Katy Payne, étudie le langage des éléphants depuis longtemps et commence à le comprendre. Elle a déjà identifié le son qu’un bébé éléphant émet pour dire à sa mère qu’il ne veut plus de lait, ou celui que poussent des éléphants surpris ou qui veulent en apaiser un autre. La matriarche lance un certain cri pour dire au troupeau de se lever ou de se réunir tous autour d’elle. Elle émet aussi d’autres vocalisations pour indiquer au mâle de rester très prudent quand il approche des femelles trop jeunes. Katy Payne espère déchiffrer toute la langue des éléphants afin qu’un jour les humains puissent communiquer avec eux.

Les éléphants sont très sensibles aux vibrations de la surface du sol. Le bourdonnement tellurique d’un éléphant frappant du pied ou celui d’un troupeau qui s’enfuit, peut être ressenti à des milliers de kilomètres de là. De cette façon, les éléphants sont probablement capables de se transmettre des messages tout en étant extrêmement éloignés les uns des autres. Une récente étude prouve aussi qu’ils entendent les orages de très loin et se déplacent dans leur direction pour profiter de la pluie.(10)

Un éléphant peut reconnaître les voix de centaines de congénères jusqu’à deux kilomètres de distance. Les membres de la famille disposent en particulier d’un vaste répertoire vocal et d’un réseau de communication exceptionnellement étendu. Il s’agit sans doute d’un phénomène unique dans le monde animal à l’exception des humains et des mammifères intelligents aux systèmes sociaux fluides, disposant de capacités de communication à très longue distance associées à la capacité mentale d’une reconnaissance sociale et individuelle étendue.(4)

Le toucher

Les éléphants sont des animaux d’une extrême sensibilité tactile. Les interactions tactiles se produisent dans un large éventail de contextes, agressifs, défensifs, affiliatifs, sexuels, ludiques, de prise en charge ou de comportement exploratoire.

Ils interagissent avec leur trompe, leurs oreilles, leurs pieds, leur queue et leurs défenses. Celles-ci sont bien sûr utiles dans les conflits mais aussi pour soulever doucement un bébé ou pour exprimer la solidarité pendant une cérémonie de salutation. Les oreilles sont utilisées pour les caresses ou le jeu. Les éléphants peuvent également frotter leurs queues l’une contre l’autre ou s’assurer doucement de la présence d’un nouveau-né au sol.

La trompe est quant à elle utilisée pour caresser, rassurer ou aider un bébé. C’est grâce à elle qu’on explore les organes génitaux, la bouche ou les glandes temporales d’un membre de la famille. Elle sert aussi à toucher et explorer les restes d’un éléphant mort, ou à toucher ou pousser un congénère pour jouer. Dans un contexte plus agressif ou défensif, un éléphant peut utiliser sa trompe pour frapper ou bloquer un adversaire, ou appeler à l’aide lorsqu’il fait face à un prédateur.

Les éléphants utilisent leurs pattes pour frapper le sol agressivement mais aussi pour caresser ou aider quelqu’un. Ils se servent de tout leur corps pour pousser ou se frotter sensuellement contre un congénère, que ce soit amical ou sexuel.

La vue

Bien qu’un certain nombre de gestes aient une visée tactile, la plupart envoient également un message visuel. Les éléphants utilisent de façon étonnante toutes les particularités de leur anatomie pour communiquer les moindres nuances de leur émotivité, y compris dans le cadre d’interactions interspécifiques.

Par exemple, un éléphant menaçant ou dominant indique son statut en se faisant plus grand qu’il n’est : il porte la tête haute au-dessus des épaules en écartant les oreilles, tandis qu’un éléphant subordonné garde la tête basse et les oreilles en arrière. Un éléphant effrayé soulève sa queue et son menton. Un éléphant socialement excité agite rapidement ses oreilles en écarquillant les yeux.

La richesse de la communication gestuelle des éléphants est telle qu’on établit aujourd’hui des bases de données pour les répertorier.(11)

Les éléphants et les humains

Des recherches menées à l’Amboseli National Park au Kenya ont permis de montrer que les éléphants peuvent différencier les langues humaines et réagir face à celles qui sont considérées comme des menaces.

Face à des voix d’hommes s’exprimant en langue Masai – des chasseurs potentiellement dangereux pour eux – les éléphants se regroupent et agissent en mode « alerte », quittant précautionneusement l’endroit où ils se trouvent.

En revanche, face à des voix d’hommes s’exprimant en langue Kamba – qui sont le plus souvent des fermiers ou des employés de la réserve et donc moins susceptibles de représenter une menace – les éléphants n’avaient pas l’air autrement perturbés.

Plus subtil encore : face aux voix d’enfants et de femmes s’exprimant en langue Masai, les pachydermes restaient également sereins.

Les chercheurs sont formels : leur étude suggère que les éléphants sont non seulement capables de différencier les diverses langues auxquelles ils sont confrontés, mais également d’adapter leurs réactions avec beaucoup plus de subtilité que d’autres espèces.(12)

De même, selon Pierre Pfeffer, tous les observateurs peuvent constater une différence de comportement d’un même éléphant selon qu’il se trouve à l’intérieur ou à l’extérieur d’une zone protégée. Il en connaît d’ailleurs parfaitement les limites grâce à l’expérience des anciens, irremplaçable mémoire collective du groupe familial.(3)

RÉFÉRENCES
1. Elephant are large brained.
https://www.elephantvoices.org/elephant-sense-a-so…

2. Von Economo Neurons in the Elephant Brain.
http://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/ar.2082…
;jsessionid=94A790B6BF8DD48E303E08D7F34A7FE1.f02t02
3. Pierre Pfeffer, Vie et mort d’un géant (1989).
4. Elephant Sense & Sociality.
https://www.elephantvoices.org/elephant-sense-a-so…

5. Elephant Emotions.
http://www.pbs.org/wnet/nature/echo-an-elephant-to…

6. Elephantine Intelligence.
http://www.natureinstitute.org/pub/ic/ic5/elephant…

7. Insightful Problem Solving in an Asian Elephant.
http://journals.plos.org/plosone/article?id=10.137…
/journal.pone.0023251
8. Elephants Recognize Selves in Mirror, Study Says.
http://news.nationalgeographic.com/news/2006/10/06…

9. Behavioural reactions of elephants towards a dying and deceased matriarch.
http://www.appliedanimalbehaviour.com/article/S016…
(06)00101-8/abstract
http://www.abc.net.au/science/news/stories/s149763…

http://www.abc.net.au/science/articles/2005/11/04/…

10. Elephant acoustic communication.
https://www.elephantvoices.org/elephant-communicat…

11. Elephant communication.
https://www.elephantvoices.org/elephant-communicat…

https://www.elephantvoices.org/multimedia-resource…

12. Elephants can determine ethnicity, gender, and age from acoustic cues in human voices.
www.pnas.org/cgi/doi/10.1073/pnas.1321543111

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