Oiseaux élevés pour la chasse, un scandale bien français
Et dire que ce sont nos impôts, reversés aux fédérations de chasse, qui financent l’élevage de ces faisans et perdrix, uniquement destinés aux « chasseurs du dimanche ». Un système inepte et cruel à tous les niveaux.
Des images désolantes
Les amoureux de la nature pourront vous parler de la majesté du faisan fourrageant dans les plaines, des joyeuses troupes de petits perdreaux filant derrière leur maman dans un champ en jachère. Rien de cette liberté dans les élevages d’oiseaux destinés à la chasse, où la logique est industrielle : insémination artificielle et chaînes de tri automatisées pour les poussins nés en incubateur, loin de leurs parents. Au prime âge, les oiseaux vivront dans le noir durant des semaines (l’obscurité limite les agressions dans les concentrations d’animaux grandissant au sol, jusqu’à 50 par m2). Au stade juvénile, il faudra appareiller leur bec de plastique contre les atteintes physiques dans ces élevages à haute promiscuité. Douleur de la perforation des cloisons nasales, gênes dans la déglutition, sont parfois mortelles.
Le bagne avant la mort
Après des semaines passées enfermés dans des bâtiments, les oiseaux sont remisés à l’extérieur. Nos images révèlent des batteries de cages et volières à perte de vue, où règne une forte odeur mêlant la putréfaction des animaux morts et les fèces des survivants. Les couples de perdrix sont en piteux état dans d’étroits boxes métalliques où ils suffoquent l’été, se mutilent entre eux ou en tentant, en permanence, de s’échapper. Les plumages, chamarrés dans la nature, sont ici ternes, dégarnis à force de picages entre détenus. Ces bagnards arborent la tristesse de leur destin.
La présence humaine est ténue, les oiseaux sont livrés à eux-mêmes dans un univers sans enrichissement, au nourrissage automatisé et chimique. L’herbe a disparu depuis longtemps sous les incessants allers-retours des faisans rendus fous par la captivité. La terre est nue, ceinte de grillages doublés de filets de protection. Se jeter contre le grillage ne sert à rien, mais c’est leur principale activité. Le pire concerne les mâles reproducteurs, qui ne quitteront leur clapier ou volière qu’après deux ou trois ans de service, premier et dernier envol…
Souffrance animale, business cruel
Depuis la fin des années 1950, on élève en France des animaux uniquement destinés à la chasse. Espèces parmi les plus tuées en France, faisans et perdrix en sont les principales victimes. 19 millions par an, relâchés sans besoin d’autorisation et guère de contrôles.
Or ces oiseaux, dont on travaille le profil génétique pour les rendre patauds et faciles à tuer, et qui seront relâchés après au moins 15 semaines d’élevage industriel, sont incapables de survivre dans la nature ! Face aux prédateurs, aux voitures, aux difficultés pour s’alimenter, aux maladies et bien sûr aux fusils qui les guettent, leur espérance de vie est très limitée. Alors, pour étoffer les tableaux de chasse, on perpétue, chaque année, cet immense et cruel gâchis.
Tout ce business va à l’encontre des besoins biologiques de ces oiseaux territoriaux, faits pour vivre sur de vastes espaces. Ici, privés d’interactions sociales pour apprendre une vie « normale », endurant, l’œil affolé, cette longue et terrible chaîne de « maturation », ils finiront violemment attrapés, entassés dans des caisses de transport livrées aux sociétés de chasse, pour y rester (au propre ou au figuré) de longues heures jusqu’au lâcher vers la mort. Que peut justifier cette souffrance organisée à la chaîne pour des millions d’oiseaux sensibles ? Le frisson de quelques nemrods ?
Un scandale bien de chez nous, qui n’honore ni les chasseurs ni les autorités qui regardent ailleurs…
#LaChasseUnProblèmeMortel : signez notre pétition, venez dire non lors de la grande manifestation unitaire pour une réforme radicale de la chasse, organisée par One Voice à Paris, le 5 octobre.
Sources : Office national de la chasse et de la faune sauvage, Syndicat national des producteurs de gibier de chasse (SNPGC), Enquête ASPAS, « De la cage au carnage », novembre 2018.