Les derniers bélugas de la prison des baleines

Les derniers bélugas de la prison des baleines

Delphinariums
02.11.2019
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Les 50 derniers bélugas de la prison des baleines devraient être relâchés bientôt en mer du Japon, au milieu de nulle part.

Les 50 derniers bélugas de la prison des baleines quitteront bientôt leurs enclos flottants de la baie de Srednyaya, même si jusqu’au bout leurs «propriétaires» ont tenté de les vendre aux parcs chinois. Embarqués à bord de deux navires, ils devraient être relâchés en mer du Japon, au milieu de nulle part.

Ils échapperont aux mâchoires de glace d’un nouvel hiver ainsi qu’à une mort lente au fond de quelque delphinarium chinois, mais leur destin suscite les plus vives inquiétudes.  
Si les 10 orques captives ont été libérées avec plus de sérieux, nous ne savons rien en revanche des baleines blanches déjà remises en mer depuis le mois de juin dernier. Au moins l’ont-elles été sur le lieu de leur capture, dans la baie de Sakhaline.

Rien de tel pour l’ultime contingent des 50 bélugas.

Entassés dans l’eau sale de containers minuscules par groupes de cinq ou six individus, ils seront abandonnés à près de mille kilomètres de leur territoire natal.
C’est en effet dans la baie d’Uspeniya que les deux navires de l’agence VNIRO les balanceront par-dessus bord comme des paquets encombrants, sans balise satellite ni aucun suivi, et sans la présence d’un observateur indépendant, refusée par VNIRO.
Que deviendront ces bélugas juvéniles, dont beaucoup ont été enlevés à leur mère lorsqu’ils n’étaient qu’à peine sevrés et qui sont donc privés de l’expérience nécessaire pour survivre en milieu sauvage ? Ils pourront se nourrir, certes, car le poisson est abondant dans la mer du Japon. Mais cette région est aussi infestée de braconniers nord-coréens qui y déploient leurs filets dérivants, malgré les raids fréquents des garde-frontières russes. Malheur aux bélugas qui seraient pris dans leurs rets !

Aucune chance pour ces ex-détenus de retrouver jamais le chemin de la mer d’Okhotsk dont ils proviennent. Et fort peu de chance de croiser des bélugas libres, car ceux-ci ne traversent la baie d’Uspeniya qu’en hiver, lors de leur migration vers le nord.

Pourquoi les avoir condamnés à des conditions de transport aussi cruelles, à une libération aussi bâclée ?

En raison des tempêtes d’automne qui bloquent la route de Sakhaline, prétend l’agence VNIRO.
Mais aussi parce que les bélugas n’ont pas le même prestige ni la même valeur marchande que les orques. Voilà des décennies que la Russie les vend à bas prix à la Chine, où les parcs marins poussent comme des champignons vénéneux.
Voilà des décennies qu’on les transporte d’un coin à l’autre de la Russie au fond de vieux camions déglingués, pour amuser les spectateurs d’un delphinarium ambulant.
Ceux-ci ne sauront jamais que ces clowns blancs si drôles quand ils crachent de l’eau ou se font chevaucher par un dresseur hilare, vivent en réalité au sein de sociétés paisibles et complexes, dotées d’un répertoire vocal d’une richesse inouïe, de traditions transmises de génération en génération et composées de familles aimantes soudées pour toute la vie.
Il reste moins de 4.000 bélugas sauvages dans les eaux glacées de l’Extrême-Orient russe. Et déjà 210 croupissent dans les seules geôles chinoises et nul ne sait combien encore au Japon, en Turquie ou en Russie même.

Alors, oui, cette ultime évacuation effectuée sans témoin est un scandale !

Car si les ordres de Vladimir Poutine ont bien été exécutés, comme à regret et en traînant les pieds, ce sera sans doute au prix de nombreuses victimes dont les cadavres couleront au large et ne seront jamais retrouvés.
À présent, il faut que les enclos de la prison des baleines restent vides pour toujours.
Il faut que la Russie renonce enfin aux captures d’orques et de bélugas, qu’elle est le dernier pays au monde à pratiquer encore, et que des lois strictes et claires l’y contraignent ! En appuyant les experts internationaux et les courageuses associations locales actives sur le terrain, One Voice mettra tout en œuvre pour tenter de l’en convaincre.

VNIRO (Institut fédéral russe de recherche sur la pêche et l’océanographie):  organisation de recherche créée il y a plus de 135 ans pour soutenir scientifiquement l’activité de la Russie dans le domaine de la gestion des pêches, la coordination de la mise en œuvre des plans et programmes des travaux de recherche sur les pêches.

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