Dans l’intérêt de Dumba, nous demandons le rapport du vétérinaire !
Depuis notre investigation auprès de Dumba dans le Gard début janvier, nous avons fait analyser les images à des experts des éléphants mondialement reconnus et sans lien d’intérêt avec nous. En parallèle, le parquet, saisi de notre plainte dès le 4 janvier, a commandité une expertise vétérinaire auprès de l’éléphante. Celle-ci a eu lieu vendredi 29 janvier, en présence de la presse. Nous demandons l’accès au rapport de l’expert, dans l’intérêt de Dumba.
Aussitôt après la visite du vétérinaire à Euzet, où Dumba est détenue dans le Gard, François Schneider, le procureur, a déclaré : « Le rapport de ce spécialiste indique que l’animal va très bien, il vit dans des conditions correctes. »
Nous demandons à Barbara Pompili la possibilité d’avoir accès au rapport de l’expertise vétérinaire. Car au regard du nombre d’évaluations obtenues auprès d’experts par One Voice (six !) et de leur concordance sur l’état de santé dégradé, les mauvaises conditions de vie et la détresse mentale de Dumba, il est important que toute la transparence soit faite à ce sujet. Et que la justice donne à l’association les moyens d’avoir un accès contradictoire à l’expertise faite chez l’exploitant.
S’il faut le rappeler, notre association défend les intérêts de cette éléphante. Ceux-ci sont forcément contraires à ceux de la personne qui l’exploite. Il y a urgence et nécessité à ce que l’intégralité de ce rapport puisse être mise à disposition des spécialistes qui ont attesté en faveur de Dumba. Lesquels, c’est important, n’ont aucun lien d’intérêt avec l’association.
La maltraitance, une question de concept
Nous affirmons que Dumba est maltraitée. Il faut s’entendre sur ce qu’on appelle maltraitance. Parle-t-on de maltraitance active ou de maltraitance passive ? Les deux sont tout aussi répréhensibles, et la seconde cause des dégâts tout aussi considérables. La maltraitance passive, ce sont des défauts de soins appropriés au besoin de l’animal, par exemple. Ce ne sont pas des coups, c’est ce qu’on ne voit pas. Or en France, il y a un vide juridique s’agissant du bien-être des animaux de la faune sauvage captive : il n’existe aucun guide référentiel précis sur les besoins des espèces. S’agissant d’éléphants captifs, la dernière littérature sur le sujet1,2,3 confirme qu’ils ont besoin d’évoluer librement sur plusieurs hectares, avec plusieurs congénères et qu’ils effectuent une transmission culturelle au sein de leur groupe. En être privés représente une maltraitance. À quoi s’ajoute ce qui est hors-la-loi : ne pas disposer d’abreuvement et de nourriture à disposition ni de chauffage…
Deux expertises supplémentaires de Dumba à partir de nos vidéos et de celles faites par les journalistes
Les deux expertises reçues dernièrement concordent, comme les quatre précédentes, sur les problèmes posturaux de Dumba et sur sa respiration, très préoccupante. Mais pour Scott Blais, PDG et co-fondateur du Global Sanctuary for Elephant, ses conditions de détention sont délétères et nuisent à son bien-être :
«Il est absolument évident que Dumba est détenue dans un établissement qui ne souscrit pas à son obligation de lui fournir des conditions de vie aptes à assurer son bien-être. Dumba doit être immédiatement retirée de cet endroit et placée dans un sanctuaire où elle pourra bénéficier de soins appropriés, d’un hébergement adéquat et d’évaluations médicales complètes.»
Margaret Whittaker, présidente et consultante en comportement animal chez Creative Animal Behavior Solutions va plus loin, et ajoute même un paragraphe sur le dressage :
«Les vidéos ne me permettent pas de déterminer avec quels outils Dumba a été dressée, mais le domptage traditionnel ou « contact libre » (FC) est certainement la méthode qui a été employée au vu des gens qui l’entourent et dirigent ses mouvements. Cette formation traditionnelle est basée sur le renforcement négatif (NRT), ce qui est manifeste dans la vidéo d’interview lorsque les gens la maintiennent à distance, la tirent et la poussent, ce qui, par définition, est du NRT.»
Nous demandons de la transparence dans la procédure
Dans cette affaire, nous avons un rôle de contre-pouvoir et celui-ci doit s’exercer, pour vérifier ce que le vétérinaire commandité par le parquet d’Alès a dit.
Or si l’on en croit les journaux, le rapport de ce dernier va au rebours des six que nous avons versés au dossier, obtenus d’experts des éléphants à travers le monde, indépendants et objectifs. Le vétérinaire qui vient de faire une inspection est-il lui aussi un expert des éléphants ? Ou, comme pour Micha, un spécialiste des équidés, ou, comme pour Maya, des chiens et des chats ?…
A-t-il radiographié les pieds si douloureux de Dumba ? Opéré des prélèvements pour comprendre la source de ses inquiétantes difficultés à respirer ? Autant de faits signalés dans les six expertises.
Dumba est un être intelligent, grégaire et socialement complexe. Être privée de tout depuis quarante ans n’est certainement pas une raison pour que sa situation perdure. Elle ne doit ni être détenue dans un camion, ni sous une tente de fortune. Ou bien si on nous explique que c’est possible, envoyons tous les animaux sauvages détenus dans les cirques, dans les jardins d’Euzet.
Pour soutenir Dumba, vous pouvez signer notre pétition pour la placer dans un sanctuaire.
Sources :
1/ https://theconversation.com/the-neural-cruelty-of-captivity-keeping-large-mammals-in-zoos-and-aquariums-damages-their-brains-142240
2/ https://www.huffingtonpost.fr/pierre-sigler/animaux-culture-sociologie_b_6499768.html
3/ La 23 ème résolution adoptée lors de la 11 ème Conférence de la Convention des Espèces Migratrices a reconnu « qu’un certain nombre d’espèces mammifères socialement complexes, telles que plusieurs espèces de cétacés, de grands singes et d’éléphants, montrent qu’elles ont une culture non humaine ».