

Loups en Saône-et-Loire : refuser la cohabitation, c’est choisir la régression
La publication récente de la lettre ouverte de la FDSEA de Saône-et-Loire au préfet nous ramène tristement à une époque où l’unique réponse aux défis de la nature était l’extermination. Alors que le dernier rescapé a été tué en février (dans des conditions douteuses qui font toujours l’objet d’une enquête et pour lesquelles nous avons déposé plainte), voilà qu’un nouvel individu aurait été repéré et immédiatement, les vieilles rengaines fusent : « Il faut l’abattre ». Aucune réflexion, aucun recul, aucune volonté de construire une coexistence durable. Juste le réflexe pavlovien du fusil.
Photo : OFB
Depuis leur retour en Saône-et-Loire en 2019, tous les loups qui s’y sont installés ont été abattus les uns après les autres : en 2020, 2021, 2023. Le dernier a été retrouvé mort de manière suspecte en février 2025. Malgré tout, un nouvel individu vient d’être aperçu en ce mois de mai dans le département : preuve que l’abattage n’a aucune efficacité, que la cohabitation est la seule solution.
Protéger les animaux d’élevage ? Impensable pour les lobbys agricoles
Certaines communes ont été classées en cercle 1 (zone d’éligibilité à la mesure de protection des troupeaux), permettant ainsi aux éleveurs de bénéficier d’aides financières pour les mettre en place : chiens, parcs électrifiés, gardiennage renforcé, etc. Mais au lieu de saisir cette opportunité pour repenser leurs pratiques, les syndicats agricoles préfèrent demander… un déclassement ! En clair, ils refusent les aides pour ne pas avoir à prendre leurs responsabilités par rapport à leurs troupeaux. À ce stade, ce n’est plus de la négligence, c’est un sabotage délibéré de toute politique de cohabitation.
Le discours est limpide : pas de compromis, pas de dialogue, pas d’évolution. Juste l’extermination pure et simple des loups, espèce pourtant protégée au niveau européen et dont le retour en France est à la fois un signal fort de la restauration des écosystèmes et un test crucial de notre capacité à vivre en harmonie avec le monde sauvage.
Refuser les dispositifs existants, c’est instrumentaliser la souffrance animale à des fins idéologiques. C’est jouer la carte de la peur pour maintenir un modèle agricole qui refuse toute remise en question. Crier à la détresse psychologique face à des cadavres de brebis n’est pas acceptable quand, dans le même temps, on refuse les responsabilités qui sont les siennes.
Nous le redisons haut et fort : la présence des loups n’est pas une menace, c’est un défi. Un défi à notre intelligence collective, à notre capacité d’adaptation, à notre sens de la responsabilité envers la biodiversité. Tuer ce loup ne résoudra rien. D’autres viendront, comme l’histoire l’a prouvé depuis 2019. C’est un leurre de croire qu’on peut éradiquer une espèce protégée à coups de dérogations et de pressions politiques. En revanche, mettre en place des parcs électrifiés, avoir des chiens et être physiquement présent sur place pour les uns, accompagner les éleveurs pour les autres, et préserver le vivant pour tous, voilà un chemin qui a du sens.
Nous appelons donc les pouvoirs publics à ne pas céder à la pression des lobbys agricoles les plus rétrogrades, à maintenir les communes en cercle 1 et à l’élargir à d’autres, à renforcer les aides à la protection et, surtout, à mener une politique fondée sur la science, le droit et l’éthique. Le vivant ne se gère pas à la carabine. Il se respecte.