Les chats

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25.05.2018
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Depuis environ quatre mille ans, chats et humains partagent leurs vies. Ce n’est cependant que récemment que les chercheurs ont commencé à s’intéresser à leur vie mentale et émotionnelle, pourtant particulièrement complexe…

Depuis environ quatre mille ans, chats et humains partagent leurs vies. Ce n’est cependant que récemment que les chercheurs ont commencé à s’intéresser à leur vie mentale et émotionnelle, pourtant particulièrement complexe…

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Les chats

Fiche sentience sur le chat / les chats

LA VIE SOCIALE DES CHATS

La vie sociale d’un chat débute très tôt lors des premières interactions avec la mère et les autres chatons de la portée. Il existe une période sensible entre 2 et 7 semaines au cours desquelles la fréquence des contacts influencera les liens sociaux.1
La sociabilité d’un chat dépend directement de son environnement et de son expérience.
Ainsi, les chats sans abri forment des colonies dont la taille dépend de l’abondance des ressources. Comme ceux qui ont un foyer, ils ont des relations préférentielles avec certains congénères, avec lesquels ils vont plus fréquemment se toiletter ou montrer plus de proximité, tandis qu’ils seront agressifs avec d’autres. La sociabilité des chats se manifeste au-delà de leur espèce et de leurs compagnons humains, notamment avec les chiens avec qui ils partagent leur famille.
Ces relations interspécifiques sont aussi directement influencées par les expériences acquises dès le plus jeune âge. Par exemple, si un chat n’a pas eu de contact avec les humains entre la 4e et la 8e semaine de sa vie, il aura beaucoup de difficultés, voire sera incapable de créer des liens avec eux.
À l’inverse, comme l’a démontré Denis Turner, l’un des plus grands spécialistes des relations humain/chat, plus les chatons sont caressés et manipulés, plus ils se montreront affectueux et attachés aux humains.2,3

Des contacts précoces avec les chatons ont aussi des conséquences physiologiques sur leur développement. Meier, en 1961, a prouvé que les chatons approchés et manipulés dix minutes par jour par des humains avaient un développement plus précoce que les autres. Leurs yeux s’ouvraient un jour plus tôt et ils quittaient le nid trois jours avant ceux qui n’avaient pas eu de contact.4

Selon John Bradshaw, de l’université vétérinaire de Bristol, le « cerveau social » du chat change de façon soudaine à l’âge de huit semaines environ, après quoi il est pratiquement impossible de changer quoi que ce soit à ses affinités sociales.

LE MONDE SENSORIEL DES CHATS

De toutes les études qui ont été menées sur les chats, celles portant sur leurs perceptions et leurs sensations sont les plus nombreuses.5
Ces recherches ont démontré à quel point les expériences sensorielles influencent le développement du cerveau et la perception dès le plus jeune âge.
Ainsi, un environnement pauvre, dépourvu de stimuli, affectera la perception des chats toute leur vie.

L’odorat et le toucher sont opérationnels dès la naissance et sont des facteurs clés dans l’initialisation des interactions. Les chatons peuvent reconnaître l’odeur de leur nid et émettre des vocalisations de détresse lorsqu’ils sont en présence d’une odeur « non familière ». Dès le plus jeune âge, c’est par l’odorat qu’ils reconnaissent les individus faisant partie de leur groupe social. Tout au long de leur vie, c’est aussi par l’odorat qu’ils reconnaîtront les individus de leur espèce, qu’ils définiront leur territoire et identifieront les humains.

Le marquage est très important chez les félins. Grâce à la présence de glandes spécifiques, les chats déposent des odeurs et des phéromones qui servent à l’organisation territoriale et sociale de leur espèce.
Il existe différents types de marquages comme le marquage territorial, regroupant le marquage urinaire et les griffades, le marquage d’identification ou de familiarisation (marquage facial), et le marquage d’alarme. Les marques territoriales signalent la présence du résident à d’autres chats et délimitent ainsi son territoire. Lorsque le chat frotte sa tête, depuis la commissure des lèvres jusqu’à l’oreille, on parle de marquage facial. Le chat dépose ainsi des phéromones sur des objets ou sur d’autres êtres vivants (allomarquage) comme les humains. Ce comportement, qui sert à dessiner une carte olfactive de son environnement, est également source d’apaisement et contribue à son bien-être.

La vue et l’ouïe évoluent plus lentement au cours du développement du chat.
Les chatons commencent à s’orienter vers les stimuli auditifs entre le 11e et le 16e jour de leur vie, et vers les stimuli visuels seulement entre 16 et 21 jours.5

LES CAPACITÉS COGNITIVES DES CHATS

L’intelligence du chat, souvent opposée arbitrairement à celle du chien, est de mieux en mieux comprise, comme en témoignent des recherches récentes.

La mémoire épisodique

Dans une étude japonaise publiée dans Behavioural processes 6, 49 chats ont été soumis à des tests pour savoir si les chats sont dotés d’une mémoire épisodique : peuvent-ils se souvenir, comme les chiens ou les humains, d’informations liées à un événement passé précis ?
Dans cette expérience en deux phases, les chats ont accès à une pièce dans laquelle sont placées quatre écuelles.
Dans la première phase, les quatre écuelles contiennent de la nourriture. On les laisse explorer et accéder à seulement deux d’entre elles, puis on les fait sortir pendant 15 minutes. Lorsqu’ils reviennent, les quatre écuelles sont vides et le test montre qu’ils se dirigent vers les deux auxquelles ils n’avaient pas eu accès.
Dans la seconde phase, deux écuelles contiennent de la nourriture, une autre un objet non comestible, et la quatrième est vide. On les laisse explorer et manger la nourriture d’une seule écuelle, puis on les fait à nouveau sortir pendant 15 minutes.
Les chercheurs ont observé qu’à leur retour, les chats se dirigent vers l’écuelle dans laquelle ils n’ont pas mangé, d’une manière significativement plus fréquente.
Les chats sont donc capables de se souvenir des informations « quoi » et « où » à partir des informations collectées lors d’un événement passé unique. Pour Saho Takagi, une psychologue de l’université de Kyoto ayant participé à l’étude, les chats sont bien dotés d’une mémoire épisodique. Celle-ci est liée à la fonction introspective de l’esprit. Cette étude démontre que les chats possèdent une certaine forme de conscience suggérant qu’ils puissent apprécier se souvenir de certains événements, comme en sont capables les humains.

Permanence de l’objet

Un grand nombre d’études sur le développement des capacités cognitives du chat testent la « permanence de l’objet », c’est-à-dire le fait d’attribuer une existence à un objet qui n’est plus visible et d’arriver à le situer dans l’espace en imaginant son déplacement. Elles montrent que les séquences de développement chez cette espèce sont différentes de celles observées chez les primates, humains compris.7 Si ce concept est considéré comme un jalon cognitif important pour les nourrissons humains, cela peut aussi être une capacité cognitive importante chez les animaux, en particulier chez des chasseurs tels que les chats.
Des chats ont donc été soumis au test de déplacement visible d’un objet et se sont avérés capables de réussir ce test dès leur plus jeune âge, entre le 28e et le 48e jour après la naissance.8
Cependant, s’ils sont soumis au même exercice sans voir le déplacement de l’objet, l’expérience est un échec. Selon Dumas (1992) 9, cela ne résume pas la limite de l’intelligence des chats puisqu’en adaptant le test à leur comportement de prédation, il a démontré qu’ils étaient bien capables de retrouver un objet qui a subi un déplacement invisible.

La mémoire de travail ou mémoire active 10

La mémoire active est un mécanisme sous-jacent important pour la permanence de l’objet. Pour examiner la durée de cette mémoire chez les chats, de nombreuses études ont été menées sur la réponse différée. Dans ces tests, on retient pendant un certain temps le chat avant qu’il n’aille à la recherche d’un objet attrayant que l’on fait disparaître. Selon les différents tests, les résultats démontrent que la mémoire active est efficace jusqu’à 30 secondes, au-delà desquelles la chance de retrouver l’objet est très minime.
Il semblerait que les chats aient adopté une mémoire à court terme et un apprentissage simple, logiquement adaptés, donc, aux besoins d’un chasseur territorial.

Relier les points

Les chats utilisent-ils les mêmes processus que le cerveau humain pour catégoriser des objets ? Des chercheurs ont constaté qu’à l’instar des humains, les chats étaient capables d’indiquer la différence entre les figures qui produisent l’illusion visuelle d’un carré et les autres 11. Ils sont aussi capables de distinguer les images dans lesquelles une variation de la texture donne des formes 10. Ils reconnaissent un oiseau sur une photo d’oiseau en négatif 12.

Juger de la taille des objets

On peut apprendre aux chats à choisir le plus petit parmi trois objets. Et si l’on diminue la taille de ces objets, les chats continuent à choisir le plus petit d’entre eux, ce qui démontre des processus de discrimi- nation élaborés.13

Classer les formes et trouver l’intrus

Des chercheurs ont constaté que les chats pouvaient classer des formes selon qu’elles étaient fermées, comme dans le cas d’un cercle ou d’un carré, ou ouvertes, comme dans le cas d’un L ou d’un U majuscules. On a appris à des chats, à l’aide de récompenses alimentaires, à trouver l’intrus quand on leur présentait des formes, par exemple deux triangles et un cercle 10. Cependant, cet apprentissage est plus long que pour des espèces comme les chimpanzés, et ils ont fait davantage d’erreurs.14

Juger d’une durée et compter 14

Les chats sont capables de juger de façon très précise les courtes durées. On a pu apprendre à des chats à distinguer des sons de 4 ou de 5 secondes. Ils apprennent aussi à différer leur réaction à un indice pour obtenir une récompense, avec une précision d’une seconde environ. Les scientifiques pensent aussi que les chats ont une conception abstraite des nombres, même s’ils n’ont pas encore pu voir un chat reconnaître un nombre plus grand que sept.

Un jouet est une proie 10

Des études ont porté sur la motivation des chats à jouer avec des objets. On a présenté à des chats des coussins de la taille d’une souris, recouverts de fausse fourrure et attachés à une section de cordon, ainsi que des jouets de la taille d’un rat recouverts de fausse fourrure.
Les chats jouent de façon subtilement différente selon qu’il s’agit d’un type ou de l’autre. Au lieu de tenir les « rats » dans leurs pattes de devant et de mordre dedans comme ils le font avec les « souris », ils les maintiennent à distance et les attrapent avec les pattes arrière, comme ils l’auraient fait avec un vrai rat. Quand leur premier repas de la journée était différé, ils jouaient de façon bien plus intense avec ces jouets. Selon John Bradshaw, cela prouve que les chats adultes croient vraiment qu’ils chassent quand ils jouent avec des jouets.

LA RELATION HUMAIN-CHAT

Les chats se seraient rapprochés des humains il y a plus de 4000 ans en Égypte. Il est peu probable que ce soit pour leurs talents de chasseur des petits rongeurs, car les Égyptiens faisaient plutôt appel à cette fin aux mangoustes, martres, belettes et surtout genettes. Une hypothèse serait plutôt que des chatons orphelins aient été recueillis et élevés par des femmes. Même s’ils ont certainement été tolérés et encouragés à se rapprocher des campements riches en souris et en rats, il est quasi certain que l’humain a joué un rôle actif dans leur domestication15 .

Aujourd’hui, si chats et humains partagent leurs vies, il est intéressant d’observer que le comportement du chat reste fortement corrélé à celui de son compagnon humain. Ainsi, d’après Denis Turner, « plus le propriétaire satisfait le désir d’échanges du chat, plus le chat satisfera par la suite les désirs de son propriétaire. Si son propriétaire ne répond pas aux sollicitations du chat, le chat ne répondra pas aux sollicitations de son propriétaire. C’est un exemple remarquable de partenariat et de réciprocité. C’est une véritable relation sociale entre les humains et les chats16. »

COMMENT LES CHATS RÉPONDENT-ILS AU COMPORTEMENT HUMAIN ?

La recherche commence à s’intéresser aux relations chat-humain et à la façon dont les chats répondent aux humains et communiquent avec eux.
Des chercheurs ont démontré que les chats étaient capables de suivre des indications gestuelles pour retrouver de la nourriture cachée sous des pots17. Dans la majorité des cas, lorsque les chats ne retrouvent pas la nourriture, ils vont chercher à résoudre le problème tout seuls, sans quêter l’aide de l’humain. Mais dans certains cas, ils recherchent le contact visuel pour attirer son attention.18
La référenciation sociale est la capacité d’un individu à utiliser les réactions émotionnelles d’autres individus pour évaluer des situations non familières ou difficiles et ajuster leur comportement en conséquence.19
Pour savoir si les chats sont en mesure de traduire nos états émotionnels, des chercheurs18 les ont testés en présence de leur compagnon humain et d’un stimulus non familier (ventilateur avec des rubans). Une fois mis en marche, l’individu regarde le ventilateur avec des expressions neutres, positives ou négatives, puis regarde son chat.
Les résultats de l’expérience ont montré que 79 % des chats exprimaient un comportement de « regard de référenciation » vers leur propriétaire au moins une fois. Les regards étaient plus fréquents lorsque ce dernier montrait une réaction négative, de même les comportements de fuite et les vocalisations du chat (signes de stress). Ces études montrent que les chats peuvent distinguer l’état émotionnel des humains et dans une certaine mesure, modifier leur comportement en réponse.

D’autres études montrent que les chats sont influencés par l’humeur des humains. Ils vont plus fréquemment engager des comportements d’allomarquage lorsqu’ils sont en présence de personnes d’humeur dépressive. De plus, ils vont plus facilement chercher à approcher des personnes actives et extraverties que des personnes au comportement apathique.20 Dans une étude parue dans Behavioural Processes, Kristyn Vitale, de l’université de l’Oregon, démontre que les chats sont plus intéressés par les interactions avec les humains qu’avec la nourriture.21
Dans cette étude, quatre catégories de stimuli (de la nourriture, des odeurs, des jouets et des jouets proposés par un humain) sont réparties dans une pièce dans laquelle on fait entrer chaque chat qui est à jeun depuis plus de deux heures. Sur 38 chats adultes testés, plus de la moitié se dirigent spontanément vers l’humain pour jouer ou être caressé.

Reconnaissance et communication verbale

Les chats sont capables de distinguer la voix de leur compagnon humain de celle d’un étranger.22
Les chats testés ont été soumis à des enregistrements de cinq voix humaines différentes appelant chacune le chat par son nom avec la même intonation que celle de leur gardien.
Dans ce test, le mouvement de la tête, des oreilles, la dilatation des pupilles, le déplacement du chat et ses vocalisations ont été observés. Ces réponses comportementales étaient bien distinctes selon que le chat entende la voix de l’humain qui lui est familier ou celle d’autres personnes, l’amplitude de la réponse étant toujours plus grande lorsqu’il s’agissait de la voix de son propriétaire.
Les chats reconnaissent donc bien la voix de l’humain dont ils sont le plus proche et modifient leur comportement en fonction de lui. Les auteurs soulignent qu’ils réagissent plus souvent par la gestuelle (mouvement des oreilles et de la tête) que par des vocalisations. D’autres études cherchent à démontrer comment les chats répondent aux vocalisations humaines dans différents contextes (situations nouvelles, nourrissage, jeu…).

Le miaulement

La vocalisation semble être un facteur clé dans la communication chez les chats. Les chatons possèdent au moins neuf types de vocalisations différentes et on en dénombre au moins seize à l’âge adulte.23
Des différences ont été observées entre les vocalisations entre chats féraux (retournés à la vie sauvage) et chats domestiques. Il semble donc que les interactions avec les humains influencent la communication vocale24. Ils ont appris à miauler pour pouvoir communiquer avec nous.
Les chats ont appris à varier la fréquence et la durée de leurs miaulements et à y inclure des claquements, des trilles, des grognements et autres éléments pour permettre à qui les entend de distinguer différentes significations.25

Le ronronnement

Le ronronnement est la plus reconnaissable des vocalisations félines. Aujourd’hui encore, sa fonction biolo- gique est peu comprise. Il peut apparaître dans diverses circonstances comme dans les interactions avec les humains, avec d’autres chats ou chatons.
Dans une étude, Karen Mccomb a découvert que la fréquence des ronronnements émis pour demander de la nourriture auprès de leur humain (ronronnement de sollicitation) était différente de celle des ronronne- ments émis pendant le repos26. La fréquence de sollicitation est plus haute et plus désagréable à l’oreille humaine, et s’apparente à celle émise par un enfant qui pleure.
Les chercheurs pensent que cette caractéristique est propre aux mammifères pour solliciter de la nourriture, mais aucune étude n’a été menée pour savoir si cette gamme de fréquence était aussi utilisée entre les chats adultes ou entre une chatte et ses petits.
De même, on ne sait pas si cette forme de sollicitation est consciente chez le chat ou émise de façon systématique.

COMMENT COMPRENONS-NOUS LES CHATS ?

Si le chat sollicite une réponse des humains, il a parfois des difficultés à se faire comprendre.12
Les émotions des chats sont difficiles à déchiffrer. Une étude italienne, menée par des vétérinaires, montre que la majorité des propriétaires de chats ne reconnaissent pas la gamme de signaux que le chat utilise pour montrer son stress. Les comportements du chat ne sont pas considérés comme un message à leur intention, un signal de ce qu’il faut faire. Selon l’auteure, Chiara Mariti, les propriétaires de chiens en savent beaucoup plus sur leur compagnon.

Attachement

L’attachement est un lien social affectif durable formé avec un individu spécifique.27
Afin de prouver que ces liens d’attachement peuvent exister entre les chats et leur compagnon humain, des chercheurs 28 ont observé leur comportement dans une pièce, soit en sa présence, soit en présence d’un individu étranger, en présence des deux ou bien tout seul.
Durant ces tests, les chats ont passé significativement plus de temps en contact ou à toiletter leur humain qu’avec un étranger. Le jeu a été observé entre les chats et leur gardien, mais jamais avec un individu autre. En présence de l’humain qui leur est familier, les comportements de locomotion et d’exploration des chats ont été beaucoup plus fréquents que lorsqu’ils étaient seuls ou avec un étranger. Et ils n’ont jamais été observés en train de suivre l’individu étranger alors qu’ils le faisaient avec leur propriétaire.
En présence d’un étranger, les chats avaient tendance à adopter davantage de comportements d’alerte et à passer plus de temps près de la porte.
Enfin, lorsqu’ils se retrouvaient seuls dans la pièce, ils étaient plus souvent inactifs et vocalisaient davantage. Les comportements observés dans cette étude sont considérés comme des indicateurs d’attachement dans le cadre du test de situation étrange d’Ainsworth, indiquant que les chats présentent des comportements d’attachement et forment des liens d’attachement avec leurs propriétaires.28
D’autres recherches doivent être entreprises pour déterminer quels facteurs influencent la formation du lien d’attachement et quels types d’attachement existent dans les relations chat/humain.

Une autre étude montre que la pression sanguine et le rythme cardiaque augmentent significativement lorsque les chats sont présentés à des humains avec lesquels ils ont un lien, par rapport à un étranger.
Cette réponse physiologique face à un bienfaiteur indiquerait une excitation due à un renforcement de l’histoire avec cet individu.26

L’anxiété de séparation

Si les chats peuvent former un lien d’attachement avec leurs propriétaires, on peut s’attendre à ce qu’ils éprouvent une anxiété de séparation.
L’anxiété de séparation est une condition psychologique liée à l’attachement, qui se produit chez de nombreuses espèces sociales. Elle entraîne un ensemble de réponses émotionnelles, comportementales et physiologiques.
Le degré de détresse manifesté par l’animal est directement lié à la façon dont l’animal est attaché à son compagnon. Schwartz (2002) a étudié 136 chats sur une période de 9 ans pour déterminer si les chats développent des signes cliniques d’anxiété de séparation (Syndrome d’Anxiété de Séparation). Il a constaté que certains d’entre eux manifestaient ce syndrome en affichant des signes cliniques tels que la miction et défécation, la vocalisation excessive, la destruction et le toilettage excessif.29

LA PERSONNALITÉ DES CHATS

Dans de nombreuses disciplines, des chercheurs ont commencé à explorer les différences individuelles dans le comportement animal, en utilisant divers termes tels que la personnalité, l’individualité, le tempérament, le caractère distinctif, le style comportemental ou encore le syndrome comportemental.

Selon Gosling (2001), la personnalité peut être définie comme « l’ensemble des caractéristiques des individus qui décrivent et représentent des modèles cohérents de sentiment, de réflexion et de comportement »30 ; en d’autres termes, l’étude de la personnalité est liée à l’étude de la stabilité comportementale à travers le temps et les contextes.31

Une idée étroitement associée est celle du tempérament, que Gosling décrit comme « des tendances héritées, apparaissant tôt et qui continuent tout au long de la vie et servent de fondement de la personnalité ». Dans ce cas, le tempérament peut être utilisé pour décrire les dispositions biologiques de l’animal.

Bradshaw et al. (2012) classent les différentes personnalités des chats en trois catégories : la première regroupe les chats sociables, confiants et faciles à vivre, audacieux et qui initient des interactions amicales.14 La seconde regroupe les chats timides, nerveux et hostiles. Enfin, la troisième catégorie de personnalité regroupe les chats agressifs.
Les chercheurs ont aussi associé différents comportements en relation avec ces traits de personnalité comme le fait de rester à l’intérieur du logement, de se frotter aux humains ou aux objets, ou d’explorer.

Apparition de la personnalité

Raihani et al. (2014) ont travaillé sur le moment où les chats commencent à exprimer leur personnalité. Entre chatons de la même portée, des différences de personnalité apparaissent dès le 5e ou 6e jour, et les chatons de 3 à 4 semaines montrent déjà des différences de comportement bien définies.32

D’autres études ont prouvé que les chats possédaient une personnalité stable, propre à des tranches d’âge. Ainsi les comportements qui ont trait à la gentillesse apparaissent entre le 3e et le 8e mois.

Influence de l’environnement sur la personnalité

Deux chercheurs (Durr et Smith, 1997)33 ont observé des chats d’abord dans leur environnement habituel, puis en les présentant à différents stimuli apportant des modifications dans leur structure sociale (isolement ou surpeuplement de l’espace habituel), mise en présence avec des objets en mouvement émettant des bruits plus ou moins forts, d’animaux non familiers (lapins) ou encore des stimuli intenses comme un aspirateur.
Malgré les changements dans leur environnement, le comportement des chats restait constant. Ceci prouve que la stabilité de l’environnement n’est pas cruciale dans le maintien de leurs réponses comportementales. Les auteurs concluent donc que « l’individualité est l’expression du tempérament inné et pas simplement l’expression des réponses liées à la stabilité de l’environnement de l’animal. »
Lorsqu’ils sont en groupe, les caractéristiques individuelles sont influencées par les relations sociales entre chats et donc aussi entre chat et humain.33

Influence de la génétique sur la personnalité

Une étude menée par D. Turner et ses collaborateurs laisse néanmoins supposer une influence génétique de l’héritage paternel sur la « gentillesse » d’un chat (la gentillesse étant décrite dans l’étude comme une tendance à approcher volontairement des gens).34




RÉFÉRENCES :

   Collard, R. R. (1967) : Fear of strangers and play behavior in kittens with varied social experience. Child. Dev., 38 : 877-891

   Karsh, E. B., Turner, D. C. (1988): The human–cat relationship. In Turner D. C., Bateson P. P. G. (éd.), The domestic cat: the biology of its behaviour, 1re éd., Cambridge University Press, Cambridge, pp. 157-177

   Turner, D. C. (2000): The human–cat relationship. In Turner D. C., Bateson P. P. G. (éd.), The domestic cat: the biology of its behaviour, 2de éd., Cambridge University Press, Cambridge, pp. 195-208

4    Meier GW (1961): Infantile handling and development in Siamese kittens, J Comp Physiol Psychol (54): 284-286

5    Vitale, K., Udell, M. (2015): What’s inside your cat’s head? A review of cat (Felis silvestris catus) cognition research past, present and future. Anim. Cogn., 18 : 1195-1206

   Takagi, S., Tsuzuki, M., Chijiiwa, H., Arahori, M., Watanabe, A., Saito, A., Fujita, K. (2017): Use of incidentally encoded memory from a single experience in cats. Behav. Process., 141 (pt 3)

7    Dumas, C., Doré, F. Y. (1991): Cognitive development in kittens (Felis catus): an observational study of object permanence and sensorimotor intelligence. J. Comp. Psychol., 105 : 357-365

8    Fiset, S., Doré, F. Y. (2006): Duration of cats’ (Felis catus) working memory for disappearing objects. Anim. Cogn., 9 : 62-70

9    Dumas, C. (1992): Object permanence in cats (Felis catus)—an ecological approach to the study of invisible displacements. J. Comp. Psychol., 106 : 404-410

10    One Voice (2016): La protection des chats en France, 38 pages

11    Bravo, M., Blake, R., Morrisson, S. (1988): Cats see subjective contours. Vision Research, 18 : 861-5

12    Turner, Dennis C., Bateson, P. et col. (2014): The Domestic Cat: The Biology of its Behaviour, 3e éd., Cambridge University Press

13    Bradshaw, J. (2013.): Cat Sense: The Feline Enigma Revealed, Allen Lane

14    Bradshaw, J., Casey, R. et Brown, S. (2012): The Behaviour of the Domestic Cat, Cabi Publishing, 2e éd., 2012

15    Serpell, J. (2000): Domestication and history of the cat, in: The domestic cat: the biology of its behaviour, édité par Dennis C. Turner et Patrick Bateson, 2nde éd., Cambridge University Press

16    https://thecatsite.com/ams/the-secrets-of-the-feline-human-bond.22445/
 
17    Miklosi, A., Pongracz, P., Lakatos, G. et al (2005): A comparative study of the use of visual communicative signals in interactions between dogs (Canis familiaris) and humans and cats (Felis catus) and humans. J. Comp. Psychol., 119: 179-186

18    Merola, I., Lazzaroni, M., Marshall-Pescini, S., Prato-Previde, E. (2015): Social referencing and cat–human communication. Anim. Cogn., 18(3): 639-648

19    Mumme, D. L., Fernald, A., Herrera, C. (1996): Infants’ responses to facial and vocal emotional signals in a social referencing paradigm. Child Dev., 67 : 3219-3237.

20    Rieger, G., Turner, D. C. (1999): How depressive moods affect the behavior of singly living persons toward their cats. Anthrozoos, 12 : 224-233.

21    Vitale, K., Mehrkam, L. R., Udell, M. A. R. (2017): Social interaction, food, scent or toys? A formal assessment of domestic pet and shelter cat (Felis silvestris catus) preferences. Behav. Process., 141, pp. 322-328.

22    Saito, A., Shinozuka, K. (2013): Vocal recognition of owners by domestic cats (Felis catus). Anim. Cogn., 16 : 685-690.

23    Moelk, M. (1944): Vocalizing in the house-cat: a phonetic and functional study. Am. J. Psychol., 57 : 184.

24    Yeon, S. C., Kim, Y. K., Park, S. J. et al (2011): Differences between vocalization evoked by social stimuli in feral cats and house cats.
Behav. Process., 87 : 183-189.

25
    Nicastro, N. (2004): Perceptual and acoustic evidence for species-level differences in meow vocalizations by domestic cats (Felis catus) and African wild cats (Felis sylvestris lybica), J. Comp. Psychol, 118, 287-296.

26    Mccomb, K., Taylor, A. M., Wilson, C., Charlton, B. D. (2009): The cry embedded within the purr. Curr. Biol., 19 : R507-R508.

27    Ainsworth, M. D. S., Bell, S. M. (1970): Attachment, exploration, and separation: illustrated by the behavior of one-year-olds in a strange situation. Child Dev., 41 : 49-67.

28    Edwards, C., Heiblum, M., Tejeda, A., Galindo, F. (2007): Experimental evaluation of attachment behaviors in owned cats. J. Vet. Behav. Clin. Appl. Res., 2 : 119-125.

29    Schwartz, S. (2002): Separation anxiety syndrome in cats: 136 cases (1991–2000). J. Am. Vet. Med. Assoc., 220 : 1028-1033.

30    Gosling, S. D. (2001): From mice to men: what can we learn about personality from animal research? Psychol. Bull., 127 : 45-86.

31    Debri, S.A (2017): Relations homme-chien, home-chat et personnalité, Thèse de doctorat en médecine vétérinaire, Créteil, ENVA, 108 pages

32    Raihani, G., Rodriguez, A., Saldana, A. et al (2014): A proposal for assessing individual differences in behaviour during early development in the domestic cat. Appl. Anim. Behav. Sci., 154 : 48-56.

33    Durr, R., Smith, C. (1997): Individual differences and their relation to social structure in domestic cats. J. Comp. Psychol., 111 : 412-418.

34    Turner, D. C. (2000): Human–cat interactions: relationships with, and breed differences between, non-pedigree, Persian and Siamese cats. In Podberscek, A. L., Paul E. S., Serpell J. A. (éd.), Companion
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