Galliformes de montagne : les connaître pour mieux les défendre Galliformes de montagne : les connaître pour mieux les défendre

Galliformes de montagne : les connaître pour mieux les défendre

Animaux sauvages
23.09.2025
France
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Six espèces de galliformes peuplent encore les hauteurs des montagnes françaises. Hôtes extrêmement discrets et furtifs, ces oiseaux sont des survivants des temps glaciaires. Aujourd’hui, leurs capacités d’adaptation touchent à leurs limites : ils s’éteignent peu à peu, oubliés de tous, en raison des pressions humaines. Nous nous battons pour eux, avant qu’il ne soit trop tard.

Cousins issus d’une même lignée ancienne, les Phasianidae, les galliformes de montagne ont su traverser les âges en défiant les rigueurs du froid et l’épreuve du temps. Ils partagent des caractéristiques communes : une biologie rustique, une silhouette ronde et trapue, des ailes courtes, des pattes robustes faites pour marcher ou courir plus que voler et un plumage mimétique qui les rend presque invisibles dans leur habitat. Pour autant, chacune des six espèces résidant dans nos massifs présente des spécificités distinctes et sa manière bien à elle d’appréhender l’alpinisme. Mais quels que soient leur mode de vie et l’altitude où elles se trouvent, toutes sont désormais menacées.

 

Gélinottes des bois, fantômes des forêts humides

Altitude : 800 à 1600 m

C’est dans l’obscurité tranquille des forêts mixtes que vivent les gélinottes. Quasiment invisibles, elles ne s’éloignent jamais de leur petit territoire et se nourrissent de bourgeons de bouleau, ainsi que de chatons de noisetier. Ombres feutrées, elles se déplacent sans bruit et ne laissent nulle trace. Peu adaptées aux milieux ouverts, elles souffrent notamment de la fréquentation humaine, de l’exploitation forestière trop brutale.

 

Grands tétras, colosses d’argile

Altitude : 1000 à 1800 m

Massifs et pouvant peser jusqu’à quatre kilos, les grands tétras sont les plus imposants des galliformes européens. Ils dépendent de forêts anciennes, calmes et non fragmentées. Chaque printemps, ils paradent dans un spectacle saisissant, repliant leurs ailes, soufflant, claquant du bec pour impressionner leurs rivaux. Mais leurs refuges se réduisent en raison des coupes forestières, des activités humaines et du réchauffement du climat. Ils ont déjà disparu des Alpes dans les années 1990. Seuls quelques groupes d’individus survivent encore dans le Jura, les Vosges et les Pyrénées, assiégés par les routes, les remontées mécaniques et les activités touristiques.

 

Perdrix grises des Pyrénées, résilientes des alpages

Altitude : 1200 à 2200 m

Avec la transformation des paysages, elles n’ont pu subsister que dans quelques rares vallées pyrénéennes où les pratiques pastorales ont su rester douces. Nichant au ras des herbes, elles dépendent d’une mosaïque de végétation et de l’élevage extensif pour nourrir leurs petits. Mais si le pastoralisme s’intensifie ou disparaît l’équilibre bascule : les prédateurs progressent, les couverts se ferment, les œufs sont piétinés. Elles vivent dans une étroite marge entre trop d’abandon ou trop de pression.

 

Tétras-lyres, acrobates des clairières

Altitude : 1200 à 2300 m

Chaque printemps, entre forêts et alpages, les mâles paradent rituellement dans les clairières, bombant le poitrail et déployant leur queue en forme de lyre. L’hiver, ils se cachent dans la neige, creusant une loge isolante pour économiser leurs forces. Ils font partie des galliformes les plus menacés par les dérangements anthropiques : ski de randonnée, raquettes, motoneiges, bruit… Chaque fois qu’ils fuient pour échapper aux humains, ils doivent puiser dans leurs réserves limitées.

 

Perdrix bartavelles, équilibristes des hauteurs sèches

Altitude : 1500 à 2800 m

Oiseaux emblématiques du sud des Alpes, ces perdrix grimpent haut pour vivre entre les pierres et les crêtes. Leur plumage rayé les rend presque invisibles. Elles se nourrissent de graines, d’insectes, de racines. Courant plus qu’elles ne volent, elles fuient comme des flèches entre deux rochers dès qu’on les approche. Comme les autres galliformes de montagne, elles paient cher la fréquentation humaine croissante et le grignotage de leurs habitats.

 

Lagopèdes alpins, ermites des sommets

Altitude : au-delà de 2000 m, parfois jusqu’à 3000 m

À plus de 2000 mètres de hauteur, entre éboulis et landes rases, les lagopèdes alpins (ou perdrix des neiges) jouent à se camoufler. Changeant au rythme des saisons, leur plumage brun tacheté l’été se fait blanc immaculé l’hiver. Ils nichent sous des pierres et se nourrissent de peu : lichens, graines, bourgeons. Fidèles à leurs zones, ils affrontent les tempêtes, tapis dans le creux des rochers ou sous la neige. Ils sont taillés pour le vent, le froid, l’hostilité. Mais pas pour les hélicoptères ni les pistes qui montent toujours plus haut. En outre, en pleine période d’élevage des jeunes, le pastoralisme constitue une nuisance majeure pour la survie des nichées.

 

En sursis

Ces oiseaux, dont les lointains ancêtres ont appris à affronter les changements climatiques et géographiques de leur environnement, se retrouvent aujourd’hui sans défense devant l’emprise humaine. À tel point que les six espèces de notre pays sont en sursis. Tétras-lyres, lagopèdes alpins, gélinottes des bois, perdrix grises des Pyrénées, perdrix bartavelles… tous sont « quasi menacés » selon l’UICN. Quant aux grands tétras, leur situation en déclin continu est encore plus critique : ils sont classés « vulnérables ». Le réchauffement climatique modifie les saisons. Les pratiques sylvicoles et pastorales altèrent leurs milieux. Les stations de ski empiètent sur leur territoire. Les câbles des télésièges les blessent. Chaque fuite leur coûte de précieuses calories.

 

Et pourtant… on les chasse

Malgré cette situation critique, des arrêtés préfectoraux scandaleux fixent le nombre d’individus à « prélever » chaque année. Seuls les grands tétras sont théoriquement épargnés en raison de leur statut de conservation et de l’action des associations qui ont obtenu du Conseil d’État la suspension de leur mise à mort pour cinq ans en 2022. Nous ne cessons de nous battre pour éviter l’acharnement dont ils font l’objet et faire connaître ces oiseaux aux rituels et aux mémoires anciennes parvenus jusqu’à nous. La montagne peut encore résonner de leurs chants. À condition que nous leur restituions le droit de vivre.

 

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