Fort Boyard: du cirque et de la vermine
Fort Boyard revient, avec son lot de fauves et de « vermine » malmenés. One Voice s’oppose résolument à ces jeux cruels et réclame l’interdiction de tout animal dressé à la télévision.
Alors que s’élève dans les communes de France un vaste mouvement citoyen contre les cirques avec animaux, France 2 nous ressert une nouvelle fois son chef-d’œuvre de cirque télévisuel sorti tout droit du Moyen Âge: l’émission Fort Boyard, qui redémarre ce samedi.
Il est regrettable qu’une chaîne publique diffuse ce genre d’émissions. Sans doute, les exploits sportifs et l’audace des participants forcent-ils l’admiration et l’on aimerait ne voir que cela. Mais le concept même de Fort Boyard reste celui de Fear Factor, un jeu fondé sur les phobies des candidats et impliquant à ce titre la présence de quelque quatre cents animaux enfermés nuit et jour, de juin à août, dans une forteresse en mer au large de La Rochelle pour effrayer les candidats, faire trembler les spectateurs et affoler l’audimat.
Les grands fauves féroces y font toujours recette, même si, dans la vie réelle, leur espèce décimée est plus à plaindre qu’à craindre. Myn, Cali et Kanji, les tigres de l’émission, sont nés captifs. Dressés depuis toujours, ils se morfondent d’ennui des journées entières dans leurs cellules humides au rez-de-chaussée, derrière la Salle du Trésor. Ils ne feraient pas de mal à une mouche, sachant bien le prix qu’on paye pour un rugissement de trop. Le rôle qu’ils rejouent sans fin est pourtant celui du tigre assoiffé de sang. Les grands félins supportent mal les plateaux de tournage et la lumière trop crue des spots. C’est pourquoi le cinéma contemporain a renoncé à en faire usage, tout comme des grands singes ou d’autres animaux, et les remplace désormais par des images de synthèse. Mais pas la télévision française, ou du moins pas encore.
Quant aux anguilles, asticots, blattes, chauves-souris, crabes, crapauds, criquets, grenouilles, lézards, mouches, mygales, rats, scorpions, serpents, souris et autres petites bêtes grouillantes qui participent bien malgré eux aux épreuves de Fort Boyard depuis 1998, ils renvoient à une notion très ancienne, datant de l’Antiquité, qui est celle de « vermine ».
La vermine, pour les Anciens, c’était la masse informe de ces êtres nuisibles qui grouillaient sous le plancher de leurs chaumières et n’étaient qu’une production du diable. Cette faune de l’ombre naissait par génération spontanée d’une chemise sale roulée en boule dans une bouteille, disait le chimiste Van Helmont, en un temps où les vapeurs délétères de la peste, la bile noire et les invasions de rats étaient chassés par des processions. Et c’est bien là la même vermine maléfique que l’on jette à la tête des candidats sidérés d’angoisse. Juste de pauvres rats qui se noient, des araignées qu’on écrase, des blattes qu’on piétine, des serpents qu’on manipule avec violence, des souris qu’on élève pour nourrir les serpents, tous animaux conscients, sentients, qui ont peur et qui souffrent.
En reconduisant sans fin les mêmes clichés phobiques à propos de la « vermine » et des fauves, France 2 peut compter sur l’adhésion de son public. Rien n’est plus doux que de s’entendre confirmer ses vieilles angoisses et ses idées toutes faites. Mais ne serait-ce pas plutôt le rôle d’une télévision publique que d’aller de l’avant, de dépasser cette chasse aveugle aux parts de marché et de renouveler le contenu de ses émissions en accord avec des paradigmes modernes? Jacques Chancel disait: « Il ne faut pas donner aux gens ce qu’ils aiment, il faut leur donner ce qu’ils pourraient aimer ». Une vision citoyenne, éthique et respectueuse du vivant, par exemple? Sûr que les gens pourraient aimer!
Partagez et signez la pétition pour libérer les prisonniers de Fort boyard!