Douleur chronique et dépression : des souffrances « modérées » pour les animaux ?

Douleur chronique et dépression : des souffrances « modérées » pour les animaux ?

Expérimentation animale
12.10.2023
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Malgré les signalements de One Voice, les pouvoirs publics persistent à sous-estimer les souffrances des animaux pendant les expériences.

Quand un laboratoire veut mettre en place une expérimentation animale, il doit indiquer à quel point les animaux vont souffrir (on parle de « degré de gravité »). Le ministère de la Recherche, malgré plusieurs échanges avec nous, trouve normal que des projets impliquant d’infliger une douleur chronique et un état anxio-dépressif à des rongeurs soient classés dans la catégorie « modérée ». One Voice envisage sérieusement d’aller plus loin pour faire entendre leur voix.

Notre premier courrier remonte au mois d’avril 2023. Trois projets tout juste approuvés nous avaient sauté aux yeux. Pour l’un, dont la classification « sans réveil » était manifestement fausse (les poissons exposés aux polluants étant bien réveillés), le ministère a reconnu son erreur et a simplement corrigé la classification – sans expliquer comment une erreur aussi grossière avait pu passer le filtre des « comités d’éthique » et celui du service national « APAFiS », chargé de l’autorisation des projets.

Pour les autres, il n’en a pas démordu : dépression, douleur chronique… Qu’à cela ne tienne, ces expériences seraient « modérées », voire « légères ». Une classification bien pratique pour rassurer le public… Mais nous ne céderons pas d’un iota.

Injections « légères » de psychotropes et tests inadaptés

Le deuxième projet, classé « léger », implique notamment des injections répétées de psychotropes dans l’abdomen de souriceaux. Nous y avions repéré les mentions de mesures d’anxiété et de dépression d’une durée de cinq à dix minutes – ce qui nous a immédiatement fait penser au test de nage forcée, encore utilisé malgré un intérêt scientifique très discutable et une large opposition du public.

D’après le ministère, la nage forcée ne serait pas utilisée dans ce projet. En fait, « le test utilisé pour évaluer la dépression est le test de labyrinthe en croix ». Voilà donc un nouveau problème. En effet, ce dispositif sert normalement à mesurer l’anxiété, et pas du tout la dépression des rongeurs. L’équipe de recherche aurait-elle choisi ses tests à l’aveugle sans vérifier à quoi ils sont censés servir ? Nouveau courrier de notre part – pour l’instant sans réponse.

La douleur chronique : « modérée » ?

Le troisième projet, classé « modéré », est encore bien pire, avec la soumission de plus de 1000 souriceaux à une douleur chronique pendant cinq à douze semaines. En réponse à notre signalement, on lit simplement que les chirurgies (faites pour induire la douleur chronique) sont réalisées sous anesthésie et que des points limites sont définis pour tuer les animaux s’ils souffrent trop. Mais aussi que « dans ce modèle de neuropathie, les animaux ne manifestent aucun signe clinique de douleur sévère ».

Le ministère a manifestement oublié la réglementation qu’il a lui-même rédigée et adoptée il y a plus de dix ans – qui prévoit que toute souffrance chronique entraîne un classement en degré « sévère ». Là encore, aucune réponse ne nous a été apportée. 

Des mots doux pour rassurer le public

Entre-temps, d’autres expériences ont reçu l’aval du service APAFiS pour faire souffrir et tuer des animaux. Et dans la famille « modérée », on y retrouve encore des aberrations, que nous avons également signalées. Ainsi, dans un projet, près de 200 souris seront stressées par des chocs électriques répétés puis détenues en cages individuelles pendant des semaines pour étudier le stress post-traumatique. Dans un autre, plus de 500 rongeurs endureront « une douleur chronique avec développement de troubles anxio-dépressifs » et implantation d’électrodes dans le crâne.

De quoi rire jaune quand on lit chaque année dans les statistiques publiées par les pouvoirs publics que « toutes espèces confondues, les procédures les moins contraignantes, c’est-à-dire de classe modérée ou légère, sont les plus nombreuses ». Avec le nombre de projets « légers » qui diminue tandis que les expériences « modérées » se multiplient d’année en année, on comprend pourquoi l’industrie tente de manipuler l’opinion publique, alors même que trois quarts des Françaises et Français s’opposent à ces pratiques. Des manipulations qui se font, toujours, au détriment des animaux victimes des laboratoires.

Pour une vision plus précise des chiffres de l’expérimentation animale et des souffrances endurées par les animaux, notre site web d’analyse permet d’avoir une meilleure idée de la réalité.

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