Des centaines de milliers d’animaux utilisés illégalement par les laboratoires français
Le nouveau rapport statistique de l’Union européenne vient de sortir. Mauvaise nouvelle : de 2015 à 2020, plus de 300 000 animaux ont été utilisés en France dans des procédures pour lesquelles il existe des alternatives.
Le nouveau rapport de l’Union européenne sur les chiffres de l’expérimentation animale en 2019 vient de sortir. Comme le précédent, il dénonce l’utilisation d’expériences pour lesquelles des alternatives existent depuis plus de dix ans. Et comme à son habitude, la France a un rôle prépondérant dans ces utilisations illégales. Nous avons contacté le ministère de la Recherche pour demander desexplications.
Les autorités publiques et les autres organismes qui défendent l’expérimentation animale nous répètent à l’envi que celle-ci n’est pratiquée que lorsqu’aucune alternative n’est disponible. C’est d’ailleurs une obligation légale, à travers l’article L. 214-3 du Code rural et la directive européenne sur l’utilisation des animaux à des fins scientifiques.
Alors pourquoi entend-on encore parler de tests de pyrogénicité sur des lapins, de tests d’irritation et de corrosion de la peau ou des yeux sur des rongeurs, ou encore de production d’anticorps monoclonaux grâce à la méthode – particulièrement sévère – de l’ascite ? En effet, des alternatives existent depuis des années, homologuées par l’agence européenne chargée de leur validation (ECVAM).
Les tests d’irritation et de corrosion
Les alternatives aux tests d’irritation et de corrosion de la peau et des yeux ont été validées dans les années 2000, et certaines font même l’objet d’une recommandation réglementaire de la part de l’ECVAM. Pourtant, les tests sur les animaux continuent dans l’Union européenne – et en particulier en France. En effet, de 2015 à 2019, plus du tiers des tests réalisés dans l’UE l’ont été en France.
Les tests pyrogènes
Les tests pyrogènes consistent à injecter une substance à des lapins et à mesurer l’apparition de fièvre. Le nombre de lapins utilisés pour ces tests dans l’Union européenne a diminué d’un tiers entre 2015 et 2019. Mais la France, toujours prompte à ignorer la loi européenne, a nagé à contre-courant en doublant son utilisation de lapins pour ces tests sur la même période. C’est donc elle qui obtient la palme du plus grand nombre de lapins utilisés pour des tests pyrogènes en 2019, avec 39 % des utilisations de l’Union européenne, loin devant l’Espagne (29 %) et l’Allemagne (21 %).
Les « tests d’activation des monocytes » in vitro (MAT) ont pourtant été déposés en 2002 auprès de l’ECVAM, validés en 2006, et inclus en 2009 dans la Pharmacopée européenne comme une alternative viable au test de pyrogénicité utilisant des lapins.
La « méthode de l’ascite »
Mais il y a pire. La « méthode de l’ascite », un procédé particulièrement cruel pour les rongeurs et les lapins, est toujours d’actualité dans l’Union européenne. En cause dans 95 % des cas : la France.
En 1998, l’ECVAM parlait pourtant déjà des alternatives in vitro disponibles, soulignant que « la production d’anticorps monoclonaux par la méthode de l’ascite n’est plus scientifiquement nécessaire, sauf dans certains cas exceptionnels ». En 2020, elle est même allée plus loin, en affirmant que « la production d’anticorps par la méthode de l’ascite ne devrait plus être acceptable quelles que soient les circonstances ».
Parmi les explications données dans les classeurs statistiques du ministère de la Recherche, certaines sont surréalistes. Ainsi, en 2019 et 2020, plus de vingt mille utilisations d’animaux se justifient par l’idée que « cet anticorps est demandé en très grande quantité, les méthodes alternatives ne peuvent pas répondre à ce besoin ». À croire que les intérêts industriels sont plus importants que la loi.
Où sont les sanctions ?
En tout, plus de 300 000 animaux ont donc été utilisés illégalement en France entre 2015 et 2020, alors que les lobbies et les ministères ne laissaient pas de nous vanter la réglementation et l’obligation stricte d’utiliser les alternatives existantes. Face aux mensonges et à la langue de bois des autorités censées faire appliquer la réglementation, on comprend facilement la défiance du public.
Dans un courrier adressé au ministère de la Recherche, nous demandons des explications sur les raisons de ces utilisations illégales, sur les sanctions prévues pour les établissements responsables et sur les mesures mises en place pour s’assurer de n’accepter désormais aucun projet d’utilisation d’animaux lorsque des alternatives existent.
Sources
Classeurs de statistiques 2015-2020 fournis par le ministère chargé de la Recherche (voir notre présentation de ces chiffres sur https://experimentation-animale.com).
Rapports statistiques de l’Union européenne (dont le dernier date de mi-juillet 2022, à propos des chiffres 2019).