Le massif du Jura est un front de recolonisation du loup.
L'espèce ne s'y reproduit que depuis 2019 et aujourd'hui seules deux meutes
sont recensées, côté suisse inclus. Le statut de l'espèce reste donc très
précaire. Pourtant, suite à quelques attaques sur des jeunes bovins laissés au
champ sans leur mère et sans aucune protection, les pouvoirs publics français
préfèrent tuer des loups car ils ont décidé de considérer les troupeaux de
bovins comme non-protégeables: deux animaux ont déjà été abattus cet automne
dont la mère de la meute du Risoux. Une « solution » de facilité
inutile qui ne protège pas les troupeaux et déciment les familles de loups. Et
une solution illégale. Nos associations viennent donc de déposer des recours au tribunal administratif de Besançon contre deux arrêtés de tirs de défense signés par le préfet du Doubs le 10 octobre 2022.

Nos arguments juridiques reposent majoritairement sur deux axes :
L'inopposabilité et l'illégalité de la note technique
La "non-protégeabilité" de principe et
absolue des troupeaux de bovins (et d'équins) repose sur une simple
note technique du préfet coordonnateur du plan national loup du 28 juin 2019.
Cette note n'a jamais été publiée de sorte qu'elle est inopposable et n'a
aucune valeur juridique.
Cette note souligne "des moyens de protection
inadaptés" Et pour cause ! Aucune recherche ni expérimentation
sérieuse de mesures de protection passive ou active des
bovins n'est effectivement développée en France, alors que les loups sont de
retour depuis maintenant 30 ans dans notre pays.
Comme l'avoue carrément la note technique, c'est "le
choix de l'État "de ne pas rendre les
troupeaux de bovins et d'équins éligibles à la protection". Eu égard à son caractère inopposable, cette note ne peut dès
lors pas fonder des décisions d'autorisations de tirs contre des loups dans le
cadre dérogatoire des troupeaux non-protégeables.
Le caractère général de la règle de « non-protégeabilité »
de tous les troupeaux bovins et équins est donc parfaitement illégal.
Risque de disparition d'une population locale
Dans le "Document d'orientation sur la protection
stricte des espèces animales d'intérêt communautaire en vertu de la directive
Habitats 92/43/CEE, établie par la Commission européenne pour l'application des
articles 12 et 16 de la Directive Habitat" (guide d'interprétation sur
laquelle l'État français doit s'appuyer pour élaborer sa réglementation en
matière de protection du loup) il est indiqué qu'" une évaluation
appropriée de l'impact d'une dérogation particulière devra dans la majorité,
voire la totalité, des cas se situer à un niveau inférieur à celui de la région
biogéographique, dans un souci de cohérence du point de vue écologique. Un
niveau intéressant à cet égard pourrait être celui de la population
(locale)."
Ce qui veut dire que les autorisations de tirs de loups -
même si elles respectent le plafond de tir au niveau national - doivent être
également appréciées au niveau local.
Or la multiplication des arrêtés de tirs de défense (+ de
25) sur le massif du Jura met donc ainsi grandement en péril la population de
loups au niveau local.
Pour finir, la non-publication de la totalité des arrêtés de
tirs de défense, si elle n'est pas illégale, rend opaque les décisions en
matière de tir et n'aide pas à établir un dialogue transparent entre les
différents acteurs.
Rappelons encore une fois que les études menées (comme la
thèse d'Oksana Grente, France-2021) n'ont pas validé le tir des loups
comme une solution face à la prédation sur les troupeaux.
En poursuivant dans cette voie, nos trois associations
affirment que l’État fait perdre un temps précieux aux éleveurs et manque à son
rôle de conseil pour la mise en place de moyens de protection efficaces afin de
cohabiter avec cette espèce protégée !
La seule solution efficace reste la protection effective des
troupeaux, bovins y compris.