Il est temps pour moi d’écrire ce billet.
Au moment où j’écris ces lignes, je tiens à ce que vous sachiez tous que d’un point de vue professionnel, je suis plus en colère que je ne l’ai jamais été au cours de mon existence.
La semaine dernière, j’ai reçu un rapport de l’USDA sur une inspection effectuée début juin au Miami Seaquarium (MSQ). C’est sans conteste l’un des pires rapports d’inspection qu’il m’ait été donné de voir concernant un établissement de mammifères marins aux États-Unis. Plus particulièrement, et juste en haut de ce rapport long de dix-sept pages, l’inspecteur de l’USDA écrit que « les recommandations du vétérinaire traitant du MSQ quant au fait de devoir fournir aux animaux des soins vétérinaires adéquats et d’autres choses nécessaires à leur bien-être, ont été à plusieurs reprises ignorées ou rejetées au cours de l’année écoulée. »
Cette phrase met en lumière deux problèmes. Premièrement, la clé de voûte du système visant à protéger le bien-être des animaux sauvages détenus dans les zoos et les aquariums est que les vétérinaires agréés et expérimentés de la faune sauvage peuvent et doivent annuler toutes les décisions prises par des personnes haut placées dès lors que le bien-être des animaux est en jeu. C’est-à-dire que lorsqu’un cadre décide par exemple de promouvoir les relations publiques, d’améliorer les rendements ou de mettre l’accent sur l’esthétique, le vétérinaire traitant peut et doit dire, le cas échéant : « Cette décision n’est pas dans l’intérêt des animaux, aussi je recommande de l’abandonner / la modifier » - auquel cas la décision, en effet, est censée être abandonnée ou modifiée.
Chaque fois que quelqu’un critique le système (ou signale le conflit d’intérêts assez évident que rencontre un vétérinaire employé par un établissement lorsqu’il s’aventure à contredire tout ce que « le patron » pourrait vouloir), le Service d’inspection de la santé animale et végétale de l’USDA (APHIS), ou des associations professionnelles, ou encore l’établissement lui-même, rétorquent d’une seule voix : « Les vétérinaires ont le dernier mot et ne permettraient jamais qu’il se passe quoi que ce soit qui mette en danger la santé ou le bien-être d’un animal. » Il n’y a vraiment rien de pire pour un inspecteur de l’USDA que de devoir signaler que les responsables d’un établissement ne tiennent pas compte de leur vétérinaire traitant. La mise à l’écart du vétérinaire traitant sape le fondement de la protection du bien-être des animaux captifs aux États-Unis.
Deuxièmement, le MSQ est certifié « sans cruauté » par American Humane et agréé par l’Alliance of Marine Mammal Parks and Aquariums. (Il est intéressant de noter qu’il n’est PAS accrédité par l’Association of Zoos and Aquariums.) Tout établissement pour lequel la première note figurant dans un rapport d’inspection de l’USDA relève que les recommandations du vétérinaire traitant ont été ignorées au cours de l’ANNÉE ÉCOULÉE ne devrait plus être homologué par un organisme extérieur ou une association professionnelle.
Il y a quelque chose de profondément pourri dans les États de Floride et de Washington DC.
La plus ancienne orque captive du monde vit au MSQ dans le plus petit bassin d’orques du monde. Elle est diversement connue sous les noms de Lolita, Tokitae et Sk’aliCh’elh-tenaut, et elle a cinquante-six ans. Le rapport la surnomme « Toki » (diminutif de Tokitae) et je ferai donc de même. Son bassin est si minuscule qu’il viole techniquement les normes d’espace honteusement obsolètes et inadéquates de l’Animal Welfare Act. Pour des raisons trop complexes pour être expliquées ici, le MSQ a été autorisé à maintenir Toki dans un bassin dont la profondeur est inférieure à la longueur de l’orque, et si étroit qu’elle doit virer sur sa nageoire et tourner immédiatement après un coup de queue sur toute sa largeur.
(Le rapport d’inspection signale en fait que Toki a souffert d’une blessure à la mâchoire inférieure plus tôt cette année, due peut-être au fait qu’elle est entrée en collision avec la paroi du bassin après avoir effectué un saut « de tête » ou une nage rapide, comportements que la vétérinaire a recommandé de ne plus faire effectuer à Toki en raison de son âge. Le dresseur, en poste depuis six mois seulement, a ignoré cet avertissement.)
À l’origine, Toki vivait avec une autre orque, un mâle prénommé Hugo. Tous deux étaient des adolescents lorsqu’ils ont été capturés parmi la population d’orques résidentes du Sud (SRKW), respectivement en 1970 et 1968. Hugo est décédé d’un anévrisme cérébral en 1980. Depuis lors, Toki est détenue principalement avec des dauphins à flancs blancs, mais elle interagit rarement avec eux de manière positive. Étonnamment, ses dents sont en bon état, ce qui, à mon avis, est la raison principale pour laquelle elle est toujours en vie. J’ai toujours pensé que la mauvaise dentition de 70 % des orques captives – due au fait qu’elles mâchonnent les murs et les barrières – représente l’un des principaux facteurs de leur mortalité précoce. (Corky, détenue au SeaWorld de San Diego, qui est à peu près du même âge que Toki, a les dents usées, et il est donc clair que la longévité ne dépend pas d’une bonne dentition.) Mais ce n’est pas parce que ses dents sont robustes que sa santé actuelle est bonne. De fait, selon le rapport d’inspection, la santé de Toki est bel et bien précaire.
Lorsque j’ai pénétré pour la première fois le monde de la défense des mammifères marins, il y a de cela bientôt trente ans, je me suis efforcée, avec de nombreux autres protecteurs et militants, d’élaborer un plan pour libérer Toki de son bassin minuscule. J’ai écrit des lettres de plainte, consulté des avocats pro bono, je suis allée à Miami et j’ai rencontré des sommités locales qui voulaient m’aider. Aucun appel n’a jamais ému Arthur Hertz, PDG de la société qui possédait alors le MSQ. J’ai continué à soutenir les efforts de celles et ceux qui restent concentrés sur le bien-être de Toki, mais je suis moi-même passée à une autre étape, celle d’essayer d’apporter des changements positifs au niveau politique pour tous les mammifères marins captifs.
Le MSQ a été racheté par Palace Entertainment en 2014. D’après ce que je comprends, en réponse à ce transfert de propriété, il y a eu un renouvellement presque complet du personnel au cours des années suivantes. Je soupçonne que cette rupture dans le suivi des soins a beaucoup à voir avec la grave détérioration de la situation sur place. Toki a apparemment perdu tous ceux avec qui elle s’était familiarisée (son dresseur principal travaille avec elle depuis moins d’un an) et qui la connaissaient alors qu’elle prenait de l’âge. Au lieu que cette vénérable dame soit traitée dignement par le MSQ, le rapport d’inspection prouve que sa direction la maltraite. Il est difficile pour moi d’exprimer à quel point je trouve cela horrible.
L’inspecteur a également signalé que le MSQ avait réduit la « base » alimentaire de Toki (le poids total des poissons dont on la nourrit chaque jour) de 72,5 à 59 kilos, malgré les objections de la vétérinaire. On ne sait trop pourquoi elle a été diminuée, mais encore une fois, cela n’a guère d’importance puisque la vétérinaire s’y est opposée. La quantité de nourriture fournie à un animal est CLAIREMENT du ressort du vétérinaire ! La vétérinaire était également préoccupée par le niveau d’hydratation de Toki : les cétacés tirant leur eau du poisson qu’ils mangent (aucun mammifère ne boit d’eau de mer), elle craignait qu’elle ne se déshydrate.
Mais voici une citation tirée du rapport qui dépasse tout simplement l’entendement :
Commentaires 16
Poupette | lundi 11 octobre 2021
kikomaya | dimanche 10 octobre 2021
Nadyne | samedi 09 octobre 2021
Marian | samedi 09 octobre 2021