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Le monde selon les lions

Le monde selon les lions

Mis à jour le 05 mars 2018

Dans la savane, une petite lionne est née. Elle découvre qui sont les siens, elle apprend ce que sera sa vie et celle de ses frères et sœurs. A travers ses yeux, découvrez le monde selon les lions.

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Naître dans la savane

Lorsqu'elle a ouvert les yeux pour la première fois, dix jours après sa naissance, la petite lionne au pelage tigré et aux grosses pattes velues a découvert une plaine immense, couverte d'herbes hautes à l'infini et semée çà et là d'acacias solitaires. Les pluies avaient cessé. Ce matin-là, toute la savane verdoyait jusqu'aux montagnes noyées de brume et bruissait de mille chants d'oiseaux. Près des mares, tête baissée, des gazelles et des zèbres buvaient l'eau ocre à longs traits. Des girafes marchaient au loin et plus loin encore, un troupeau d'éléphants. C'était une bien jolie saison pour naître.

Apprendre et se cacher

Avec sa sœur et ses deux frères, parfois, elle restait seule toute la journée. Leur mère partait se nourrir. Cachés dans un taillis en haut d'une petite butte, les quatre lionceaux ne bougeaient plus d'un poil, silencieux, à l'écoute du moindre bruit. Des hyènes menaçantes passaient en ricanant, des troupeaux de buffles aux sabots mortels, et les petits s'aplatissaient plus encore. Le soir, enfin, un grondement bas les avertissait : la lionne revenait, une carcasse dans la gueule, et les enfants se jetaient sur elle pour téter et goûter leur première viande.

De grands félins sociaux

Aujourd'hui, la petite lionne est plus âgée de quelques mois. Elle a perdu ses rayures. Elle vient de rejoindre la troupe dont leur mère s'était éloignée pour accoucher à l'abri. D'autres femelles l'ont accueillie et lui ont léché la tête d'une énorme langue râpeuse. Les quatre lionceaux jouent avec les enfants de leur âge. Ils se roulent dans la poussière en grondant comme les grands. Quand ils ont faim, ils peuvent téter n'importe quelle lionne allaitante du groupe, car tout le monde les protège, tout le monde les aime bien. Mais si les jeux se font trop violents, si l'un des petits crie trop fort, leur mère les rappelle aussitôt à l'ordre d'un grognement et, d'un regard, leur indique le danger. Il y a là trois mâles allongés sous le baobab, des géants à la crinière sombre qui se ressemblent comme des frères et qu'il ne faut pas déranger.

La lutte des rois lions

Et ce sont bien des frères, en effet, jeunes et forts. Ils sont arrivés ici à quatre, il y a quelques saisons, avant que la petite lionne ne soit née. L'un d'eux est mort au combat durant la prise de pouvoir, lorsque les anciens mâles ont été chassés hors du territoire. Le vainqueur des combats est certainement son père, c'est celui qui rugit le plus fort jusqu'au bout de l'horizon en expirant un son énorme, les flancs creusés, la poitrine haute. Lorsqu'il lance son appel, gueule ouverte, crocs brillants, face au soleil rouge sombre, la petite lionne sent sa voix vibrer dans tous les os de son corps et ronronne en soufflant. Près d'elle, ses frères essayent d'imiter le grand mâle avec des miaulements comiques. 

Elle aime bien écouter son père, car c'est son protecteur. Il surgit quand les choses tournent mal, ou que les proies sont trop grosses pour la meute des femelles. Il rôde autour des lionnes amoureuses, quand elles le séduisent en creusant l'échine, lui et ses deux lieutenants. Dès qu'ils sont là, personne ne craint plus les attaques des hyènes, ni même des éléphants s'ils se mettent en colère.

Les chevaliers errants

La petite lionne regarde ses frères, si jeunes et sans crinière encore. Eux aussi partiront un jour. Eux aussi se battront contre des rivaux et rugiront pour regrouper leur troupe. Leur mère refusera peu à peu de les aider à se nourrir, leur père leur rugira en pleine face et leur balancera des coups de pattes. Ils s'en iront. Têtes basses, queues battantes, ses deux frères s'éloigneront de la troupe et partiront à l'aventure. Un autre jeune viendra peut-être les rejoindre en chemin, un ami d'enfance ou un mâle errant. Ils se nourriront de charognes qu'ils disputeront aux chacals, avant de parvenir aux frontières d'un nouveau territoire. Ils en affronteront le mâle dominant et sa propre coalition, et s'ils le vainquent au terme d'affrontements féroces, il leur faudra tuer tous les lionceaux. Une tâche obligée pour perpétuer le lignage mais à laquelle les mères s'opposent avec rage, parfois avec succès.

La sagesse des lionnes

La petite lionne restera quant à elle auprès de sa mère, au sein de la troupe tout au long de sa vie. Si rien ne les force à quitter les lieux, ni incendie, ni maladies, ni famine, ni chasseurs, elles resteront ensemble. 

Quant au superbe lion qui rugit ce soir, il finira toujours par être détrôné. D'autres mâles plus jeunes et plus vigoureux viendront le remplacer. Dès lors, ce ne sera pas son père qui approchera la jeune lionne lorsqu'elle sera nubile, mais un nouvel amant plein de morgue et d'audace. Elle tourne ses grands yeux orange vers sa mère. Qu'elle est belle, elle aussi, dans sa robe fauve unie ! Tout son corps est en muscles, en nerfs, en puissance. Mais son esprit est un écheveau de stratégies d'attaques et de savoirs acquis auprès des plus anciennes, qu'elle transmet à son tour à ses propres enfants.

Ce soir, elle emmènera ses trois aînées avec la troupe pour une expédition vers le Nord. Ces sœurs-là sont nées deux ans plus tôt et la petite lionne les envie. Mais elle est bien trop petite pour participer à ces chasses toujours difficiles, toujours hasardeuses et qui échouent la plupart du temps. Ces chasses qui semblent si cruelles mais sans lesquelles les mignons lionceaux mourraient tout simplement de faim.

Chasses à l'affût et stratégies

Alors, les lionnes ne cessent d'inventer des tactiques pour réduire la part d'échec. Des stratégies subtiles de courses-relais sont mises en place, mais aussi des approches à l'affût coordonnées et complexes, qui doivent prendre en compte le sens du vent, la position du soleil, la vitesse et la ligne de fuite supposée du gibier, qu'on observe et qu'on suit parfois depuis des semaines lors des grandes transhumances. 

Les mâles participent peu à ces chasses collectives, sauf lorsqu'il s'agit de venir à bout d'un buffle ou d'un éléphant. Ils préfèrent se nourrir seuls le soir, et se servent les premiers au festin ramené par les lionnes. 

La vie d'une lionne est brève, quatorze à vingt ans tout au plus. Pourtant, le savoir circule d'une génération à l'autre et il est essentiel à la survie de tous. Ce soir, la petite lionne a les paupières lourdes. Elle a tellement joué, tellement appris aujourd'hui ! Alors, elle se couche dans le sable à l'ombre d'une termitière, avec d'autres enfants. Le sommeil l'emporte aussitôt, au fil de rêves merveilleux…

À quoi peut bien rêver une petite lionne ? Car elle rêve beaucoup, comme tous les félins. Sans doute à une savane en paix, peuplée de zèbres et de gnous, remplie de bébés intelligents et bien nourris, de compagnons victorieux et de chasses réussies. Le monde heureux de la savane qu'ont connu ses ancêtres et qu'elle voudrait connaître elle aussi, inchangé pour toujours…

Yvon Godefroid
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Commentaires 2

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FaairyTail | mardi 04 octobre 2016

Je trouve vraiment honteux ce que fait l'être humain ! C'est vrai, dans la loi on dit qu'on doit se respecter les uns des autres mais et les animaux alors ?! Sauvages ou pas il faut les préserver et là franchement on est mal partis. Égoïste, l'homme est vraiment le pire animal sur terre. Il faut que ça cesse !!! Pff.. espérons que le monde aille mieux. Surtout que les animaux sont venus sur terre avant nous.

wettlé | mercredi 10 août 2016

Vraiment très touchant, émouvant et bouleversant et en lisant tout ce texte il en ressort une fois de plus que ces magnifiques et fabuleux animaux sauvages ne doivent vivre qu'en liberté dans leur environnement naturel ou l'équivalent dans de grandes réserves ou sanctuaires et non emprisonnés, enfermés, exploités et utilisés par certains humains pour être ridiculisés, humiliés, rabaissés et irrespectés. Tous ces animaux sauvages ont une intelligence très développée et une sensibilité indéniable. Toujours les mêmes questions qui se posent : comment peut-on exploiter, torturer et maltraiter ces animaux puissants au sens propre et figuré, comment peut-on vouloir les chasser, les traquer, les tuer...?
Et les réponses sont toujours les mêmes : ce ne sont que des individus complètement vides, insensibles, sans aucune morale, aucun respect de la vie, aucun respect des valeurs, aucun respect des animaux quels qu'ils soient. Ce sont des individus qui n'appartiennent pas à la race des humains tout simplement. Tous ces animaux sauvages doivent faire l'objet d'une loi catégorique, ferme et définitive pour les défendre, les protéger et condamner très lourdement, de la peine maximale, toutes les chasses et tueries de ces animaux afin qu'ils puissent vivre en paix et en toute liberté sur leur propre territoire. Et en prenant connaissance et conscience de la vie de tous ces admirables animaux, nous nous rendons compte à quel point l'humain n'est en rien "supérieur" à eux mais aussi à quel point l'humain est tombé bien bas, plus que bas et n'a plus aucune valeur ni grandeur comparé à l'ensemble de ces animaux.