le mardi 07 août 2018 | 6

Bruit et fureur dans les océans

Bruit et fureur dans les océans

Mis à jour le 07 août 2018

Depuis soixante ans, le bruit ne cesse d’augmenter dans les fonds marins et avec lui, les échouements de cétacés. One Voice exige une meilleure protection des mers contre la pollution sonore, avant qu’il ne soit trop tard.

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Le crissement est aussi atroce que celui de griffes de fer sur une ardoise géante. Pire encore et plus fort, incessant, le sonar revient en boucle sur des fréquences de plus en plus insupportables qui vrillent les tympans. Au loin, se découpant sur l'horizon, le navire de la US Navy croise lentement le long de la côte. Tout près, presque collées à la plage, des orques se serrent les unes contre les autres en tentant de fuir le bruit. Elles gardent la tête hors de l'eau et glissent au plus près des berges, au risque de s'échouer. Cette scène a pu être filmée à Puget Sound en 2003. Heureusement, les orques du Pod J en sont sorties indemnes.

Depuis lors, les flottes militaires de nombreux pays multiplient les manœuvres en haute mer ou près des côtes. Partout, des bombes sont larguées pour impressionner l'adversaire, des missiles lancés et de sombres sous-marins furtifs sondent les ténèbres des abysses de leurs signaux mortels. Pour les traquer, le super-sonar Low-Frequency Active (LFA) des forces navales américaines balaie les océans de son rugissement électronique dont la puissance sonore équivaut au décollage de trois Boeing 747. Les baleines n'ont pas de casque anti-bruit pour se protéger des 235 décibels qu'on leur envoie en pleine tête. Au lendemain de chaque opération, d'innombrables cétacés viennent mourir sur les plages, tympans éclatés, larmes sanglantes.

Ailleurs, en eaux plus pacifiques, ce sont les prospecteurs pétroliers qui lancent des campagnes de recherche, sondant les fonds marins à coups de canons à air pour y déceler des hydrocarbures. Lorsqu'ils en trouvent, c'est alors au tour des plates-formes de frapper des coups de gong jour et nuit, qui résonnent dans la mer de Norvège et détournent la course des cachalots.

Le « monde du silence » du Commandant Cousteau ne l'a jamais été. Depuis toujours, la mer est traversée par un concert de grondements, de claquements, d'appels et de chants que s'échangent les poissons. Les récifs coralliens bruissent tout autant qu'une jungle et leur gazouillis n'est parfois couvert que par le sifflement triomphant d'une orque, les infrasons d'une baleine bleue ou le fracas lointain d'un volcan sous-marin.

Mais jamais des assauts sonores aussi destructeurs n'avaient été infligés au milieu marin avant l'arrivée de l'humain. Trafic maritime incessant, marinas de luxe, croisières, sports balnéaires, whale-watching intrusif, parcs éoliens offshore enfonçant leurs pieux à l'aide de marteaux hydrauliques, etc. Si l'on sait que les petits poissons de la Grande Barrière de corail se font dévorer deux fois plus vite par les gros lorsque des bateaux à moteur circulent à proximité, que dire de la souffrance des cétacés, dont l'univers est d'abord fait de sons, comme le nôtre d'images ? Si le fond sonore devient trop puissant, ils ne peuvent plus se nourrir, ni se reproduire, ni socialiser. Le seul trafic des petits bateaux réduit de 26 % la portée des sons émis par les grands dauphins, et de 58 % celle des baleines pilotes. Il leur faut alors crier pour se faire entendre ! Imaginerait-on de vivre dans une boîte de nuit ?

One Voice demande que la Commission européenne, par le biais de sa « Directive-cadre stratégie pour le milieu marin » (2008/56/CE), consacre davantage de recherches à la pollution sonore dans les différentes régions marines sous sa compétence, et que les États membres déploient au plus vite tous les moyens nécessaires pour y limiter les principaux facteurs de bruit.

Yvon Godefroid
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Commentaires 6

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Hermine | vendredi 17 août 2018

L'homme se croit propriétaire de la terre et s'octroie le droit de l'exploiter à sa guise (son air, son eau, sa faune, sa flore....). Il n'est pas assez intelligent pour se rendre compte qu'il n'est qu'un invité et que, même pour son propre bien, il doit la respecter. L'homme est inutile, il tue par vil intérêt.
J'ai honte de faire partie de cette race et je désespère, demain ne sera pas mieux d'après moi. Bien souvent je demande pardon à toute cette nature qui souffre, je ne sais quoi faire d'autre, ou si, mais ça ça serait considéré comme illégal, car l'homme a ses lois, qui ne servent que lui.

Mireille | jeudi 09 août 2018

Il y a des années maintenant qu'il est demandé de faire cesser les nuisances sonores dans les océans pour sauver en particulier les mammifères marins dont les communications sont brouillées, déformées, parasitées par les sonars humains et travaux sous-marins. La mer reste encore une inconnue, tout comme les espèces des forêts pluviales. Et l'espèce humaine, qui n'a pas compris qu'elle est une espèce et même une sous-espèce car il y en a eu plusieurs, comme n'importe quelle espèce animale se permet de tout saccager. Mais quelle prétention ! Nous disparaîtrons comme tant d'autres espèces. La planète Terre continuera à exister tant que brillera le Soleil. D'autres espèces apparaîtrons. Mais ce monde merveilleux que nous avons connu dans notre enfance -j'aurai bientôt 80 ans- n'existera plus. Le suivant sera-t-il plus beau? Peut-être. En attendant tout doit être fait pour arrêter le massacre en cours qui s'accélère.

aglaé | jeudi 09 août 2018

que peut-on faire? comment alerter l'opinion publique et sensibiliser les édiles? lutter contre les lobbies? ce sont ces derniers qui décident de la planète.

Mumu | jeudi 09 août 2018

L'Histoire est tragique et la folie prédatrice des humains incommensurable.
Nous ne laisserons de notre passage sur cette planète que déshonneur et destruction.
La nature, sa faune et sa flore ne nous appartiennent pas.