En fait de neuf tigres, il y en a en réalité dix. Tara, Junior, Sumak, Ima, Houna, Hister, Rañi, Ashley, Bégum et Douglas sont confinés à l’année dans le camion, comme nous l’a signalé une personne du voisinage. Sachant que les autorités traiteraient à la légère nos accusations, les avocats des dresseurs affirmant que tout est légal, nous avons pris le parti d’une enquête au long cours. Car en France, pour obtenir des éléments qui tiennent en justice contre les exploitants d’animaux, y compris sauvages et dangereux pour les humains, il faut se lever de bonne heure ! Forts de nos expériences passées où un seul élément ne suffit jamais, pendant des mois, nous avons documenté cette détention d’animaux sauvages qui n’a cours ni dans un cirque itinérant ni dans un zoo, mais hors des clous de la légalité.
Cacher ces tigres permet de dire ce qu’on veut aux journalistes
Pendant six jours d’affilée, au début du mois de janvier, les tigres ont été enfermés du matin au soir. À l’instant où nous avons diffusé les images, et comme par magie, le dresseur et sa femme ont fait installer le parc d’ébat, afin de faire croire aux journalistes de télévision venus pour l'occasion que cet espace était ménagé à l’année, et que les tigres en profitaient chaque jour.
Pourtant, quand nos enquêteurs s’y sont rendus, à la mi-février, les tigres étaient, encore une fois, et ce malgré le « parc » grillagé déployé resté en place depuis, enfermés dans le camion.
Le temps que nous attendions que Mario Masson arrive, sa femme a demandé à l’employé en charge de nettoyer les cages et de nourrir les félins de sortir quatre d’entre eux, Tara, Junior, Sumak au pelage blanc et la nerveuse Ima, pour donner l’illusion d’une routine quotidienne.
Contradictions sur contradictions
Mario Masson assure que lorsqu’ils ont été filmés enfermés pendant six jours, cela était exceptionnel, qu’ils revenaient à peine d’un gala le 24 ou le 25 décembre, et que son employé avait besoin de vacances. À d’autres journalistes, il disait qu’ils allaient tout juste partir !
Il a poussé le boniment jusqu’à affirmer que plusieurs jours étaient nécessaires pour préparer le camion à partir et à tout réinstaller... En réalité, et nous l’avons parfaitement documenté, avant de se rendre au festival du cirque dans la Sarthe en novembre 2019, le parc d’ébat n’était pas installé. Et lors du départ, il ne leur faut pas plus de quelques heures pour placer les grilles et filets, les passerelles et tabourets, le bassin et les tigres dans le camion !
On ne donnera donc pas trop de poids aux paroles du dresseur d’animaux sauvages « depuis 43 ans », qui change de version comme le vent fait tourner les girouettes...
Sur place, loi du plus fort, soumission et stress
Ce que l’on a constaté de près, ce sont les terribles stéréotypies dont souffrent ces tigres : ils marchent de long en large, tournent en rond dans les cages. Ils sont à l’étroit, soumis à une vie en communauté, alors que ce sont des êtres solitaires dans la nature. Cette promiscuité a des conséquences délétères sur la santé mentale de ces tigres - hybrides pour la plupart - séparés de leur mère dès le plus jeune âge, comme cela nous est confirmé par Mario Masson, qui vante les mérites des biberons donnés par son épouse, enfant de la balle, de circassiens belges.
Le désœuvrement des pauvres tigres fait peine à voir, les agacements et tensions qui rythment leurs rapports sont palpables. Deux groupes ne se supportent pas, et le jeune mâle, Douglas, est même isolé des autres - preuve que les faire cohabiter ne va pas de soi. Très visibles pour ceux qui connaissent les grands félins, ces tensions chez ces tigres captifs sont décrites en détail dans l’expertise que nous avons obtenue d’un spécialiste de la faune sauvage.
Commentaires 41
Anisave | dimanche 29 mars 2020
Deran | samedi 28 mars 2020
Titine | samedi 28 mars 2020
Valé | samedi 28 mars 2020